EDITO – La CAF se soumet (encore) à la FIFA et Infantino

Depuis plusieurs années, le projet germait dans l’esprit de Gianni Infantino, patron presque omnipotent d’une FIFA servant aujourd’hui uniquement ses intérêts, idées et idéologie. Une situation assez ubuesque puisque la Fédération internationale de football se contrefiche désormais bien du football en tant que tel puisqu’elle priorise les projets de son président et ses amitiés politiques.

Entre la création d’un « Prix de la Paix » donné à Donald Trump, que Infantino a personnellement accompagné dans certains voyages officiels, et la Coupe du monde des clubs, tout est fait pour accommoder les lubies du tout-puissant président de la FIFA. Et qui en fait les frais ? Le football africain.

Avoir des casseroles sur les présidents pour mieux les tenir

Depuis sa prise de pouvoir, Infantino a flatté les dirigeants africains comme jamais. Déjà choyés par Sepp Blatter pour leur importance en terme de voix (54), ils furent encore traités avec plus de délicatesse par le nouveau président et son administration qui accordèrent davantage de subvention sans regarder réellement la réalisation des projets.

Pendant que les scandales de toute sorte s’enchaînaient, des abus sexuels sur mineurs au Gabon où le président Pierre-Alain Mounguengui n’a jamais été suspendu malgré les recommandation d’un rapport d’enquête indépendant commandé par la FIFA, aux possibles détournements liés au football féminin en République du Congo jusqu’aux achats de vote lors de la dernière élection au Sénégal, la commission d’éthique de la FIFA ne sanctionne presque jamais les dirigeants africains.

Une aubaine pour ceux qui cumulent des postes honorifiques mais rémunérées dans diverses commissions de la CAF ou la FIFA, et une manière de les tenir au cas où certains souhaitaient se rebeller.

De fait, après avoir soutenu discrètement Ahmad Ahmad pour remporter les élections en 2017 à la place du totémique Issa Hayatou, le même Infantino s’est ingénié avec ses conseillers et proches, principalement Mario Gallavotti et Véron Mosengo-Omba, à diriger en sous-main la CAF.

Avoir maintenu la CAF sous perfusion économique et politique

La rupture du contrat avec Lagardère plaça ainsi la Confédération africaine de football dans un état financier déplorable ; une chance pour la FIFA qui se plaça ainsi comme la sauveuse d’une institution traversant des crises institutionnelles et gouvernementales profondes.

En bonus, c’est bien la même administration Infantino qui fit pression pour renverser Ahmad Ahmad (celui-là même qui avait été porté à la tête de la CAF) et désigna ensuite Patrice Motsepe comme seul candidat en obligeant les autres intéressés à retirer leur candidature.

Avec un président absent, les employés de la CAF au Caire ne le voyant presque jamais, la Confédération est surtout dirigée par le secrétaire-général, l’ancien vassal d’Infantino, Véron Mosengo-Omba. Malgré les rapports alarmants sur sa gestion, ce dernier reste en poste avec l’approbation silencieuse des membres d’un Comité exécutif ne servant à rien si ce n’est se plaindre hors des caméras du traitement réservé au football africain.

Soumise économiquement et politiquement, la CAF n’était plus que l’émancipation des idées de la FIFA qui incita pour organiser une Super Ligue avec pléthore de conseillers italiens, dont le fameux Mario Gallavotti. Un échec absolu d’une seule édition sans lendemain, comme les promesses avortées d’un financement saoudien.

La CAF est la seule confédération à avoir perdu son indépendance

En privé, plusieurs dirigeants africains étaient outrés par le traitement réservé à la CAF. « Pourquoi avoir lancé la Super Ligue chez nous alors que les Européens ont rejeté le projet ? », entendait-on souvent.

Sorte de laboratoire d’idées expérimentales d’Infantino, le football africain répondait aux ordres de Zurich, preuve en est avec la date du 15 décembre pour libérer les joueurs avant cette CAN marocaine. Une date d’ailleurs pas forcément respectée par certains clubs européens à laquelle la CAF reste bien silencieuse.

Contrairement à toutes les autres confédérations, la CAF a accepté son sort, principalement son Comité exécutif, trop content d’avoir ses bonus et de briguer parfois également un poste au Conseil de la FIFA ; un siège à 250 000 dollars par an.

Cupide, sans vision à long terme, ces mêmes dirigeants évoquant fièrement leur volonté de « développer le football africain » ont en réalité développé leurs propres intérêts. De fait, lorsque la FIFA fit pression pour déplacer la CAN tous les quatre ans, la décision fut prise secrètement et annoncée par Patrice Motsepe, le président absent d’une Confédération à la dérive qui vient de tuer sa « poule aux œufs d’or », sa compétition majeure qui drainait tous les deux ans un afflux économique et médiatique jamais-vu sur le football africain.

Afin de faire de la place à la Coupe du monde des clubs dans le calendrier – comme ce fut déjà le cas pour repousser cette CAN marocaine en hiver -, la CAF se tait et espère convaincre son auditoire avec le lancement d’une Ligue des Nations, un autre projet de la FIFA. Une manière de montrer que le football africain ne se décide plus sur le continent mais bien à Zurich.