Il y a 36 ans exactement, le Maroc marquait l’histoire de la Coupe du monde de football, en devenant la première équipe africaine à participer au deuxième tour. Un parcours qu’on raconte dans le Royaume avec beaucoup de fierté. Une génération toujours fêtée et respectée pour avoir montré la voie au football continental. Retour sur un exploit d’une génération dorée, dont la partition reste toutefois inachevée.
Il y a eu Caire 1986 pour le Sénégal et Mexique 1986 pour le Maroc. Une année durant laquelle les Lions de l’Atlas avaient écrit l’une des plus belles pages de l’histoire du football africain dans une phase finale de Coupe du monde. Les Marocains, conduits par le regretté José «Mehdi» Faria, avaient déjoué tous les pronostics dans ce Mondial mexicain. Une prouesse qui sera rééditée par le Cameroun (1990), le Sénégal (2002) et la Ghana (2010) qui ont pu aller jusqu’en quarts de finale.
Avec une génération dorée, le Maroc se présente au Mexique avec le costume d’outsider. Les noms sont loin d’être ronflants sur la scène mondiale. Mais il y a de quoi faire un onze qui tient la route. Le Maroc avait présenté une sélection de 23 joueurs, dont seulement cinq évoluaient à l’étranger, dans des clubs moyens. Mustapha El Haddaoui et Aziz Bouderbala jouaient dans le championnat suisse, respectivement à Lausanne Sports et au FC Sion. Azzedine Amanallah portait les couleurs de Besaçon. Le plus connu, Abdelkrim Merry Krimau, faisait les beaux jours du Havre AC, alors que Mustapha Merry évoluait à Valenciennes. A l’époque, le Wydad avec Badou Zaki, et les FAR (Abderrazzak Khairi, Abdelmajid Lamriss, Lahcen Ouadani et surtout Mohamed Timoumi, Ballon d’Or africain 1985, constituaient le reste de l’ossature. Quelques joueurs du KAC Kénitra et du Kawkab Marrakech complétaient l’effectif « doré » des Lions de l’Atlas.
Ni Lineker, ni Boniek
Sous la houlette du coach José « Mehdi » Faria et de l’emblématique capitaine Badou Zaki, les Lions de l’Atlas montrent une certaine solidité défensive d’entrée. A défaut de marquer, ils montrent beaucoup de discipline défensive. Ils signent deux matchs nuls et vierges. Face à la Pologne pourtant forte de Zbigniew Boniek et de Włodzimierz Smolarek, et face l’ogre du groupe, l’Angleterre de Gary Lineker. Lors d’un dernier match couperet contre le voisin portugais à Guadalajara, la sélection nationale sort l’artillerie lourde et mitraille les Ibères. Résultat : 3 buts à 1, signé Abderrazak Khairi (doublé) et Merry Krimau. Le Portugal sauvera l’honneur en fin de match. Voilà les Marocains propulsés en tête d’un groupe où on ne donnait pas cher de leur peau avant le début de la compétition. La sélection brille et déjoue les pronostics.
Merry Krimau garde un très beau souvenir de ces exploits. « Pour le Mondial 1986, il faut savoir que groupe a été constitué avant. Ce groupe est né en 1982 pour les Jeux Méditerranéens. Nous avons gagné ce tournoi à l’époque. Donc le Maroc était déjà bien préparé avant même le Mondial de 1986 au Mexique. Nous étions prêts pour créer la surprise, car il y avait un groupe soudé homogène et surtout la forme du moment comptait aussi. En plus, nous n’avions rien à perdre car nous n’étions pas favoris », explique l’ancien buteur passé notamment par Metz, Bastia, Lille (103 buts en D1 française).
« C’était écrit … »
Les Lions de l’Atlas après deux nuls avaient pris le match face au Portugal à bras le corps. Ils se disaient « proches d’un exploit historique ». Contre un pays européen, presque voisin, l’objectif était de gagner, car une qualification était en jeu. « Le match le plus important c'est contre le Portugal que nous avions remporté 3-1 avec deux buts d’Abderrazzak Khairi et un de moi-même », se rappelle Krimau. Mais pour l’ancien goleador, seuls les journalistes et un certain public pensaient que ce résultat était une surprise. Les Lions de l’Atlas, eux, croyaient dur comme du fer qu’ils pouvaient faire tomber les Ibères.
« La surprise c’était seulement pour les journalistes, mais pas pour nous. C’était écrit », avance Krimau. Dans cette rencontre, les Marocains ont multiplié les actions de classe. Bouderbala, Khairi et Krimau se sont joués de la défense portugaise. Le premier claque deux buts en l’espace de dix minutes. Krimau scelle le sort de la rencontre à l’heure de jeu, alors que la réduction de score des Ibères reste anecdotique.
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Avec ce succès, le Maroc devenait ainsi la première équipe du continent africain à disputer le second tour d’un Mondial ! Une performance qu’il n’a toujours pas rééditée, malgré les générations qui se sont succédé. En 8èmes de finale, les Marocains affrontent l’Allemagne de Rudi Völler, Brehme, Matthäus ou encore Rummenigge. Ils sont loin d’être favoris, mais croient dur comme fer qu’ils peuvent jouer un mauvais tour aux Allemands. Krimau ne s’en cache pas, l’Allemagne était plus forte. Et le Maroc a pendant longtemps fait douter l'armada adverse. « Nous n’avions pas de regret d’avoir perdu 1-0 contre une équipe composée de grands joueurs ». Un coup-franc de Lothar Matthäus sortira les Lions de l’Atlas à trois minutes de la fin du temps réglementaire.
« Dans l’histoire du football marocain et africain »
« Il y a eu un facteur chance, car prendre un but à la fin du match sur un coup franc de Matthäus était dur », regrette Krimau. Mais l’ancien attaquant estime que l’Allemagne a tout fait pour s’éviter une séance de prolongation qui allait être problématique pour elle. L’explication est simple : « Avec un match nul et une prolongation, nous aurions certainement gagné, car les Allemands paraissaient épuisés avec la chaleur au Mexique et nous étions biens préparés pour jouer dans ces conditions-là », poursuit l'ancien international.
Malgré l'élimination, il n'y avait pas de quoi avoir beaucoup de regrets. Le Maroc avait montré qu'il pouvait tenir tête aux plus grandes nations dans une Coupe du monde. « Le retour au Maroc, c'était exceptionnel avec l’entrée au stade avec Sa Majesté Hassan II. Nous étions très heureux et nous étions en communion avec notre peuple. Il n’y a rien à regretter, car nous étions entrés dans l’histoire du football marocain et africain », se souvient Krimau.
« L’ambiance était magnifique ». Les gens étaient « heureux pour nous et pour l’Afrique avec notre arrivée au deuxième tour ». Malheureusement, cette génération ne sera pas sacrée championne d'Afrique deux ans plus tard à domicile, éliminée par le Cameroun aux portes de la finale à Casablanca. Deux ans plus tôt, elle avait cédé également au même stade face à la Côte d'Ivoire. Les deux seuls regrets d'une équipe que les Marocains n'oublieront jamais.
Mohamed Hadji