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Sénégal-France (1-0) : un avion et deux limousines pour… le slip de Fadiga

Autour du match d’ouverture de la Coupe du monde Corée du Sud-Japon, il y avait une incroyable affaire de superstition. SNA rembobine dans ce nouvel épisode de notre rubrique «Histoires de Coupe du monde» consacrée aux faits marquants du parcours des équipes africaines dans le plus prestigieux tournoi de football.

Mondial 2002, Sénégal-France (1-0) : Khalilou Fadiga (balle au pied) provoque Emmanuel Petit.
Mondial 2002, Sénégal-France (1-0) : Khalilou Fadiga (balle au pied) provoque Emmanuel Petit.

Séoul, 31 mai 2002. Sénégal-France, ouverture du Mondial Corée du Sud-Japon. La suite de l’histoire est connue : un sacré exploit- 1-0 pour les Lions- suivi de deux décennies de souvenirs colorés ou de cauchemars selon que l’on soit du côté des vainqueurs ou des vaincus. Un fait d’avant-match l’est un peu moins. À J-2, un incident avait secoué la Tanière. Elle concernait Khalilou Fadiga…

Voyez-vous ? Vous n’y êtes pas ? On ne parle pas du mini-scandale de vol de collier dans un magasin de la capitale coréenne, impliquant celui qui jouait à l’époque à l’AJ Auxerre. Il s’agit plutôt d’une drôle d’affaire de superstition.

Mercredi 29 mai 2002, donc. Les Lions quittent Daegu pour Séoul. Ils s’installent dans leur hôtel. L'ambiance est tranquille. Mais l'atmosphère sera vite perturbée par un fait a priori anodin. Khalilou Fadiga avait oublié un slip à l’hôtel à Daegu. À 237 kilomètres.

Metsu : «Il me faut ce slip»

Inquiet, presqu’en panique, le sélectionneur du Sénégal, feu Bruno Metsu, informe l’intendant de l’équipe. Manifestement surpris que le sélectionneur, d’ordinaire flegmatique, affiche une mine déconfite pour un simple bout de tissu que personne ne remarquera en principe, Makane Sy s’agace («Et quel est le problème ?») avant de se reprendre. «Le boss me fait savoir qu'il lui faut ce slip», confie-t-il dans un entretien téléphonique avec Sport News Africa.

Deux questions se posent. Premièrement : avec quel moyen de transport effectuer près de 500 kilomètres (aller-retour) en un court laps de temps ? L’option la plus jouable consistait à louer une voiture pour l’aéroport de Séoul, prendre un avion pour Daegu, reprendre un autre véhicule à l’atterrissage, rejoindre dans une nouvelle voiture de location l’hôtel que venait de quitter la délégation sénégalaise et, après avoir récupéré le colis, faire la même gymnastique pour le retour. Surgit ensuite la deuxième interrogation : comment expliquer, sans passer pour des capricieux, que tout cela est fait pour récupérer juste un slip ?

L’intendant des Lions trouve la parade : «Je rencontre aussitôt notre guide coréenne pour lui expliquer que je dois récupérer un document très important à Daegu. Je lui dis qu’il me faut une limousine pour transporter mon adjoint (Pape Thierno) à l’aéroport de Séoul pour qu’il puisse avoir un avion pour Daegu. Puis, une autre limousine de l’aéroport de Daegu à l’hôtel pour récupérer le document. Une heure après, la dame nous dit que tout est réglé.»

«C’était important pour Fadiga sur le plan psychologique.»

Le lendemain, 10 heures du matin, veille du match contre la France. L’intendant adjoint est de retour. Il toque à la porte de son supérieur. Sans le saluer, ce dernier lui demande s’il a accompli la mission. «Affirmatif», répond Pape Thierno Ba. Makane Sy est soulagé, mais tient à vérifier un détail. «Je lui demande si notre guide coréenne a su qu’il avait fait tout ce trajet pour un slip. ‘Non’, me répond-t-il. À cet instant, je remercie Dieu.»

Le «document très important» gardé en lieu sûr, Makane Sy vaque à ses occupations comment si de rien n’était. Il fait durer le suspense. Il croise Bruno Metsu dans l’ascenseur. Ce dernier s’inquiète que l’intendant ne soit pas à ce moment-là à Daegu. L’intéressé rassure le technicien français : «Je lui explique que j’ai récupéré le slip. Le boss était tout heureux comme un enfant. Je lui remets le truc et il me demande comment j’avais fait. Je lui réponds que seule la finalité compte.»

L’intendant ajoute : «C’était important pour moi de récupérer ce slip que Khalilou Fadiga avait soigneusement préparé pour le match d'ouverture. Et c’était important pour lui sur le plan psychologique. D'autant plus qu'il subissait une pression énorme avec l’histoire du collier.»

David contre Goliath

Sénégal-France charriait beaucoup de passions. C’était une affiche spéciale. Une opposition à la David contre Goliath. D’un côté, le champion du monde et d’Europe en titre et de l’autre, un pays qui participait pour la première fois à la compétition. Ici, la France et là, son ancienne colonie dont l’ensemble de l’effectif, sauf l’attaquant Pape Thiaw (Lausanne, Suisse) ainsi que les gardiens Oumar Diallo (Khouribga, Maroc) et Kalidou Cissokho (JA, Sénégal), évoluait en Ligue 1 et en Ligue 2.

On débordait de confiance dans le camp français (joueurs, médias et supporters). Et plusieurs Lions ont révélé que dans le couloir menant à la pelouse du Seoul World Cup Stadium, lieu de la rencontre, la condescendance perlait du front de la plupart des Bleus. Regards suffisants, sourires moqueurs, allusions fumeuses… Ces arrangements avec le principe du respect de l’adversaire avaient davantage renforcé la motivation des Lions que sapé leur moral.

Ces derniers avaient le nez enfoui dans leur stratégie, testée une dernière fois lors de leur dernier match de préparation, contre l’Équateur (victoire des Lions, 1-0). «Nous avions un plan à respecter : être solides derrière, vite récupérer le ballon, et nous projeter vers l’avant, avec Diouf», confiait en 2018 à Jeune Afrique l’ancien international Ferdinand Coly.

Pour faire marcher sa machine, Bruno Metsu avait, notamment, placé Moussa Ndiaye dans le couloir droit, histoire de gêner les montées de Bixente Lizarazu, et positionné Aliou Cissé en sentinelle devant l’axe central composé de Pape Malick Diop et Lamine Diatta. David Trezeguet avait trouvé un montant et Thierry Henry, la transversale. Mais le gardien des Lions, Tony Sylva, resta souverain. Il avait certainement la baraka ce jour-là, mais il était aussi dans un grand soir.

Fadiga «libéré», Fadiga déchaîné

Le «plan» du Sénégal avait fonctionné comme prévu. Feu Pape Bouba Diop avait délivré les Lions (30e) en inscrivant le seul but de la partie. Il avait trouvé le chemin des filets en reprenant un centre d’El Hadji Diouf, qui avait éliminé Franck Leboeuf sur un contre consécutif à une perte de balle de Youri Djorkaeff.

Khalilou Fadiga, lui, n’avait pas marqué. Mais il avait livré une prestation XXL, ponctuée de plusieurs actions d’éclat comme cette puissante frappe repoussée par la barre transversale de Fabien Barthez. C’était le début de la belle épopée des Lions au Mondial 2002.

Les hommes de Metsu s’arrêteront en quart de finale. Ils seront éliminés par la Turquie (0-1) et un but en or (94e) d’Ilhan Mansiz. L’histoire ne dit pas si Khalilou Fadiga, l’ombre de lui-même ce jour-là, jouait ce match avec le «document très important» sous son short. Nous avons oublié de le demander à Makane Sy.

La Rédaction – Sport News Africa

 

 

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