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L’analyste vidéo, cet incontournable du football moderne s’installe progressivement au Sénégal

Indispensables depuis maintenant quelques années dans le football de haut niveau, les analystes vidéos s’installent peu à peu dans le championnat du Sénégal. Diambars, Génération Foot, Casa Sport, entre autres clubs qui se sont résolus à faire appel à ces techniciens minutieux du jeu et de la statistique. Depuis cette saison, le Jaraaf s’y est également mis en engageant Ibrahima Diop comme analyste vidéo. Un profil atypique qui a embrassé ce métier par passion du jeu et de l’observation tactique. Pour Sport News Africa avec qui il a collaboré pendant la Coupe du monde, Ibrahima Diop a évoqué le métier d'analyste vidéo, l'évolution du jeu…
De notre correspondant au Sénégal,

Analyste vidéo-Qatar-Sénégal
Sénégal-Qatar lors de la Coupe du monde 2022

De plus en plus de clubs s’adjoignent les services d’un analyste vidéo. Cet incontournable du football moderne s’implante progressivement dans les staffs techniques des clubs de Ligue 1 sénégalaise dans une logique concurrentielle et surtout d’amélioration des performances. C’est ainsi que le Jaraaf et Youssouph Dabo, son entraîneur depuis le début de cette saison, ont recruté Ibrahima Diop à ce poste. Contrairement aux profils conventionnels du métier, Ibrahima Diop se démarque par un parcours atypique.

Analyste vidéo par amour du jeu et de la tactique

«Il y a deux profils d’analystes vidéo connus. Les entraîneurs reconvertis analystes chez les britanniques et l’approche française où on a ceux qui n’ont pas été entraîneur mais qui font une formation d’analyste vidéo, renseigne Ibrahima Diop. Pour moi c’est assez particulier parce qu’au Sénégal il n’y a pas d’école de formation pour ce métier et les coûts pour des cours à distance sont assez exorbitants, près de 3.000 euros (2 millions FCFA). J’ai le parcours d’un jeune qui aime parler tactique et s’intéresse au jeu».

Des circonstances impromptues le plongent plus tôt que prévu dans le bain. «En 2020 avec la pandémie, je me suis plongé dans l’analyse vidéo à travers Julien Momo, Rafael Cosmidi. Des références dans ce métier dans le monde francophone, auteurs d’ouvrages. Ils m’ont poussé vers ce monde. Je me suis intéressé aux logiciels qui existaient. J’étais en apprentissage durant cette période Covid où j’ai progressé, lu et analysé beaucoup de matchs», révèle-t-il. Un auto-apprentissage qui lui permet d’engranger des compétences dans la connaissance des logiciels dédiés à sa nouvelle passion.

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Passionné de tactique et féru de l’analyse de l’évolution du jeu et des mouvements d’ensemble sur un terrain, Ibrahima Diop ne tarde pas à voir se présenter l’occasion d’expérimenter. «En 2022, l’opportunité du Jaraaf arrive avec le coach Youssouph Dabo que je connaissais depuis Teungueth, club de ma ville, informe-t-il. J’ai eu à lui montrer quelques-uns de mes travaux et on a discuté sur l’équipe. Quand s’est présentée l’occasion de le rejoindre au Jaraaf, je me sentais prêt sur le plan tactique et sur la connaissance des logiciels». Aujourd’hui, Ibrahima Diop a une certification d’analyste vidéo de la structure Once Sport, spécialisée dans les logiciels d’analyses vidéo.

De plus en plus incontournable face à l’obligation de résultats

Alors que certains coachs demeurent réticents à s’adjoindre les services d’un analyste vidéo, Ibrahima Diop pense que leur présence est nécessaire pour progresser. «Pour moi l’analyste vidéo est indispensable pour un club professionnel. Quand on veut performer il faut s’en donner les moyens. L’analyste est membre à part entière du staff technique. Il a un rôle différent des autres entraîneurs», a-t-il rappelé. Toujours selon lui, l’analyste est complémentaire à l’entraîneur principal à qui il apporte un regard neuf et des informations nouvelles sur les adversaires.

«C’est un œil supplémentaire pour le coach. Quand on affronte une équipe, le coach met en place une stratégie pour remporter le match et l’analyste vidéo doit lui apporter les informations dont il a besoin à travers une observation minutieuse de l’adversaire. Le système préférentiel, les circuits de passes, les joueurs dominants, les articulations offensives et défensives de l’équipe adverse. Peut-être même apporter des suggestions sur l’adaptation par rapport à tout ça. Ces informations facilitent la préparation du match».

Les performances des joueurs de sa propre équipe sont également scrutées par l’analyste vidéo. Des informations cruciales collectées en matchs mais aussi lors des sessions d’entraînement afin d’orienter les correctifs du coach à son effectif. «L’analyste vidéo a également un regard sur la performance de sa propre équipe. Si elle arrive à appliquer en match les principes de jeu du coach. Il fait des retours à l’entraîneur sur l’assimilation des joueurs au projet de jeu. Ce qu’il faut changer, ce qu’il faut améliorer (…) », relève-t-il.

Ibrahima Diop analyste vidéo du Jaraaf
Ibrahima Diop analyste vidéo du Jaraaf

Youssouph Dabo, le coach idéal pour se développer

Ses travaux à l’état informel ont convaincu l’ancien entraîneur au Red Star (France). Les sensibilités footballistiques de Youssouph Dabo collent parfaitement avec celles d’Ibrahima. «L’analyste vidéo est tenu de s’aligner sur la vision du coach qui lui dit comment il compte jouer, même s’il en a une différente. Heureusement que le coach Dabo et moi partageons la même vision du football, un football qui ose. On a fait pas mal de matchs en pré-saison où j’ai pu faire une vidéo qu’on appelle vidéo - projet de jeu qu’on a présenté aux joueurs avant le début de saison. Ça leur permet de voir concrètement les positions qu’il faut avoir et comment l’équipe est articulée avec et sans le ballon», a expliqué Ibrahima.

Même si le Jaraaf connaît une première partie de saison compliquée avec une 7ème place au classement avec un match en moins, Ibrahima Diop se plaît à essayer d’apporter des informations pouvant aider le club de la Médina à se replacer dans la course au titre, malgré 7 points de retard sur le leader Diambars. «Lors des matchs, je suis en tribune. J’observe et je prends des notes. À la mi-temps je descends aux vestiaires pour faire un briefing très rapide au coach. Il pourra dès lors utiliser ces informations pour mieux appréhender la 2ème mi-temps. Enfin, l’analyse d’après match, toujours utile pour les séances d’entraînement à venir.»

Absence de vidéos de qualité, principal obstacle au Sénégal

Le travail de l’analyste vidéo requiert un logiciel performant mais aussi des rencontres filmées de telle sorte à produire des vidéos «exploitables» a expliqué Ibrahima Diop. Une denrée rare dans le championnat sénégalais. «La grande majorité des matchs sont diffusés sur les sites internet et chaînes YouTube. Il y a le partenariat entre la Ligue professionnelle et la 2STV qui diffuse certains matchs (un match à chaque journée, ndlr). Mais pour le travail de l’analyste, il faut des vidéos exploitables, des matchs filmés sur grand angle. L’analyste a besoin de voir les dynamiques d’ensemble. Il y a des matchs pour lesquels on n’a aucune vidéo. On se rabat sur les matchs des saisons précédentes ou, on fouille sur le net pour décrocher un bout de match. Des vidéos exploitables, c'est la grande difficulté pour des analystes vidéo évoluant dans le championnat du Sénégal», a-t-il relaté.

Mais au Sénégal, d’autres soucis liés à la culture empêchent l’analyste vidéo de travailler correctement. «Dans certains matchs, il est difficile d’accéder à la tribune à cause des rivalités. Les mentalités ne sont pas encore au niveau où l’on permet systématiquement aux analystes vidéo des équipes adverses de pouvoir faire leur travail normalement. Le dernier problème c’est les logiciels qui sont chers, entre 600 et 1500 euros. Tous les clubs ne sont pas prêts à un tel investissement. Dans l'imaginaire, ils se disent que notre travail n’a pas autant d’impact sur les performances. Beaucoup de gens le pensent. Je sais que sans Youssouph Dabo, je n’aurai pas eu ce confort-là. Le club m’a doté d’un logiciel très performant et d’un ordinateur».

Des moyens importants ont été mis à disposition du staff technique du Jaraaf avec dernièrement des GPS pour individualiser le décryptage des performances physiques de chaque joueur. «Au Jaraaf on a la chance d’avoir des capteurs GPS, que l’on voit de plus en plus dans le football moderne pour traquer l’activité de nos joueurs, le nombre de kilomètres parcourus, le nombre de courses à haute intensité. Je pense que ce sont des données indispensables aujourd’hui pour permettre de minimiser les impondérables, mieux cerner son groupe et mieux préparer la compétition», a soutenu Ibrahima Diop.

Apprentissage accéléré avec SNA lors du Mondial 2022

Ibrahima Diop a vécu une expérience qu’il juge «enrichissante» lors de la dernière coupe du monde au Qatar. Une collaboration avec Sport News Africa sur l’analyse tactique des matchs des équipes africaines. «La collaboration avec SNA a permis à beaucoup de supporters africains de comprendre le comportement tactique de leur sélection, soutient-il. Ce n’était pas compliqué car les matchs étaient disponibles à travers les plateformes en streaming», a-t-il noté. Tout en se désolant qu’il n’y ait pas les mêmes conditions pour le CHAN.

«J’ai essayé de retrouver le match de l’Algérie contre la Libye (match d’ouverture, ndlr) et il faut avouer que ce genre de matchs est plus difficile à trouver sur internet. Les plateformes ne considèrent sans doute pas le CHAN comme une compétition majeure. Et malheureusement la CAF ne met pas ces matchs là à disposition. Je trouve ça dommage parce que cela aurait permis aux analystes de proposer du contenu tactique sur le CHAN, de montrer l’évolution tactique de nos sélections locales (…)», a-t-il notamment regretté.

Pour Ibrahima Diop, il est difficile pour une équipe dans le football moderne d’évoluer sans analyste vidéo. «Il est indispensable même à l’échelle du championnat du Sénégal. L’analyse vidéo permet d’avoir un avantage concurrentiel sur ses adversaires. Connaître son adversaire, parfois même mieux qu’il ne se connaît lui-même. Ça permet aussi de se connaître soi-même et d’apporter des corrections. Il y a le volet statistique aussi. Au Sénégal nous n’avons pas encore de plateforme qui donne des statistiques avancées exploitables. La statistique permet d’objectiver la vidéo. Il est vrai qu’il y a des coachs de la vieille école qui restent dans le ressenti, mais la perception visuelle reste subjective», a-t-il jugé.

Moustapha M. SADIO

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