Le nouveau sacre de Soufiane El Bakkali en championnat du monde a ravi le peuple marocain. Un titre qui a été très commenté dans le Royaume chérifien, mais qui cache aussi un grand vide dans un sport qui rapportait jadis plus de breloques et créait une multitude de champions.
Ceux qui suivent l'athlétisme depuis des décennies savourent avec retenue le nouveau titre de Soufiane El Bakkali aux championnats du monde. L'athlète s'est imposé comme le nouveau roi du 3.000 m steeple devant les Kényans et Éthiopiens. Un succès mondial qui précède la médaille de bronze de Fatima Zahra El Gardadi au marathon. La jeune athlète a été la véritable surprise de ces Mondiaux en décrochant une breloque que le public n'attendait pas.
Pourtant, ces deux performances, si l'on s'y penche de plus près, sont loin de refléter la place qui sied à l'athlétisme marocain à l'échelle mondiale. Car, par le passé, le Maroc avait réussi à terminer dans le top 5 des Mondiaux. Sa meilleure participation reste même l'édition de Séville en 1999. A l'époque, les athlètes du Royaume avaient glané cinq médailles: deux en or (Hicham El Guerrouj sur le 1.500 m et Salah Hissou sur le 5.000 m), deux en argent (Nezha Bidouane sur le 400 m haies et Zahra Ouaaziz sur le 5.000 m) et une médaille en bronze (Ali Ezzine sur le 3.000 m steeple). Grâce à ce bilan inédit, le Maroc s'était classé à la 5e place du tableau des médailles lors de l'édition 1999. Loin du niveau affiché aux derniers Mondiaux.
Pire, c'est le néant dans des disciplines jadis bien représentées. Aucun n'athlète ne s'est aligné sur 5.000 m et 10.000 m, aucune Marocaine n’a pu concourir aux épreuves du 3.000 m steeple, 1.500 m et 5.000 m. Le Maroc a été classé 10e au tableau des médailles à Budapest et 4e en Afrique. Les rivaux d'aujourd'hui que sont le Kenya et l'Ethiopie ont, en revanche, rapporté 10 et 9 médailles respectivement. Un écart abyssal !
Pour certains observateurs, les athlètes marocains peuvent faire beaucoup plus avec une meilleure gestion au niveau fédéral. Certes, l'infrastructure est disponible, mais des légendes des pistes devraient être approchées ou intégrées pour apporter tout leur savoir-faire aux jeunes talents. En premier Hicham El Guerrouj. Malgré ses nombreuses prouesses, l'ancienne star de l'athlétisme mondial n'est pas au sein de l'instance fédérale.
Un autre phénomène risque aussi de compliquer la quête de médailles lors des prochaines années. Car, quelques athlètes nés ou originaires du Royaume ont par la suite représenté l'Espagne où ils ont bénéficié d'un vrai plan de carrière. Des observateurs pointent du doigt l'encadrement insuffisant des jeunes pousses comparé à d'autres pays.
A Budapest, le jeune Mohamed Attaoui, 21 ans, originaire de la région de Béni Mellal, a d'ailleurs atteint les demi-finales des 800 m sous les couleurs espagnoles. Il y a quelques années, Ilyas Fifa avait fait les choux gras de la presse après avoir brillé sous les couleurs de l'Espagne. L'athlète avait quitté son Maroc natal caché au fond d'un camion. Abdelaziz Merzougui avait, lui, pris une patera (bateau de fortune) pour rejoindre l'Espagne qu'il représente dans les compétitions. Plusieurs autres cas d'athlètes marocains défendant les couleurs espagnoles existent. Le meilleur exemple reste Mohamed Katir, médaillé d'argent au 5.000 m à Budapest avec la tunique ibérique.
Contacté par nos soins, un observateur de la discipline dénonce une situation « catastrophique » de l'athlétisme national. Il estime que la discipline « ne permet pas à beaucoup d'athlètes d'avoir la reconnaissance qu'ils méritent et de gagner leur vie décemment, d'où le choix de répondre à l'appel d'autres sirènes ».
« La succession de résultats modestes, l'exclusion et la marginalisation de certains athlètes, l'hémorragie des naturalisations tuent l'athlétisme national. C'est dommage qu'on ne produise plus de champions au 800 m, 1.500 m, 5.000 m et 10.000 m », regrette un autre.
« Ce sont des problèmes sérieux qu'il faudra résoudre au niveau de la FRMA et de sa direction technique. Oui, il faut lutter contre le dopage et sélectionner les meilleurs, mais il faut aussi oser dire que beaucoup d'athlètes sont stoppés dans leur progression par la négligence et la mauvaise gestion », tient-il à souligner.
Le Maroc a remporté au total 33 médailles, dont 12 en or, 12 en argent et 9 en bronze, depuis sa première participation en 1983 à Helsinki. Mais le Royaume a manqué le podium à quatre reprises, à Stuttgart (1993), Berlin (2009), Daegu (2011) et Moscou (2013).
Séville 1999 : 5 médailles (2-2-1)
Athènes 1997 : 4 médailles(2-1-1)
Edmonton (2-1-0)
Paris 2003 (2-1-0)
Helsinki 2005 (1-1-1)
Mohamed HADJI