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Barrages Mondial 2023 (F) : Mame Moussa Cissé décrypte les grands progrès du Sénégal

Vainqueur du tournoi UFOA-A féminin dimanche dernier, le Sénégal découvre le monde avec le tournoi des barrages pour le Mondial 2023 (17 - 23 février) en Nouvelle-Zélande. L’objectif ? La première qualification du pays en Coupe du monde selon Mame Moussa Cissé, sélectionneur du Sénégal qui a accordé un entretien exclusif à SNA.

Mame Moussa Cissé et les Lionnes au Ministère des Sports
Mame Moussa Cissé et la délégation des Lions au ministère des Sports

Mame Moussa Cissé, vous venez de conserver votre titre en remportant de nouveau le tournoi UFOA-A. Qu’est-ce que ça fait de dominer l’Afrique de l’Ouest ?

Mame Moussa Cissé : Si on veut conquérir l’Afrique et le monde, il faut commencer par dominer notre sous-région. Cela part d’un travail qui fût bien planifié pendant de longs mois. Nous avons pu avec la fédération de football, travailler sur un processus de développement. Aujourd’hui cela commence à porter ses fruits. Ça a débuté en 2019. On a travaillé pendant 4 mois pour remporter ce premier tournoi (en février 2020 en Sierra Leone). Dans la foulée on s’est qualifié à notre 2ème CAN. On a été jusqu’en quart de finale avec même la possibilité d’aller directement en coupe du monde si on avait gagné ce match là (quart finale CAN 2022 face à la Zambie, ndlr).

Dans la même foulée, nous avons poursuivi le travail. Cela fait 4 mois que nous sommes en regroupement avec les filles. Nous n’avions pas de matchs amicaux mais ce tournoi nous a permis d’en avoir 5. Notre objectif aujourd’hui, c’est dans la sous-région, de jouer mais surtout de gagner. Nous avons le potentiel, nous avons une bonne organisation de notre football féminin. Nous avons maintenant trois sélections avec les U20 et les U17. Et ce sont des joueuses qui, aujourd'hui, viennent renforcer ce que nous sommes en train de faire en équipe A. On a un programme global avec la FSF et la direction technique nationale que nous sommes en train de dérouler et qui montre ses fruits.

«Organiser une Coupe d’Afrique d’ici quatre ans»

Quelles sont les grandes satisfactions sur le plan collectif dans ce tournoi au Cap-Vert ?

Mame Moussa Cissé : Quand vous jouez un tournoi et que sur 5 matchs vous marquez 17 buts, ça veut dire qu’il y a eu de la constance dans la performance. Ce n’était pas souvent le cas par le passé. On a pu jouer 5 matchs et tous les gagner. C’était ça l’objectif. On se situe dans une dynamique de gagne actuellement. Nous allons vers deux matchs (barrages Mondial féminin 2023) où la victoire est impérative. Il faudrait qu’on s’installe dans cette dynamique. Ce n’est pas par rapport à ces adversaires-là. On a souvent eu des problèmes à jouer face à des équipes supposées moins fortes. On a souvent tendance à se mettre au niveau de nos adversaires. Nos filles ont su élever le niveau, être dans leur standing pour faire la différence. C’est un point de satisfaction.

L’autre chose c’est la compréhension par les filles de notre philosophie de jeu, de notre orientation basée sur l’intensité de jeu, l’agressivité et la verticalité. Ce sont des choses aujourd’hui qui m’ont ravi. Tout n’a pas été rose. Ce tournoi nous a donné beaucoup d’enseignements sur lesquels on compte travailler pour avoir une équipe encore plus compétitive. L’autre aspect, c’est qu’on a beaucoup de jeunes joueuses, de 17, 16 ans, qui sont dans le groupe et qui aujourd’hui, commencent à bien appréhender l’environnement hostile du football en Afrique. Elles ont grandi dans ce sens. Et quasiment toutes les joueuses qui ont gagné ce tournoi évoluent dans le championnat local. Ça montre la valeur de la D1 sénégalaise.

Le Sénégal a pris part à sa 2ème CAN en juillet 2022. Avec du recul, quel bilan faites-vous de votre parcours ?

Mame Moussa Cissé : On s’est très bien rapproché des grandes nations africaines. Le gap s’est vraiment réduit. C’est l’impression qu’on a eu. On peut avec le recul, nourrir quelques regrets sur le match face à la Zambie en quart de finale. Un match que nous avons dominé de bout en bout. Nous marquons le premier but. Après, dans la gestion émotionnelle, on a eu des moments de déconcentration sur l’égalisation. On ne perd pas le match mais finalement on se fait sortir aux tirs au but. Sur l’ensemble de la CAN, on a perdu qu’un seul match, contre le Maroc. Et dans un contexte que tout le monde connaît, où j’avais fait tourner carrément l’effectif, où il y avait des cas de Covid…

Sur les autres matchs, on a montré un beau visage. Aujourd’hui on se rapproche. Pour moi, sur cette CAN, les deux meilleures équipes étaient l’Afrique du Sud et la Zambie. Et nous avons su mettre la barre très haute contre ces Zambiennes. Ça veut dire qu’on a le niveau et qu’avec cette équipe-là, malgré sa jeunesse, si on travaille encore pour le futur, tout faire pour se qualifier pour cette Coupe du monde, tout faire pour se qualifier pour la prochaine CAN et tout faire pour d’ici 4 ans, organiser une coupe d’Afrique à domicile. Je pense que cela peut valoir beaucoup de satisfactions à cette équipe du Sénégal et au Sénégal en général.

«Aujourd’hui, la société sénégalaise accepte le foot féminin»

Aujourd’hui le football féminin semble en plein essor malgré le manque de moyens, avec une D2 plus structurée, un championnat élite plus homogène avec 3, 4 clubs qui se battent pour le titre. Peut-on parler de développement du foot féminin sur le plan local ?

Mame Moussa Cissé : Oui c’est entré dans la conscience collective maintenant. L’image que je retiens, c’est l’accueil en grandes pompes de l’équipe au retour de la CAN l’année dernière par les familles. Si on sait que dans un passé récent, les parents n’acceptaient pas que leurs filles jouent au football. Aujourd’hui il y a un changement de paradigme, il y a une acceptation de la société. C’est un sport comme tous les autres. C’est un moyen d’épanouissement. Certaines qui étaient là au tournoi UFOA de 2020 sont devenues des professionnelles en Europe. Nos joueuses s’exportent de plus en plus. On a beaucoup de contacts pour nos joueuses qui sont là. Ça montre que le football est pour ces jeunes filles un moyen de promotion sociale, un moyen de représenter son pays au niveau international.

Il y a un travail qui est fait, et il faut remercier les clubs pour ce travail fait à la base. On a deux divisions, 25 clubs, des centres de formation qui commencent à se mettre en place. Ça veut dire qu’aujourd’hui il y a une bonne politique de développement du football féminin. On s’en est rendu compte au Cap-Vert durant le tournoi UFOA. Avec les collègues entraîneurs, j’ai pu faire une conférence pour expliquer par où on est passé. Mais les gens n’en revenaient pas. Les gens considèrent aujourd’hui le Sénégal comme une référence, comme un pays à copier. Ça montre que nous sommes en avance grâce au travail qui est fait dans les clubs, avec les présidents de clubs, les parents, avec la fédération. Il faut continuer dans cette voie et mettre encore plus de moyens. On a la chance d’avoir un président de la FSF qui croit en ce football féminin. On a pu en discuter. Ce soir (jeudi 2 février), le ministre des Sports reçoit l’équipe pour le sacre au tournoi UFOA-A. Ce qui n’était jamais arrivé. Il y a une reconnaissance du Sénégal par rapport à ce football féminin. C’est de bon augure pour la suite.

Des efforts sont clairement entrepris pour développer le football féminin local. Comment appréciez-vous ce cheminement qui a abouti à l’existence de trois catégories de sélections nationales féminines ?

Mame Moussa Cissé : C’est le processus normal. Quand vous voulez travailler, il faut commencer par la base. Aujourd’hui on doit aller vers une académie fédérale avec des U15. Les gens y travaillent. Dans l’équipe qui dispute les barrages de la coupe du monde, nous avons la gardienne de but de la sélection U17 qui a 16 ans. Nous avons Malado Diallo qui marque beaucoup de buts mais qui n’a que 17 ans. Nous avons Coumba (Mbodj) qui a 18 ans, Marième Babou qui est capitaine des U20… Si elles parviennent déjà à intégrer la sélection A, ça veut dire qu’il y a un travail qui a été fait à la base. Il est donc important que l’on continue ce processus pour le renouvellement de nos effectifs, qu’on puisse avoir une équipe compétitive aujourd’hui mais aussi dans le futur. La fédération l’a compris en mettant beaucoup de moyens, avec des regroupements périodiques et constants. Ce qui nous vaut les résultats aperçus.

Qu’est-ce qui reste à faire aujourd’hui pour que le football féminin sénégalais exporte encore plus de joueuses dans l’avenir ?

Il faut renforcer la formation des joueuses mais surtout la formation des entraîneurs. Il faudrait renforcer les techniciens dans nos clubs. On en a parlé avec le directeur technique national. La fédération devrait aller vers une discrimination positive. En mettant ces entraîneurs-là dans des conditions optimales de travail. Notre philosophie aujourd’hui est de travailler à intégrer plus de femmes dans les staffs. En équipe nationale U20, on a une femme, chez les U17 on a Mbayang Thiam et chez les A, j’ai mon adjointe, Soukèye Cissé.

Nous installons progressivement ces anciennes joueuses dans les sélections. Il faut maintenant les accompagner et comme ça nous pourrons de notre côté nous retirer tranquillement pour leur laisser le champ libre, qu’elles puissent développer. Elles ont les capacités. Mbayang Thiam est titulaire de la Licence B de la CAF, Soukèye Cissé a la Licence C. En travaillant dans les sélections, elles vont se développer sur le plan individuel, et vont pouvoir développer nos sélections.

«Là, on n’a peur de personne»

En barrages de Coupe du monde, Haïti et peut-être le Chili ensuite se présentent au Sénégal. Comment appréhendez-vous ces matchs ?

Avec beaucoup de confiance et de sérénité. Avec notre humilité de tous les jours mais avec des ambitions. Je dis tout le temps à mes filles, il faut avoir les pieds sur terre, mais la tête dans les étoiles. Il faut pouvoir rêver, c’est possible. Avant on ne pensait pas que l’on pouvait gagner un match en CAN. On l’a fait. On a fait pas mal de bonnes choses. C’est le moment de montrer que l’on a du potentiel. Ce sera à nous d’élever notre niveau. Une place en coupe du monde ça se gagne, ça se paie cher. Il faudrait se donner tous les moyens pour arriver à ce niveau. Aujourd’hui, toutes les conditions sont là. De bonnes conditions de voyage, au niveau des matériels autour des filles.

Le président de la fédération qui va nous accompagner en Nouvelle-Zélande. Le ministre des sports qui nous reçoit. On est dans une dynamique positive. Ce sera à nous de passer ce cap. Cela va être un maillon essentiel dans ce processus de maturation, de prise en charge et de reconnaissance du football féminin. Il faut le faire. C’est notre seule ambition. Et on le fera, quel que soit l’adversaire. On se battra parce que ce sont des matchs qui nous grandissent. Je rappelle que les matchs qui ont permis à l'équipe de grandir, ce sont ceux joués au Cameroun (2-2 et défaite 1-0 en préparation à la CAN 2022, ndlr). Tout le monde pensait qu’on allait prendre une valise. On a su élever notre niveau. Derrière, les filles se sont dit : « Tiens ! C’est donc possible. » Là on n’a peur de personne. On va se battre avec nos moyens et avec l’aide du bon Dieu, on passera.

Quels sont les objectifs de l’équipe dans ces barrages du Mondial ? Apprendre ou surprendre ?

Plutôt surprendre. Je suis un compétiteur. Je ne pense pas à l’apprentissage. L’apprentissage, nous l’avons fait au Sénégal et dans le tournoi de zone. Il faut surprendre. Nous sentons qu’il y a quelque chose de possible. Je suis un compétiteur, je vais tout le temps de l’avant, je suis un gagneur. Je répète souvent à mes joueuses qu’il y en a qui jouent, et il y a les champions. Les gens qui jouent peuvent parfois gagner et parfois perdre. Les champions eux, gagnent toujours. Et nous devons nous mettre dans cette logique-là, de prendre tous nos matchs comme des finales que l’on va essayer de gagner. On en a le potentiel, on en a l’ambition, on a l’engagement, on a travaillé pour. On fera tout ce qu’il faudra et cela nous permettra de voir où est-ce qu’on se situe et de créer ce qu’on appelle un écart de performance entre le niveau international et le niveau sénégalais. De toute façon et ce, quelle que soit l’issue, ça nous permet de grandir et nous rapprocher davantage du niveau mondial.

Par Moustapha M. SADIO

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