C’est un grand chanceux. Un miraculé. Un lauréat aux multiples concours de la vie. Son entourage était pourtant persuadé qu’il ne passerait pas les fêtes de Noël 2016. Six ans plus tard, Rigobert Song s’apprête à entrer un peu plus dans l’histoire. Il sera alors, dès le 20 novembre prochain, le premier sélectionneur camerounais à conduire son pays à une phase finale de Coupe du monde. Véritable bulle de savon, le technicien de 46 ans brille, monte avec agilité, laissant ses contempteurs attendre en vain qu’il explose.
Rigobert Song a en effet l’habitude de fausser les pronostics. Le 2 octobre 2016, alors que de nombreux Camerounais se préparent à faire son deuil, l’homme le plus capé de l’équipe nationale du Cameroun (134 sélections) sort vainqueur d’un intense combat avec un accident vasculaire cérébral (AVC), plongeant la planète football dans l’émoi. Le 29 mars 2022, même prouesse. Mais cette fois, c’est sur la pelouse du stade Mustapha Tchaker de Blida en Algérie qu’un second miracle se produit pour le sélectionneur camerounais.
Battus par les Fennecs (0-1) à Douala quatre jours plus tôt, les Lions Indomptables réalisent l’exploit lors de ce barrage retour du Mondial. En une seconde, la dernière du temps additionnel d’un match fou qui se dirigeait vers le nul (1-1), Michaël Ngadeu trouve un Toko Ekambi qui, d’un geste parfait du pied, climatise le stade. Algérie 1, Rigobert Song 2.
Personne ou pas grand monde n’avait pourtant parié pour le successeur d’Antonio Conceiçao. Enfin, personne excepté Samuel Eto’o. Nommer Rigobert Song à la tête de la sélection nationale en février 2022 était en effet un pari risqué. Notamment en raison des mauvais états de service de celui qui a participé à 4 Coupes du monde en tant que joueur (1994, 1998, 2002 et 2010). Avant la sélection A, Rigobert Song a en effet fait ses classes à la tête de deux autres équipes nationales de son pays.
D’abord l’équipe locale, les Lions A’, qu’il a mené au Championnat d’Afrique des Nations (Chan) 2018 au Maroc. Et enfin les Lions espoirs qu’il a conduit à la CAN U23 de 2019 en Egypte. Deux compétitions soldées par une élimination au premier tour. Outre ces échecs, il y a aussi ses origines modestes, ses limites intellectuelles. Song fait beaucoup de fautes de français. Il s’exprime difficilement et peine même souvent à prononcer correctement les noms de ses joueurs. Mais reste qu’on n’arrive pas à ce niveau de responsabilités sans un CV bien garni, celui de Song ne se mesurant pas à ses bulletins scolaires.
S’il est vrai qu’il bénéficie de la confiance de son ancien coéquipier Samuel Eto’o qu’il a soutenu lorsqu’il faisait campagne pour accéder à la présidence de la Fécafoot, l’ancien défenseur central a aussi une carrière qui parle en sa faveur. L’histoire commence en effet en 1992 au Tonnerre de Yaoundé. Après deux ans passées à martyriser les attaquants du championnat local, il est sélectionné pour le Mondial 1994. A 17 ans, Song instaure alors deux records : celui du plus jeune joueur à avoir disputer une Coupe du monde et celui du plus jeune joueur sanctionné d’un carton rouge à cette même compétition. Deux points qui, couplés à ses performances, lui ouvrent les portes d’une carrière internationale.
Le natif de Nkenglikok s’envole pour l’Europe. Rigobert Song va tour à tour passer par la France (FC Metz, 1992-1994), l’Italie (Salermitana, 1998-1999), l’Angleterre (Liverpool, 1999-2000 puis West Ham, 2000-2002), l’Allemagne (FC Cologne, 2001-2002) et encore la France (RC Lens, 2002-2004). Ses meilleures années, il les a passées en Turquie où il remporte le championnat à deux reprises avec Galatasaray (2006 et 2008), et deux fois la Coupe, sous le même maillot (2005) puis celui de Trabzonspor (2010).
Sa carrière, qui a commencé très tôt, lui fait prendre du galon en sélection nationale. Très vite, il devient capitaine et triomphe avec les Lions Indomptables lors des CAN 2000 et 2002. Finaliste de la Coupe de la Confédération un an plus tard (2003), il est le seul joueur, avec Zinédine Zidane, à avoir été expulsé dans deux Coupes du monde différentes. Et aussi le seul Africain à avoir disputé huit Coupes d’Afrique. Outre ses qualités physiques et athlétiques, Song était avant tout un meneur qui n’avait de cesse de motiver ses partenaires. C’est d’ailleurs cette principale caractéristique qui lui permet aujourd’hui de bénéficier malgré tout, d’une cote favorable auprès de nombreux Camerounais. Même s’il n’est pas à l’abri d’un retour de balancier en cas d’échec lors de ce Mondial 2022 au Qatar. Lui, qui a pour mission de conduire le Cameroun jusqu’à l’étape des demi-finales du tournoi.
Kigoum WANDJI