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Mondial 2023 : Des sélectionneurs expliquent pourquoi ça coince pour les Africains

La finale des championnats du monde de handball masculin a vu le sacre du Danemark 34-29 en finale face à la France ce dimanche. Meilleur représentant africain, l'Égypte a fini septième. Les Pharaons ont été l’une des rares satisfactions du continent dans ce rendez-vous international. Comme lors des précédentes éditions, les autres sélections africaines n’ont pas fait illusion. Interpelés par SNA sur ces contre-performances, Yacine Messaoudi et Fred Bougeant, respectivement entraîneurs des équipes nationales du Sénégal féminine et masculine, ont tenté de trouver un début d’explication.
De notre correspondant au Sénégal

Cap-Vert, handball
Le Cap-Vert fait des progrès intéressants en handball

L’Égypte, une locomotive sans wagons

Encore un rendez-vous manqué pour l’Afrique aux championnats du monde de handball masculin. Des 5 nations engagées, trois se sont fait sortir dès le premier tour. Le Maroc, la Tunisie et l’Algérie. Le Cap-Vert s’est hissé jusqu’au tour principal avant d’être balayé face aux grosses cylindrées du vieux continent. L’Égypte a, une fois n’est pas coutume, sauvé l’honneur de l’Afrique. Sans la perte de leur meilleur joueur, le gaucher Yehia Elderaa, blessé avant les quarts, les Pharaons auraient pu espérer mieux en quart finale face à la Suède, l’un des pays hôtes de la compétition. Meilleur buteur (34 buts) et meilleur passeur (20 passes décisives) de son équipe, l’arrière gauche a beaucoup manqué lors de la défaite 26-22 contre la Suède.

La fédération égyptienne de handball est l’une des rares sur le continent à se projeter sur le long terme. Ce qui est une condition sine qua non pour exister dans le très haut niveau, à en croire Yacine Messaoudi, coach de l’équipe féminine du Sénégal. «Pour rivaliser avec les équipes européennes, il faut un projet, des moyens, de la continuité et de la compétence. Si tous les lendemains de compétition on change l’un de ses outils, on n’est pas en capacité de perdurer car il faut au moins 5 ou 6 ans pour espérer un quart finale de championnats du monde. Mais dans ces conditions-là seulement», a-t-il suggéré.

Un Cap-Vert «made in» Portugal

Derrière l’Égypte, le Cap-Vert n’a pas été ridicule, se hissant au tour principal grâce à un succès face à l’Uruguay. C’est une montée en puissance pour le handball insulaire. «Je ne suis pas du tout surpris par le parcours du Cap-Vert. C’est à l’image de leur dernière CAN. Tous leurs joueurs évoluent dans le championnat portugais. Ils sont tous formés et nés là-bas. Avec eux la question des binationaux ou pas ne se pose pas. Ce sont des joueurs qui jouent des gros matchs toute l’année parce que le championnat portugais est relevé. Certains jouent la coupe d’Europe. Aujourd’hui c’est une équipe qui monte en puissance. C’est aussi des choses dont il faut s’inspirer», a invité Yacine Messaoudi.

La CAN mieux préparer que le Mondial

Le niveau de la dernière Coupe d’Afrique masculine de handball laissait présager une participation plus qu’honorable des équipes africaines dans ces championnats du monde. La suprématie continentale suscite plus d’intérêt que l’exploit aux Mondiaux, pense le sélectionneur de l’équipe masculine du Sénégal, Fred Bougeant. «Certaines équipes mettent énormément d’énergie à se qualifier aux championnats du monde lors de la CAN. Derrière, il n’y a rien dans le renouvellement de l'élite, ou la préparation des championnats du monde. Ce qui me laisse penser que la hiérarchie sur le continent africain est beaucoup plus importante que les championnats du monde. C’est un sentiment que j’avais déjà avec les filles», a relevé le technicien français.

Un choix qui s’explique lorsqu’on voit le niveau exceptionnel des équipes européennes comme le Danemark et la France, qui se partagent les 4 derniers titres de champion du monde. «Je trouve que les pays africains, ayant conscience que faire un très gros résultat sur des Mondiaux est difficile, ils mettent beaucoup d’énergie et de moyens sur la compétition continentale. Je pense que c’est une erreur et que les championnats du monde doivent continuer à faire rêver. Ne pas accepter la hiérarchie mondiale doit être un leitmotiv au quotidien pour continuer à faire grandir les athlètes», a constaté Fred Bougeant.

Contester l’hégémonie des nations du vieux continent sur le handball mondial masculin, c’est ce que l’Égypte essaye de faire ces dernières années. «C’est décevant qu’il n’y ait que l’Égypte qui aille loin dans ces compétitions et en même temps j’ai le sentiment d’avoir vu une très belle coupe d’Afrique des nations l’année dernière. Avec des équipes à l’image du Maroc, de l’Algérie, beaucoup moins intéressantes cette année aux championnats du monde qu’il y a 6 mois à la CAN», a regretté l’ancien sélectionneur, vice-champion d’Afrique avec l’équipe féminine du Sénégal.

Son successeur verrait bien l’Égypte contester l’hégémonie des sélections européennes. Messaoudi est dithyrambique sur la qualité de l’équipe d’Egypte. «L’Égypte est capable de battre n’importe qui dans le monde. Peut-être pas le Danemark puisque c’est l’équipe au-dessus. Mais l'Égypte, c'est vraiment une équipe incroyable», s’est enthousiasmé Yacine Messaoudi. Les Pharaons ont arraché la 7ème place ce dimanche en dominant en prolongations, la Hongrie (36-35 a.p).

Absence de projet et de talents au haut niveau

Construire sur la durée, une équation que les meilleures sélections africaines ont du mal à résoudre. Pourtant, c’est une condition sine qua non pour briller dans les compétitions internationales comme les Mondiaux et les JO. «Aucune surprise concernant les performances africaines. Seule l’Égypte est en capacité de rivaliser avec les équipes européennes, avoue Yacine Messaoudi. Les projets ne sont pas cohérents, il n’y a pas de continuité. Il faut laisser le temps aux athlètes de maturer. C’est un peu ce qu’arrive à faire l’Égypte avec Parando, l’entraîneur espagnol que je connais bien. Il a cette chance d’être à la tête de cette sélection depuis 6 ans. Alors que les équipes d’Algérie, de Tunisie changent de projet comme de chemises».

Pour Fred Bougeant, il faut aussi s’interroger sur le niveau auquel sont habitués à évoluer les internationaux africains. «On sait qu’il y a de très bons joueurs en Afrique mais ils ne sont pas forcément dans les meilleurs clubs européens, souligne-t-il. Sur une compétition aussi relevée que les championnats du monde avec un match tous les deux jours, jouer la coupe d’Europe et jouer tous les trois jours, régulièrement, c’est quelque chose de très important dans la stabilité et la répétition des performances au quotidien. Jouer dans les meilleurs clubs en rencontrant les joueurs que tu retrouves en Coupe du monde, c’est quand même un paramètre important».

Un paramètre que le Cap-Vert a fini de gérer. Les Requins bleus ont constitué un effectif quasi exclusivement de Portugais d’origine. «Il ne faut pas vouloir faire jouer des locaux, que des locaux, pas de binationaux, insiste Yacine Messaoudi. Alors que la formation fait défaut et qu’il manque cette volonté de structurer le handball local. C’est de la fierté que l’on voit beaucoup dans les pays africains. Aujourd’hui il faut être plus intelligent que fier».

La préparation à l’approche d’événements mondiaux mais aussi durant les fenêtres internationales constitue un handicap pour les sélections africaines, a relevé le sélectionneur des Lions. «Très peu d’équipes nationales bénéficient de préparations complètes sur chaque semaine internationale. J’ai la chance au Sénégal d’avoir un président (fédération sénégalaise de handball) qui a compris que l’on devait se préparer régulièrement et que l’on devait imaginer les saisons sportives de la même manière. Qu’il y ait la CAN, des championnats du monde à préparer ou même rien. Ça a été le cas après notre élimination injuste en Angola (CAN féminine 2016) », s’est-il félicité.

Le complexe d’infériorité persistant

L’aspect émotionnel et le mental peuvent aussi expliquer les contre-performances des sélections africaines aux championnats du monde. «J’aime le handball africain, j’aime les joueurs africains, j’ai toujours eu beaucoup de joueuses africaines dans mes équipes féminines et j’essaie d’en avoir plus dans mes équipes masculines depuis trois ans. Mais je pense qu’il va falloir décomplexer les joueurs. Il y a une forme de complexe dans le contexte international. Y compris dans les clubs pour signer des joueurs à profil. Je pense qu’il y a de très bons joueurs en Afrique mais très peu qui s’exilent dans les grands clubs européens», a expliqué Fred Bougeant.

Un travail de fond et de structuration des championnats locaux devrait permettre de voir plus d’internationaux africains dans les plus grandes ligues et clubs du vieux continent. «Il y a tout un travail de scouting à faire, être capable de présenter de très bons profils jeunes. Et puis il y a un contexte politique qui fait qu’il est difficile de faire sortir les joueurs. Les visas ne sont pas si faciles que ça à obtenir, les essais ne sont pas si faciles à faire», a reconnu Bougeant.

Moustapha M. SADIO

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