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Alliances, pressions et trahisons pour les postes africains du Conseil de la FIFA

Depuis plusieurs semaines, les alliances et tractations en coulisses sont à leur paroxysme en vue des élections au prestigieux Conseil de la FIFA prévues le 12 mars. Comme depuis quelques années, Gianni Infantino et la FIFA font passer leurs messages et leurs candidats avec la bénédiction de leurs fidèles appuis continentaux, notamment Fouzi Lekjaa (Maroc) et Ahmed Yahya (Mauritanie). Sport News Africa vous détaille l’envers du décor.

La Mauritanie a été l'épicentre des tractations pour les postes africains au Conseil de la FIFA.

Réuni à Nouakchott le 25 février à l’occasion de l’inauguration de la « Mauritania Talent Academy », la première académie du Programme de Développement des Talents de la FIFA sur le continent, le gratin du football africain en a profité pour évoquer les élections à venir du 12 mars au Caire.

Rappelant le fameux « protocole de Rabat » qui a permis à la FIFA d’imposer Patrice Motsepe comme candidat unique à la CAF, le « protocole de Nouakchott » avait pour but de convaincre certains dirigeants de retirer leur candidature au Conseil de la FIFA en échange d’autres avantages.

Un système de troc en somme où les petits intérêts personnels l’emportent toujours sur le développement global du football national et continental. Pour mieux comprendre le cheminement actuel, un petit retour en arrière est cependant nécessaire.

250 000 dollars par an pour un poste au Conseil de la FIFA

En 2021 à Rabat, le Suédois Mattias Grafström avait été dépêché avec Véron Mosengo-Omba. Très proches d’Infantino, surtout le premier qui est désormais le secrétaire général de la FIFA, ils avaient manœuvré pour empêcher Augustin Senghor, Ahmed Yahya et surtout Jacques Anouma de se présenter face à Patrice Motsepe pour la présidence de la CAF.

Si le retrait de la candidature de l’Ivoirien avait nécessité des tractations politiques - voire des menaces à peine voilées -, Infantino avait aussi influé sur la future composition du comité exécutif de la CAF et l’élection des membres du Conseil de la FIFA, notamment les promotions du Béninois Mathurin De Chacus et du Malien Mamoutou Touré dit Bavieux.

Courroucé par l’opposition des rares fortes têtes, dont le Mauricien Samir Sobha, il a fait son possible pour écarter les personnes étiquetées proches de Sepp Blatter ou des potentiels contradicteurs, à l’image du Congolais Constant Omari ou de la Burundaise Lydia Nsekera.

Une mission facilement réussie avec l’aide de nombreux dirigeants de fédération, alléchés par les potentiels avantages d’une telle collaboration : 250 000 dollars annuels sont versés pour chaque membre élu au Conseil de la FIFA, sans compter les frais de mission, pour simplement une dizaine de réunions par an…

Réunion secrète à Addis-Abeba pour le siège réservé à une femme

Discret, pour ne pas dire absent de la gestion quotidienne de la CAF, Patrice Motsepe sera donc seul candidat à sa réélection. Si la bataille fait rage pour gagner les places au Comité exécutif, la lutte est encore plus forte pour obtenir l’une des fameuses places du prestigieux Conseil de la FIFA.

Outre le Sud-Africain, qui aura forcément un siège en qualité de président de la CAF et donc de vice-président FIFA, six postes reviennent à l’Afrique, dont un siège réservé à une femme. Trois sont donc candidates :

  • Isha Johansen (Sierra Leone)
  • Lydia Nsekera (Burundi)
  • Kanizat Ibrahim (Comores)

Habituée des instances continentales, chacune utilise son réseau d’influence. Protégée durant des années par son amie Fatma Samoura, ancienne secrétaire générale de la FIFA, Isha Johansen a été la « caution féminine » en Afrique pendant des années malgré un bilan apocalyptique, des notes de frais surréalistes, des gestes déplacés (gifle envers l’ancien international Mohamed Kallon) et une inaction au sein de sa fédération nationale gangrenée par les abus sexuels en équipe féminine.

Son attitude et son incapacité à mener bon nombre de réunions dans la sobriété ont exaspéré de nombreux dirigeants qui souhaitent une autre personne. En catimini, une réunion s’est ainsi tenue à Addis-Abeba pour évoquer son cas et pousser davantage Kanizat Ibrahim, la cinquième vice-présidente de la CAF.

Première femme à obtenir une telle nomination, elle bénéficie du lobbying efficace de son compatriote Saïd Ali Saïd Athouman, le président de la fédération comorienne et président intérimaire du COSAFA, la très influente organisation régionale d’Afrique australe.

De son côté, Lydia Nsekera jouit de contacts privilégiés avec bon nombre de fédérations francophones et des quelques dirigeants déjà en place sous Blatter. Présidente du Comité olympique burundais, où les tensions sont vives avec plusieurs fédérations sportives, elle a l’habitude de se présenter à chaque grande élection continentale, que ce soit à la présidence de l’ACNOA (Association des comités nationaux olympiques africains) ou au Conseil de la FIFA.

Reste que ses chances sont maigres eu égard à sa proximité avec des personnalités dans le viseur d’Infantino, notamment Constant Omari, l’ancien président intérimaire de la CAF après la suspension d’Ahmad Ahmad.

Les dossiers encombrants de Waberi

Pour les cinq places restantes, dix candidats s’affrontent et font campagne à travers le continent tel le Nigérien Djibrilla Hima Hamidou, alias le colonel Pelé, qui s’était rendu au Soudan du Sud à Juba lors de l’Assemblée générale de la CECAFA (Conseil des associations de football d’Afrique de l’est et centrale) le 22 janvier.

A Nouakchott, des discussions conseillèrent gentiment au président de la fédération du Niger de retirer sa candidature. Refus de l’intéressé qui bénéficie en outre localement de l’appui du président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie, le général Abdourahamane Tiani. Cependant, ayant atteint la limite des mandats à la CAF, des pourparlers auraient fait comprendre au colonel Pelé qu’il pourrait bénéficier d’une cooptation de la CAF pour rester dans les instances continentales…

D’autres candidats ont été gentiment priés d’abandonnés leur rêve du Conseil de la FIFA, comme Mathurin De Chacus qui ne devrait pas garder son siège, surtout vu son inimitié croissante avec l’influent secrétaire général de la CAF, Véron Mosengo-Omba. Refus à l’image de Souleiman Waberi, le troisième vice-président de la CAF.

Président de la fédération djiboutienne toujours sous enquête pour blanchiment et détournements, sa réélection locale a été entachée de multiples scandales, et notamment la présence de membres de sa famille (et belle-famille) au sein de la commission électorale ayant écarté tous ses opposants. Fait inédit, il publia une note de service pour signifier son absence durant deux mois, officiellement pour des missions CECAFA et CAF, officieusement pour sa candidature au Conseil de la FIFA.

Ayant abandonné sa fédération, le Djiboutien a sillonné l’Afrique et obtenu le plein soutien de son organisation régionale (CECAFA) ainsi que du COSAFA qui ont annoncé soutenir conjointement le candidat de chaque zone (Waberi et le Zambien Andrew Kamanga). De quoi offrir une chance à l’une des rares voix dissonantes au Comité exécutif de la CAF ? Peut-être, surtout que Waberi a bénéficié de promotions inédites ces dernières années à mesure des alliances et trahisons politiques, notamment auprès d’Ahmad Ahmad.

Reste que son insurrection auprès de Véron Mosengo-Omba, et ses dossiers très encombrants localement, en font une cible facile pour la FIFA. Plusieurs dirigeants ont confirmé à Sport News Africa que « la FIFA peut le faire sauter quand elle le voudra ». Parfait pour « le sale boulot » en coulisses, mais en refusant de retirer sa candidature, Waberi s’est exposé aux potentielles foudres des mêmes personnes lui ayant ouvert le chemin à un poste de troisième vice-président de la CAF.

Le lobbying marocain

Comme Waberi, Kamanga est également sous enquête dans son pays pour des faits de blanchiment. Il reste cependant l’un des favoris avec le Nigérian Amaju Pinnick pour briguer le cinquième poste ; les quatre autres semblant déjà promis à des candidats bien spécifiques.

Sans surprise, le président de la fédération royale marocaine, Fouzi Lekjaa, devrait être confortablement élu. Figure centrale de la stratégie de lobbying sportif marocain, son influence est considérable et entraîne des alliances pour la composition des différents comités africains.

Afin de limiter l’influence de l’Algérie, qui aura cependant un représentant au Comité exécutif de la CAF en la personne de Walid Sadi (seul personne à se présenter dans la zone du nord suite au retrait du Tunisien Hussein Jenayah), Lekjaa compte lui garder un poste de vice-président de la CAF afin de rester plus haut hiérarchiquement.

Or, l’appui accordé par le Sénégalais Augustin Senghor à l’Algérie n’a pas été apprécié du tout par Lekjaa, dont beaucoup déplorent en off l’emprise qu’il peut avoir sur certaines fédérations. Déjà fragilisé par le changement politique au Sénégal et le docile retrait de sa candidature contre Motsepe en 2021, Senghor est aujourd’hui relativement isolé et paye son manque de poigne.

S’il ambitionne de rester au moins à la vice-présidence de la CAF, il risque d’être doublé au Conseil de la FIFA par un autre président d’Afrique de l’Ouest, Idriss Diallo de Côte d’Ivoire. Bénéficiant du soutien du chef de l’État, Alassane Ouattara, qui souhaite intensifier la diplomatie sportive de son pays, il se trouve aujourd’hui en bonne position avec l’Égyptien Hany Abo Rida, dont la limite d’âge a été changé presque spécifiquement pour lui, et le Mauritanien Ahmed Yahya, l’un des chouchous d’Infantino.

Gelson Fernandes, le nouvel homme d’Infantino en Afrique

Parfait maître de cérémonie à Nouakchott, Yahya a enchaîné les conversations avec ses confrères. Toujours souriant, il bénéficie du travail de ses équipes de communication et de celles de la FIFA pour mettre en avant les accomplissements structurels réalisés sous sa présidence. Une réalité même si tout le monde semble oublier les fonds donnés par l’État mauritanien pour aller au bout de certains travaux également.

Proche de Lekjaa, Yahya fait partie des fidèles alliés d’Infantino en Afrique, capable de faire passer les décisions et les messages dont il a besoin. Cependant, l’immersion d’un autre homme, Gelson Fernandes, a passablement irrité les dirigeants depuis une dizaine de jours.

L’ancien international suisse est le directeur adjoint des associations membres de la FIFA, et surtout le directeur régional pour l’Afrique. Très présent sur le continent, sa maîtrise des dossiers reste cependant très discutable.

En Namibie, il est accusé d’avoir saccagé le travail réalisé par le Comité de normalisation pour laisser place à des alliés de l’ancienne équipe dirigeante. En Guinée, personne ne comprend son soutien aveugle au très contesté président Bouba Sampil tandis que sa tendance à prendre de haut certains ministres (au Mali et au Tchad notamment) a été une catastrophe pour le développement global du football dans ces pays.

Profitant de l’impopularité de Véron Mosengo-Omba avec qui il entretient une rivalité tenace, il jouit évidemment de liens privilégiés avec certains dirigeants politiques et sportifs. Reste que ses actions, comme celles de Mosengo-Omba, ne plaisent pas à tout le monde. De quoi imaginer un vote différent de celui supposé ? Pas du tout : en Afrique, les leaders footballistiques ont depuis longtemps troqué leur indépendance pour leurs intérêts. Derrière les beaux discours en coulisses, chacun suit ce qu’on lui a demandé de faire le jour du vote ; après tout, il y a un million de dollars à récupérer sur les quatre prochaines années à siéger au Conseil de la FIFA.

Romain MOLINA

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