En signant un protocole d’accord pour trois ans avec l’AS Monaco contre 4,8 millions d’euros, le ministre des Sports congolais, Didier Budimbu, engage son pays dans la voie du sponsoring sportif. Reste que ce projet vivement critiqué à Kinshasa se rapproche pour le moment plus d’une coquille vide. De quoi s’interroger sur l’intérêt réel pour la République Démocratique du Congo qui avait le choix avec d’autres clubs européens.
Depuis plusieurs années, plusieurs personnes ont parlementé auprès des ministères des Sports et du Tourisme afin de négocier un contrat de sponsoring avec une grande équipe footballistique européenne au nom de la République Démocratique du Congo.
S’inspirant de l’Azerbaïdjan ou du Rwanda, ces individus congolais ont cependant rapidement déchanté. Atlético Madrid (2022/2023), AC Milan (2024) ou Olympique lyonnais (2024) : à chaque fois la tentative avortait, principalement à cause de la multiplication des intermédiaires et de la voracité ministérielle qui voulait s’accaparer les dossiers et les commissions allant avec.
L’échec du dossier avec l’OL
En octobre dernier, par exemple, une délégation de l’OL conduite par le directeur général de l’époque, Laurent Prud’homme, fut reçue à Kinshasa pendant plusieurs jours. Au cabinet du ministre des Sports, il lui donna deux maillots floqués à son nom, Budimbu, avec le numéro 10 et deux propositions inscrites en bas dans le dos : Destination RD Congo ou Expérience RD Congo.
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Le 10 octobre, la délégation rhodanienne eut même un bref échange avec le chef de l’État, Félix Tshisekedi, en marge de la rencontre qualificative à la CAN 2025 contre la Tanzanie. Le président invita alors les Lyonnais à discuter plus tranquillement du projet après le match. Refus de Prud’homme qui prétexta avoir un « avion à prendre » ; une réponse qui choqua la majorité des personnes présentes même si l’intéressé démentait avoir opposé une fin de non-recevoir.
Finalement, les discussions se poursuivirent pour aboutir, en théorie, le 11 novembre 2024 à l’occasion du derby contre Saint-Étienne. Or, la partie congolaise fut incapable de compléter sa partie à temps. Venu tout de même, Budimbu fut surtout remarqué pour son insistance à prendre des photos avec les dirigeants lyonnais en loge.
Ce délai impromptu ne fut jamais rattrapé sous fond d’imbroglio envers l’instigateur du projet, Luc Mangala, dont le mandat expirait à la fin du mois de janvier. Au milieu de ce tohu-bohu, un avocat lyonnais, Thierry Braillard, était mystérieusement parachuté dans le dossier sans que personne ne puisse expliquer comment ; Prud’homme confiait en off que sa venue était le fait de la partie congolaise tandis que Kinshasa assurait l’inverse.
Une idée funeste : en attendant volontairement l’expiration du mandat de Mangala, les deux parties virent la guerre à l’est de la République Démocratique du Congo et les fuites dans la presse prendre le dessus et annihiler définitivement un accord possible entre cinq à six millions d’euros par saison.
Cisco Mulongo, l’autoproclamé « Bernard Tapie » congolais
Parallèlement à l’OL, un protocole d’accord était également signé avec l'AC Milan le 20 septembre 2024 sous l’égide du ministre de Tourisme, Didier M’Pambia Musanga et son slogan « Explorez la RDC, cœur de l’Afrique. » Un autre projet qui dénotait un manque de cohérence et d’unité au sein du gouvernement et qui ne fut finalement jamais ratifié officiellement ; sans qu’aucune explication ne fut donnée.
Malgré ces échecs et la guerre sévissant à l’est, le ministre des Sports n’abandonna cependant pas l’idée du sponsoring footballistique. Lui qui n’était pourtant à l’origine d’aucun des projets en question - la RDC étant représentée originellement à Lyon par Lydie Omanga, alors directrice de la communication du chef de l’État - se lançait désormais à la quête d’une équipe française avec un de ses conseillers, Cisco Mulongo.
Présent dans le premier voyage de la délégation congolaise, puis écarté à cause de son attitude et des photos qu’il publia sur ses réseaux sociaux alors qu’un devoir de confidentialité était demandé, Mulongo avait fait le lien avec Budimbu. L’autoproclamé « Bernard Tapie » congolais était donc de nouveau dans les discussions monégasques débutées juste après la fin des négociations lyonnaises et milanaises.
Bénéficiant d’un conseiller juridique en la personne de...Thierry Braillard, dont le rôle fut glorifié dans un drôle d’article d’Africa Intelligence qui magnifiait les décisions de Budimbu et de la nouvelle politique de « soft power » congolais - ce qui ne reflète absolument pas la réalité -, le ministère des Sports congolais s’accorda avec l’AS Monaco sur un contrat de trois ans à raison de 1.6 million d’euros par saison.
Des posts sur les réseaux sociaux, un flocage sur une manche...
Débarrassé des instigateurs des projets (et donc de leurs rémunérations), le ministère des Sports agit désormais en solitaire. Problème, contrairement aux dossiers de l’Atlético, du Milan et de l’OL, le projet avec l’AS Monaco est désespérément vide d’actions concrètes.
Pour schématiser, le plan prévoit des posts sur les réseaux sociaux monégasques afin d’améliorer la « visibilité » de la RDC. A part ça ? Rien ou presque : Jeune Afrique expliquait que le ministère des Sports a obtenu une loge avec 8 packs VIP destinés aux personnalités désireuses d’investir au Congo. En somme, rien du tout, si ce n’est les avantages et facilités pour le ministère des Sports.
Pis encore, la « visibilité » est en réalité restreinte puisque l’accord prévoit simplement d’être affiché sur la manche du maillot. Pour compenser, le ministère se félicite que les équipes de jeunes (que le grand public ne regarde pas) bénéficient d’un flocage mettant davantage en avant la RDC.
Sans aucun bénéfice concret pour le sport ou la visibilité congolaise, ce protocole signé avec l’AS Monaco devra être examiné au Parlement à la rentrée. Plusieurs voix politiques s’élèvent déjà contre celui-ci avec une question sous-jacente : ce partenariat sert-il réellement les intérêts de la République Démocratique du Congo ou ceux de son ministre des Sports, Didier Budimbu ?