A 26 ans, le milieu du FC Villefranche Beaujolais (D3 française) a fêté sa première sélection avec les Comores à l’occasion d’une défaite en amical au Kosovo (4-2). L’occasion de revenir sur une carrière semée d’embûches, débutée par une formation à l’Olympique de Marseille et de matchs en équipe de France jeunes, puis entrecoupée de plusieurs périodes de chômage et d’incertitude avant de remonter les échelons jusqu’à être appelé par les Coelacanthes.
Tu es l’un des rares joueurs professionnels qui a connu quatre longs moments sans club durant ta carrière, notamment après ton départ du centre de formation de l’OM. Que s’était-il passé à l’époque ?
Raouf Mroivili : J’ai décidé de partir de l’OM – ce n’est pas eux qui ont décidé de ne pas me conserver. Je faisais une grosse première saison en 17 ans nationaux, puis ils m’ont proposé un contrat stagiaire. J’ai préféré patienter et finir mon contrat aspirant, surtout que j’étais sélectionné en équipe de France U17 pour l’Euro.
La deuxième saison, j’ai pratiquement fait toute la saison avec la CFA (ndlr, l’équipe réserve alors en D4 française), quelques matchs en U19 et aussi le parcours en Gambardella puisqu’on va en finale. A la fin de cette année, on me propose toujours un contrat stagiaire. J’ai refusé car j’attendais un contrat pro… (Il marque une pause) Je pense que j’avais les arguments nécessaires pour prétendre à ce contrat. On ne s’est pas mis d’accord, ils m’ont dit : « C’est stagiaire ou rien du tout. » J’ai donc décidé de partir.
Pourquoi, selon toi, l’OM ne t’a pas proposé de contrat professionnel alors que tu étais appelé en équipe de France jeunes ? Une histoire d’agent ?
Raouf Mroivili : Je n’ai pas spécialement eu d’explication… Mon agent de l’époque (Paul Schianchi) avait plusieurs joueurs à Marseille, donc je ne sais pas si ça venait de là.
« J’étais vraiment dans un trou, je ne voulais plus m’entraîner, ni m’entretenir »
Tu connais ta première période de chômage à ce moment...
Raouf Mroivili : Les trois ou quatre premiers mois, je ne faisais plus rien. J’étais vraiment dans un trou, je ne voulais plus m’entraîner, ni m’entretenir. C’était la première fois que ça m’arrivait, et c’était vraiment compliqué. Je savais que ça allait arriver plus tard, mais cette période, les trois ou quatre premiers mois après l’OM, c’était dur.
Après ça, je me suis bien remis dans le bain en décembre et obtenu quelques essais, à Rennes et Metz. La première semaine à Metz, ils n’étaient pas trop chauds pour me signer, mais il y a eu un match amical qui a tout changé car j’ai fait une grosse prestation. Ils m’ont gardé une deuxième semaine, puis j’ai signé un contrat amateur avec eux. Il restait quatre mois dans la saison. J’ai bien fini, j’étais déjà passé stagiaire, puis j’ai fait la reprise avec les pros l’été suivant avant de signer mon premier contrat professionnel avec le FC Metz.
Malgré ton contrat professionnel à Metz, tu vas rapidement connaître le chômage à nouveau, puis le rebond dans un nouveau gros club français mais toujours en réserve.
Raouf Mroivili : J’ai été prêté à Seraing (D3 belge, club détenu par le propriétaire du FC Metz). Ca se passe très, très bien, je joue beaucoup de matchs. J’ai des sollicitations d’équipes en Ligue 2, ce qui m’allait car je voulais revenir en France mais avec la période Covid, ça n’a pas pu se faire et je me suis retrouvé pour la deuxième fois sans club.
C’était différent de la première fois puisque j’avais l’habitude entre guillemet pour avoir déjà vécu ce genre de période. Je m’entraîne pour rester en jambes jusqu’à signer après six mois de chômage à Monaco un contrat amateur. Ils faisaient des matchs amicaux avec le Covid, donc ça m’allait parfaitement et j’ai pu garder le rythme, ce qui m’a permis de m’engager dans la foulée à Guingamp.
Guingamp où tu feras encore une saison sans apparition avec les professionnels.
Raouf Mroivili : C’était particulier puisque je ne voulais pas signer là-bas. Les conditions proposées… Ils m’offraient pas beaucoup de contrat, donc ils voulaient que je vienne simplement avec mon chômage. Je n’étais pas trop chaud, puis ils m’ont expliqué le projet : « Tu commences avec la réserve, si ça se passe bien tu monteras avec la première. »
J’y suis finalement allé. J’ai enchaîné les rencontres en réserve, ça se passait plutôt bien puisque j’ai même été nommé capitaine à un moment. Sauf que je ne fais aucun entraînement avec les pros.. Enfin un seul, si, lorsque les pros jouent en semaine et qu’ils s’entraînaient le dimanche. Je ne comprenais pas trop pourquoi, surtout que certains ne jouaient pas en réserve mais étaient appelés pour s’entraîner avec les pros. On me disait souvent : « Ça va arriver, ça va arriver, ne t’inquiète pas ! » Puis, à la fin de saison, ils m’ont remercié.
« J’avais deux options : le Puy en N2 me proposait un contrat directement et Martigues en N1 qui voulait me voir en essai. J’ai réfléchi, j’ai privilégié Martigues car le coach aimait bien mon profil. Sauf qu’au final, ça ne s’est pas fait et j’ai de nouveau été six mois sans club »
Et de nouveau le chômage…
Raouf Mroivili : Pendant six mois, en effet, avant de signer à Bourges en N2 (ndlr, la quatrième division française). Je dispute quasiment la totalité des matchs de la seconde partie de saison, donc tout allait bien. Sauf que le coach partait et j’attendais de voir le nouveau pour renouveler mon contrat. Or, celui-ci ne comptait pas sur moi, donc ça s’est fini ainsi et je suis rentré dans ma famille à Marseille.
J’avais deux options : le Puy en N2 me proposait un contrat directement et Martigues en N1 qui voulait me voir en essai. J’ai réfléchi, j’ai privilégié Martigues car le coach aimait bien mon profil. Sauf qu’au final, ça ne s’est pas fait et j’ai de nouveau été six mois sans club pour signer à Jura-Sud, en N2, qui m’a fait confiance.
As-tu eu des moments de découragement à force de galérer autant à trouver un club ? Devais-tu travailler à côté pour boucler les fins de mois ?
Raouf Mroivili : Réellement, le temps paraissait très, très long. Il y avait une certaine incompréhension car je ne comprenais pourquoi ça mettait autant de temps à chaque fois alors que j’étais presque toujours titulaire en N2. Je veux dire, ça s’était bien passé à Guingamp, Bourges ou Jura-Sud. Mais malgré ça, je n’ai jamais douté. Jamais. Avec l’âge, l’expérience, le fait de bosser à côté, souvent seul, je n’ai jamais lâché. Je suis croyant, donc je savais que ça allait arriver tôt ou tard. J’ai patienté et bossé. J’avais toujours cet objectif de vivre du football et finir professionnel.
Que faisais-tu concrètement pour garder le rythme et tes sensations lors de ces périodes sans club ?
Raouf Mroivili : Je prenais un sac de ballons, j’avais mes plots et je répétais mes gammes. Sinon, athlétiquement, je courais, courais, souvent seul, avec beaucoup de fractionné. J’ai une certaine capacité d’endurance, mais lorsqu’on s’entraîne hors d’un groupe, c’est très important de répéter les sprints notamment. J’ai aussi été avec Coach Fonceur (Mohamed Chanfi) qui est connu à Marseille. Il m’a pris pour pas mal de séances. Sinon, pour compenser footballistiquement, je faisais des five avec des amis et des matchs le lundi soir dans une sorte d’équipe de la CGT puisque mon beau-frère avait un ami qui lui a proposé. J’ai pu jouer des matchs à onze comme ça lors de mes deux dernières périodes sans club.
« Je prenais un sac de ballons, j’avais mes plots et je répétais mes gammes. Je faisais aussi des five avec des amis et des matchs le lundi soir dans une sorte d’équipe de la CGT »
Ta signature à Jura Sud changera donc ta carrière puisqu’elle te permettra cet hiver de rejoindre enfin un club de N1, Villefranche.
Raouf Mroivili : C’était compliqué puisque j’étais capitaine, un des leaders, et le club ne voulait pas forcément me laisser partir vu que j’étais sous contrat. J’ai eu la chance au final de signer à Villefranche où, j’ai loupé les trois premiers matchs à cause d’une douleur au mollet. Puis, j’ai fait une bonne première rentrée contre Paris 13 même si on a perdu. Et, directement, j’ai été titularisé, j’ai enchaîné et mis aussi des buts en rentrant en cours de match, notamment un coup-franc contre Rouen, puis un autre coup-franc contre Concarneau.
On a réussi à se maintenir, ce qui était l’objectif, et personnellement, j’ai disputé 15 matchs dont 12 titularisations pour 4 buts. Je me suis invité intégré dans ce nouveau championnat, dans un nouveau groupe, et c’est de bon augure. De toute façon, je suis venu avec zéro pression car j’étais sûr de mes qualités et je ne veux pas m’arrêter-là.
Et ta persévérance va payer puisque tu vas même être appelé en sélection des Comores. Était-ce la première fois qu’ils t’avaient contacté pour rejoindre l’équipe nationale ou tu avais déjà eu des approches dans le passé ?
Raouf Mroivili : La première fois, c’était en U19. Sauf qu’à l’époque, j’avais fait toutes les sélections U17/U18 en équipe de France, sauf une à cause d’une blessure. J’étais vu un peu comme un des espoirs du centre de formation de l’OM et je voulais poursuivre le cursus en équipe de France. Bon, ça ne s’est passé comme prévu finalement ; je n’ai peut-être pas eu non plus ce petit brin de chance en club.
Les Comores ont repris en contact lorsque j’étais à Bourges, mais pas directement avec moi – on avait contacté mon club. On a parlé un peu de ça, mais il fallait que j’enchaîne sans coupure. C’était impossible de penser à la sélection si je ne faisais que des demi-saisons. Donc c’est sur cette fin d’année avec Villefranche que Mohamed Thani (team manager et coordinateur sportif de la sélection) m’a appelé. On a discuté, puis je me suis entretenu avec le sélectionneur. C’est une fierté, pour ma famille et mes proches aussi qui m’ont toujours soutenu. Réellement, ils ont été ma force et c’est aussi pour eux.