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Côte d'Ivoire-Ligue 1 : le monde sportif accuse après la mort d'un joueur

La mort de Moustapha Sylla, en plein match, le dimanche 5 mars 2023 a fait ressurgir les failles du système médical du football local ivoirien.

De notre correspondant en Côte d'Ivoire

Sylla Moustapha
Victime d'un malaise en plein match, Sylla Moustapha décède à l'hôpital

Un drame et des questions. Moustapha Sylla, joueur du Racing Club d'Abidjan , s'est effondré le dimanche 5 mars 2023 en plein match face à SOL FC, après un malaise cardiaque. Il était 18h30 GMT. L'attaquant le plus proche de lui a aussitôt alerté les secours qui ont mis 15 mn avant de l'évacuer. Une situation qui a eu le don de soulever le courroux de ses dirigeants, qui n'ont pas mâché leurs mots devant tant de laxisme. « Notre joueur n'a reçu aucune assistance car l'ambulance présente dans l'enceinte du Stade Champroux de Marcory n'avait pas de défibrillateur », a confié, en larmes, le président Cissé Souleymane, à la télévision Ivoirienne. La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre, après le match soldé par la victoire du RCA 3 buts à 1. Un succès anecdotique face à l'incroyable levée de bouclier qui s'en est suivie.

L'indignation totale

Après avoir annoncé sur sa page officielle la mort du joueur, le Racing Club a fait une autre publication disant qu'un journaliste malien, du nom de Boun Afane Doumbia, les a informé des problèmes cardiaques du joueur lorsqu'il évoluait au Djoliba AC de Bamako. De quoi soulever le courroux de la presse sportive et des anciens joueurs. « Le RCA est fautif. Il ne font pas de tests médicaux avant de signer un joueur? Dans les textes de la FIF, l'obtention de la licence est pourtant assujettie à une visite médicale. Mais il n'y a pas que le club qu'il faut accuser. C'est tout le système de la Fédération qui est remis en cause. C'est de l'amateurisme purement», s'est énervé Baky Koné, ancien attaquant de l'Olympique de Marseille, présent au Stade au moment du drame.

«Je suis révolté par ce que j'ai vu. Pendant que le joueur était en train de mourir, ceux qui sont commis aux soins étaient dans des protocoles bidons et l'ambulancier en train de bavarder tranquillement devant son véhicule comme s'il n'y avait pas d'urgence. Mais qu'est-ce que c'est ça ? J'ai été footballeur. Quand un joueur est en train de mourir, il n'y a aucun protocole qui tienne. Le seul protocole, c'est de sauver la vie humaine. Diantre!», s'est-il emporté avant de tirer à boulet rouge sur la Fédération. «Comment une Fédération sérieuse peut envoyer au Stade une ambulance sans le matériel de secours? Pas de défibrillateur, de poche d'oxygène, rien. C'est aberrant. C'est ça une Fédération ? En plus, il y a un hôpital tout proche du Stade mais ils ont préféré envoyer le joueur dans un hôpital au bout d'Abidjan. Je suis révolté. Trop c'est trop !», a-t-il tapé du poing sur la table.

Des témoignages poignants

Des joueurs locaux n'ont pas pu se taire devant cette situation dramatique. Ils sont tous meurtris. «Les secouristes que l'on voit aux matches n'ont que des trousses médicales vides. Quelque soit le choc, la blessure, ils te donnent toujours la même chose : du diclo ou du paracétamol», dénonce Kassi Akessé Mathias, ancien défenseur central du Séwé Sport de San Pedro et de l'OC Safi (Maroc). Un autre enfonce le clou. « C'est vraiment dommage. Est ce la méchanceté ? Est ce la mauvaise foi de la part de nos dirigeants ? Merci à ceux qui font de leur mieux. Parlant des médecins présents au terrain, ce sont des élèves pour qui nous sommes des cobayes . La plupart du temps, eux mêmes sont pris de panique face à certains chocs. Je m'arrête là», fustige Goua Marc, capitaine du Sporting Club de Gagnoa. La vie ne tient qu'à un fil et ceux qui ont vécu de graves blessures en ont gardé des séquelles puisque mal soignés.

«J’ai été victime d’une telle situation ! Le 19 février en Coupe Nationale au Stade Biaka boda de Gagnoa ! Face à Sirocco FC. Il y a tellement de négligence dans le domaine du football. Après avoir été évacué à l’hôpital général de Gagnoa, j'ai été laissé pour compte dans une situation vraiment déplorable. Etant couché sur le lit de l’hôpital, j’entendais que quelqu'un paie les soins mais ça discutait pendant que l’équipe même continuait le match . Mon coéquipier, qui m’assistait, multipliait les appels ça et là afin que les infirmiers puissent réagir. Je souffrais seul, je me tordais de douleur. Oh seigneur! Imaginez si j’avais fais une commotion cérébrale, où si j’avais une hémorragie interne je serais déjà mort. Je suis tellement découragé quand je pense à tout ça . De 16h30, c’est à 19h qu’ils sont venus me mettre un sérum soit disant pour soulager ma douleur . Sans consultation ! », s'indigne Iker Paulinho, gardien de but.

Comme plusieurs de ses coéquipiers et de jeunes footballeurs, il ne pense qu'à quitter le championnat local pour aller chercher mieux ailleurs. «Personnellement, concernant cette affaire de football local, je prie Dieu pour que mes amis et moi allions voir ailleurs. Nos vies sont très en danger. Nous sommes exposés à tout. Aujourd’hui me voilà à la maison, sans aucune visite, aucun appel, aucun médicament. Je me débrouille seul », termine-t-il presqu'en sanglots.

Des joueurs réfractaires aux examens?

La Fédération Ivoirienne de Football a produit un communiqué suite au drame et plusieurs personnalités du football dont Didier Drogba se sont montrés solidaires tout en réclamant plus de professionnalisme dans les tests médicaux. Mais cela peut-il faire bouger les lignes? « Le problème est plus complexe qu'on ne croit. En 2016, j'ai décidé de faire  une visite cardiaque à tous mes joueurs.Il se trouve qu'un joueur avait des problèmes cardiaques et ce joueur était demandé par un club européen. Quand le cardiologue l'a informé de l'impossibilité pour lui de faire une carrière de footballeur, le joueur et ses parents sont rentrés dans une colère noire contre moi disant que le résultat de la visite est faux et que je veux empêcher le joueur de faire une carrière professionnelle. Ils m'ont même menacé de poursuites judiciaires si jamais j'informais les autres clubs de ce que je savais. J'ai dû le libérer mais il est allé signer dans un autre club ivoirien. Il n'a pas pu aller en Europe et en 2020, il a arrêté sa carrière et jusqu'à présent il m'en veut », confie Koné Abdoulaye, président du Denguélé d'Odienné.

Il ajoute. «Le plus drôle c'est que quand j'ai voulu refaire les visites les années suivantes. Beaucoup de joueurs ont refusé de se soumettre à ces visites sous prétexte qu'ils jouent au football depuis leurs 10 ans et qu'ils n'ont pas de problèmes. Face à une telle situation que faut il faire? Rendre obligatoires les visites cardiaques et autres examens médicaux dans des centres de santé spécialisés?» Sur les quatre dernières années, il y a eu trois décès de footballeurs et un décès d'une supportrice de l'Asec Mimosas, Amy Ouattara, dans les mêmes conditions. Du côté des médecins de la FIF,  c'est l'omerta totale pour l'instant en attendant d'élucider cette mort soudaine.

Sanh Séverin

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