Le partenariat entre l’entreprise turque Milvest et l’As VClub signé le 11 janvier 2024 est un exemple concret de la politisation du sport congolais tenant compte de sa signature après plusieurs marchés publics, sans oublier les ambitions de Milvest qui constituent une propagande politique pour l’actuel régime.
Cette politisation du sport congolais fait réfléchir sur sa place dans le développement du secteur sportif congolais, ce chantier tant prometteur.
Un partenariat à la suite de nombreux marchés publics
L’entreprise turque Milvest a gagné en popularité depuis l’arrivée au pouvoir du président de la République, Félix Tshisekedi au regard de nombreux marchés publics qu’elle assure. Du Centre financier à Kin Arena, sans oublier l’aéroport international de N’Djili, le groupe turc a tout gagné ou presque.
Dans la suite de la réalisation du marché sur le centre financier et de son inauguration en pleine campagne électorale en grande pompe, l’entreprise turque a porté un intérêt sur l’As VClub, ce grand club omnisports emblématique de la République Démocratique du Congo. Ce partenariat entre l’As VClub et Milvest fait le lien entre la politique, le sport et les investissements.
Lors d’une interview accordée aux journalistes Jeanric Umande et Achille Kadima pour le compte des médias Ouragan et AfricaNews le 11 juillet 2024, son patron Thuran Mildon déclarait : « La société Milvest s’est installée en République Démocratique du Congo en 2021, après une rencontre que j’ai eue à Istanbul avec le président Félix Tshisekedi grâce au président de mon pays, Recep Tayyip Erdogan. […] C’est ici que nous avons fait notre plus gros investissement à travers 14 projets avec le gouvernement de la République, avec le soutien du président Tshisekedi. De tous ces projets, le Centre financier a un très grand impact et a récolté un grand succès. […] Je l’ai vu pour la deuxième fois à Kinshasa, à son invitation. J’ai également vu le même jour l’ancien ministre des Finances Nicolas Kazadi et mon frère Amadou Diaby, que je connais depuis longtemps en dehors de la République Fémocratique du Congo. »
Le projet Milvest, un investissement entre ambitions et propagandes
Après avoir obtenu plusieurs marchés publics avec le gouvernement congolais, l’entreprise Turc Milvest s’est tournée vers le sport en manifestant de l’intérêt pour l’As VClub en signant le 11 janvier 2024 un protocole d’accord qui sanctionnait le partenariat entre Milvest et l’As VClub. Le patron de Milvest déclarait ses ambitions en ces termes : « Nous sommes venus faire notre investissement dans ce club parce qu’on a vu sa valeur et sa richesse. […] Aujourd’hui, mon but n’est pas d’être premier ici à la Ligue nationale mais je rêve plus grand : devenir champion d’Afrique. Parmi mes plus grands objectifs en premier lieu, c’est faire un stade pour Vita Club, un camp d’entraînement pour les jeunes joueurs. Vita sera le club le plus riche d’Afrique. Je dis d’une façon très nette qu’on vient là de voir la nouvelle naissance de Vita et nous commençons de nouveau ensemble »
Les ambitions du sponsor Milvest servent indirectement les intérêts politiques du régime en place. En effet, l’action de Milvest notamment son lien avec un grand club de Kinshasa a été un argument de campagne électorale tout en constatant que le régime en place a remporté les élections de décembre 2023 avec succès.
Dans la société congolaise, sport et politique entretiennent un lien très étroit. Les acteurs politiques savent profiter de l’engouement autour des événements sportifs pour se construire une belle image, fidéliser une base et séduire un électorat. Comme l’a constaté Ebutelli ainsi que le Groupe d’études sur le Congo, « au cœur de cette relation se trouve un jeu de pouvoir : d’un côté, la recherche par les politiques d’une base, ou d’un électorat, en essayant de convertir la notoriété liée au sport en popularité politique et, de l’autre, des tentatives par le régime en place d’utiliser des publics sportifs pour des fins politiques. »
Un investissement non encadré par les autorités publiques
Au micro des journalistes d’Ouragan et AfricaNews, le patron de Milvest était fier de déclarer « depuis l’indépendance, aucun homme d’affaires n’a fait autant d’investissements directs que moi dans un temps aussi record. J’ai investi coup sur coup plus de 400 millions de dollars en attendant que l’État commence à rembourser, pour un total de 14 projets qui emploient 9 000 personnes dont la société assure les salaires, les soins médicaux et le logement. »
Au regard de l’intérêt de Milvest pour le sport congolais, le gouvernement aurait pu l’appuyer en le faisant bénéficier des avantages du régime général des investissements car le sport congolais exerce une faible contribution à la croissance économique et au bien-être social. La pratique du sport est essentiellement appréhendée comme un divertissement et fait l’objet d’une faible professionnalisation, ne constituant pas un vecteur de développement. Expert en gouvernance et professeur ordinaire des universités, Maître Jean-Michel Kumbu ki Ngimbi nous fait réfléchir sur le fait que « l’investissement se révèle être le facteur par excellence de la croissance économique et du développement qui consiste dans l’augmentation des grandeurs économiques. […] L’Etat fournit le cadre et l’environnement incitatif, le secteur privé crée les richesses nationales et l’emploi […]. »
Le partenariat entre Milvest et l’As VClub démontre que la politisation du sport peut dépasser le cadre de la propagande. En ce titre, il faut un encadrement des autorités publiques pour faciliter tout investissement fait dans le but de promouvoir le développement du sport.