Orpheline d’un président depuis l’incarcération de Wadie Jary, la Fédération tunisienne de football a élu samedi son nouvel homme fort : Moez Nasri. De quoi raviver les fantômes de l’ancien système dans un sport toujours soumis à davantage d’interférences politiques.
Emprisonné depuis octobre 2023 suite à une plainte du ministre des sports de l’époque, Jary a laissé un vide béant à la tête de la FTF.
Qualifié de « dictateur » par ses opposants, il concentrait un pouvoir personnel très fort, notamment en sélection nationale où il interférait parfois directement sur les compositions et listes. Derrière lui, un système s’était mis en place et a perduré malgré son incarcération et ses demandes de liberté provisoire rejetées.
Crise d’égos
Désireux de récupérer le pouvoir, différents courants s’affrontèrent sans d’autres programme que de trôner à la FTF. Alliances, ingérences politiques, recours : le processus électoral de début 2024 échoua piteusement.
S’enlisant dans une funeste crise d’égos, aucune solution ne se dessinait, surtout avec une politisation croissante pour tenter de contrôler la plus importante fédération sportive nationale.
Devant ce constat d’échec, auquel elle a grandement contribué en accordant un blanc-seing à l’administration Jary pendant des années, la FIFA nomma en août 2024 un comité de normalisation dirigé par Kamel Idir, ancien président du Club Africain et grand joueur de handball, avec pour objectif de relancer un processus électoral concret.
Retards de salaire de près d’un an dans les sélections jeunes
Problème, ce comité se heurta rapidement à la triste réalité économique de la FTF. Autrefois florissante sous Jary, qui vantait toujours son bilan financier au gré des participations de l’équipe nationale à la Coupe du monde (2018 et 2022), les caisses sont désormais vides et certains entraîneurs des sélections jeunes accusent des retards de salaire de près d’un an !
Si beaucoup s’interrogent sur l’utilisation des réserves financières – évaluées à plusieurs millions de dollars sous Jary -, d’autres mettent en avant l’absence de subvention étatique et de compétition internationale lucrative l’an dernier. Des raisons valables qui n’expliquent pour autant pas une telle gabegie ; certains hôtels et fournisseurs n’étant toujours pas réglés aujourd’hui.
Dans ces conditions, le comité de normalisation assista passivement à d’autres batailles en coulisses, notamment du ministre des Sports, Sadok Mourali. Très investi, ce dernier poussait par exemple pour le recrutement de Carlos Queiroz comme sélectionneur avant que le président de la République en personne, Kaïs Saïed, le dissuade de ce type d’ingérence.
Hussein Jenayeh, un vice-président très influent
Au final, trois personnes firent acte de candidature, dont Moez Nasri, l’ancien président de la commission d’appel, accusé par ses détracteurs d’avoir justement fait tomber les différentes listes souhaitant se présenter lors du dernier processus électoral.
En s’associant avec un des hommes forts de l’ère Jary, Hussein Jenayeh, Moez Nasri a fait un travail de sape auprès des clubs et surtout des ligues régionales. De quoi consolider un système déjà mis en place et ne favorisant pas les deux autres candidats, notamment Mahmoud Hammami, ancien membre du bureau fédéral lors de la CAN victorieuse de 2004, qui avait le soutien de beaucoup d’ex-joueurs.
Peu adepte des coulisses, ce dernier a payé ce manque lors des élections tenues ce samedi 25 janvier puisque la liste de Nasri s’est largement imposée avec 247 voix contre 137 pour Hammami et 55 pour Jalal Ben Tkaya, le troisième candidat.
Se félicitant de ce succès, Moez Nasri doit désormais rassembler les différents acteurs du football tunisien tout en trouvant des solutions pour l’avenir financier de la fédération. Une lourde tâche pour une administration qui assure vouloir faire du neuf avec des figures de l’ancien système.