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«Prédateurs sur le terrain», le docu choc sur la pédophilie dans le foot au Gabon

« Au Gabon, le football et la pédophilie vont de pair. » C'est en ces termes que Parfait Ndong, un ancien défenseur international gabonais plante le décor pour décrire la situation que connait ou qu'a connu bon nombre de mineurs. Dans un documentaire réalisé par la BBC au sujet des abus sexuels dans le football, celui qui est désormais formateur revient sur les témoignages de nombreuses victimes qui se sont confessées à lui. Il a été le premier à tirer la sonnette d'alarme dans le pays pour dénoncer les sévices subis par de nombreux joueurs mineurs, de la part de leur coachs. Le début d'une vaste enquête menée par le journaliste Romain Molina, Sport News Africa ou encore la BBC, qui a abouti à l'ouverture d'une enquête par la FIFA.

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D'après le documentaire, ce scandale de pédophilie dans le football gabonais impliquerait des centaines, voire des milliers de jeunes mineurs, victimes d’abus sexuels, et ce pendant des décennies. Des actes perpétrés par leurs entraîneurs, des membres haut placés dans le milieu du football gabonais. Le tout dans une impunité totale, du moins avant les premiers témoignages qui ont permis de mettre à jour un véritable réseau de pédophilie. Réseau qui a éclaté au grand jour avec les révélations qui ont conduit à l'arrestation de Patrick Assoumou Eyi, surnommé « Capello », suivie de celles de plusieurs autres entraîneurs locaux.

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Les témoignages des victimes sont nombreux. « Nous étions dans un camp d’entraînement pour les moins de 17 ans, logés dans un dortoir avec des lits superposés. Ils entraient dans nos chambres au milieu de la nuit, et… (il fond en larmes) désolé, c’est difficile d’en parler. Je voyais d’autres garçons emmenés. Ils n’avaient pas le choix (…) Pendant les entraînements, ces garçons saignaient. Dans les toilettes et les douches, nous pouvions voir le sang couler de leurs fesses. Ils étaient incapables de jouer lors du match suivant, ils ne pouvaient plus courir », dévoile l'un d'eux.

Les instances pointées du doigt pour leur inaction

« Ils sont venus nous réveiller, moi et mon meilleur ami. Ils nous ont emmenés dans une pièce éclairée en rouge, remplie d’hommes nus. Ils ont commencé à nous toucher. Je ne comprenais pas. J’avais envie de crier. Ils m’ont dit que je devais les masturber et leur faire une fellation. J’ai refusé. Alors, ils m’ont menacé en me disant que si je ne le faisais pas, je perdrais ma place dans l’équipe », poursuit-il. Des récits aussi difficiles à entendre les uns que les autres et qui témoigne du choc subi par les victimes.

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Alors que l'enquête de la FIFA, dénoncée dans un premier temps pour sa partialité, a été reprise par une nouvelle équipe afin de faire la lumière dans cette affaire, le président de la Fédération gabonaise de football, Pierre-Alain Mouguengui a été arrêté pour ne pas avoir dénoncer ces faits dont il a été informé. Il a depuis été remis en liberté et avait même reçu le soutien de la Confédération africaine de football durant son incarcération. Le média britannique pointe d'ailleurs du doigt la manière avec laquelle les instances dirigeantes du ballon rond traitent ce dossier et semble protéger leurs membres, en agitant systématiquement le principe de présomption d'innocence malgré les nombreux témoignages.

Gabon : la CAF fait pression pour Mounguengui

Le geste était fort en symbole et n'a pas manqué de surprendre. Arrivé au Gabon le 19 août dans le cadre d'une visite de travail avec les autorités locales, le président de la Confédération africaine de football, Patrice Motsepe a remis à ses hôtes un fanion destiné à Pierre-Alain Mounguengui. Geste qui a créé un léger malaise puisque l'intéressé est placé sous mandat de dépôt, depuis le 6 mai, à la prison centrale de Libreville. Il est en effet mis en examen par le juge d'instruction dans le cadre d'une enquête du Guardian, qui a mis en lumière un vaste scandale de viols et abus sexuels dans le football gabonais.

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Si d'ordinaire, le patron du football africain remet des fanions en guise de présent lors de certains de ses déplacements, celui-ci portait deux mentions spéciales: « Président Dr. Patrice Motsepe à M. Pierre Alain Mounguengui Président Fédération gabonaise de football » et « Avec nos compliments  ». Un soutien explicite envers Pierre-Alain Mounguengui, réélu le 16 avril pour un nouveau mandat à la tête de la Fédération gabonaise de football. Et surtout, une nouvelle façon de mettre la pression sur les autorités gabonaises, alors qu'en juillet dernier déjà, le secrétaire général de la CAF, Veron Monsengo-Omba et le ministre des Sports, Franck Nguema, ont déjà eu un vif échange par courriers interposés sur le sujet.

« La CAF veut faire flancher le gouvernement sur le cas Mounguengui »

En se rendant au Gabon, la CAF n'a pas manqué l'occasion de continuer à faire pression à sa manière pour obtenir la libération de Pierre-Alain Mouguengui. « Cette rencontre est la raison officielle avancée. Mais c'est un prétexte pour rencontrer le gouvernement et le faire flancher sur le cas Mounguengui », indique une source de la FIFA à Sport News Africa. En marge des échanges et travaux autour du renouveau du football gabonais, qui sort tout juste d'une crise de près de deux ans, des discussions moins formelles ont eu lieu au sujet du dirigeant incarcéré. La CAF n'a pas changé sa position et a tenté de faire fléchir la partie gabonaise. Patrice Motsepe a eu un échange privé avec le chef de l'Etat, Ali Bongo Ondimba dans ce sens. Sans succès pour l'heure.

Toujours est-il que le message est passé et que la pression mise sur l'Etat gabonais n'a pas été du goût de nombreux amoureux du ballon rond qui ont déploré ce soutien de la CAF, alors que le Capello-gate, nom donné à cette vaste affaire d'abus sexuels, est possiblement le plus grand scandale de pédophilie au sein du sport gabonais. Pierre-Alain Mounguengui est accusé d'avoir eu connaissance et couvert certains des faits. Dans le camp de ses défenseurs, son incarcération est jugée comme politique, ceci afin de l'empêcher d'enchaîner avec son 3ème mandat comme président de la Fédération gabonaise de football. D'après nos informations, il n'est pas exclu que du côté de la CAF, d'autres moyens moins diplomatiques soient utilisés pour tenter de faire libéré le dirigeant.

Capellogate : la CAF menace de suspension, le Gabon riposte

Le ton monte autour de ce qui est désormais appelé au Gabon « l'affaire Mounguengui », du nom du président de la Fédération gabonaise de football. D'abord convoqué afin d'être entendu dans le cadre du Capellogate, ce vaste scandale de pédophilie qui a éclaté dans le football gabonais, révélé au grand jour par une enquête du Guardian, le dirigeant a été placé en garde à vue, avant que son incarcération ne soit finalement prononcée. Il est mis en examen notamment pour avoir couvert les agissement d'entraîneurs et membres de la Fédération, alors que les faits lui ont été rapportés, d'après l'enquête menée par la justice gabonaise.

L'information n'a pas tardé à remonter jusqu'à la Confédération africaine de football, qui a très vite réagi. Dans un courrier à l'attention du ministre des Sports, Franck Nguema, dont Sport News Africa a eu connaissance, le secrétaire général de l'instance, Veron Mosengo-Omba, s'interroge sur les raisons de l'arrestation de Pierre-Alain Mounguengui. Il évoque notamment la « présomption d'innocence » dont devrait bénéficier le prévenu, tout en pointant une « coïncidence troublante » et des « motifs peu clairs » autour de cette arrestation. En somme, il y aurait une volonté d'écarter celui qui vient d'être réélu pour un 3ème mandat à la tête de la Fédération gabonaise de football, dont il demande la libération immédiate.

Suspension du Gabon et retrait des éliminatoires de la CAN 2023 ?

De là à y voir une immixtion du politique dans cette affaire, il n'y a qu'un pas. Et la CAF a tenu à rappeler au ministre des Sports du Gabon que toute ingérence au sein de la Fegafoot serait sanctionnée par les dispositions prévues par les textes de la CAF et de la FIFA. Le Gabon s'expose notamment à une suspension de toutes ses sélections nationales, mais aussi de ses clubs. Menace à peine voilée sur la participation des Panthères aux éliminatoires de la CAN 2023, qui vont débuter au mois de juin. Et en cas de suspension, celle-ci pourrait aller d'une durée de deux à quatre ans. Ce qui serait un coup de plus porté au football gabonais, dont le championnat doit en principe reprendre le 14 mai, après plus de deux ans d'interruption totale.

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Un scénario que veut à tout prix exclure le ministre des Sports du Gabon. « Les conditions de détention de M. Mounguengui s’effectuent dans le strict respect des droits de l’homme », a indiqué Franck Nguema dans un communiqué en guise de réponse. Il a également rappelé que le dirigeant fait « l’objet d’une procédure judiciaire au motif qu’il aurait gardé le silence face aux abus sexuels qu’auraient vécus pendant des années, des centaines de footballeurs mineurs de la part de leurs encadreurs, dont il est le président fédéral depuis huit (8) ans, soit de 2014 à 2022 » et qu'il n'est pas le seul impliqué dans cette affaire, qui n'est pas un règlement de compte avec Mounguengui.

« Nous étions loin de l’élection de la Fegafoot qui s’est tenue le 16 avril 2022. A cet effet, M. Mounguengui a été entendu pour la première fois par l’Etat-major des Polices d’investigations judiciaires au service des affaires criminelles, le 21 décembre 2021 », a également tenu à rappeler le ministre, qui indique demeurer à l'écoute de la CAF et de la FIFA, des « partenaires privilégiés pour la promotion du football au Gabon. » Reste à savoir si cette réponse sera suffisante pour éviter une possible suspension. Au niveau de la CAF, les options restent ouvertes, même si l'instance attend de connaître la suite qui sera donnée à cette affaire. La détention provisoire de Pierre-Alain Mounguengui a été fixée à 10 jours. Passé ce délai, le couperet pourrait tomber.