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Kévin Nicaise : « On a posé les bases de l’avenir de la sélection tchadienne »

Entre les forfaits, suspensions de la FIFA et éliminations précoces, le Tchad n’avait réussi qu’une seule fois à se qualifier pour le tour principal des éliminatoires pour la CAN depuis une décennie. La pression devait être grande pour ce barrage que vous aviez disputé contre Maurice en mars dernier, surtout après la victoire lors du match aller (1-0).

Kévin Nicaise : C’était notre premier succès depuis cinq ans, pour que les gens comprennent bien d’où on partait. Depuis 1963, on a dû gagner une dizaine de matchs officiels seulement. J’étais donc conscient de l’enjeu et aussi de la dangerosité de jouer à Maurice. C’est un petit terrain synthétique, ils ont leur public, la pression…


A la mi-temps, on perdait 1-0 et je n’étais vraiment pas content de notre performance, j’ai passé un savon à mes joueurs. Je les ai bien secoués même car on n’y était pas. Maurice a de la qualité et certains types de joueurs que nous n’avons pas. C’est pourquoi, depuis le début de l’aventure, j’avais axé notre projet sur un vrai collectif, un groupe qui vit bien ensemble, qui fait les efforts les uns pour les autres. C’est ce qui nous a permis de passer au-dessus physiquement durant les trente dernières minutes et de nous imposer 2-1 au final.

Cette qualification a généré un enthousiasme assez incroyable à N’Djamena...

Kévin Nicaise : Ah oui, c’était une euphorie un peu démesurée même car c’était simplement un tour préliminaire. Je crois que beaucoup de gens ont cru qu’on s’était qualifié à la CAN (rires). Bien sûr, on était super content et fier car enchaîner deux victoires de suite alors qu’on n’avait pas gagné un match depuis cinq ans… J’étais cependant conscient que cela s’était joué à très peu de choses, et qu’il ne fallait pas s’enflammer. Dans mon esprit, cette qualification était une base en plus sur le projet qu’on construit pour l’avenir de la sélection.

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Depuis le 30 novembre 2023, le Tchad n’a officiellement personne pour diriger sa fédération puisque le bail du comité de normalisation n’a pas été prolongé par la FIFA et les élections n’ont pas eu lieu. C’est une situation unique au monde qui doit forcément avoir des répercussions sur la sélection et vous.

Kévin Nicaise : Oui, c’est particulier. On fait avec les moyens du bord. Mon contrat, par exemple. Après la qualification, j’avais proposé qu’on discute d’un vrai contrat à moyen et long terme. Au final, j’ai signé pour deux mois, puis trois mois, et quatre mois. Disons que je ne pourrais pas continuer ainsi sans être fixé pour un engagement au moins sur du moyen terme.

« J'ai contacté des joueurs via les réseaux sociaux »

Sans bureau fédéral, comment avez-vous travaillé, notamment pour la prospection des nouveaux joueurs ayant fêté leur première sélection avec vous ces derniers mois ?

Kévin Nicaise : Ce fut un travail de tous les jours et toutes les nuits (rires). J’étais derrière mon pc avec mon téléphone sans avoir le luxe de me déplacer pour voir les joueurs de visu. J’ai fait un gros travail de recherche même si ça fonctionne aussi beaucoup au bouche à oreille et avec les réseaux sociaux. Par exemple, j’ai reçu un message sur Instagram de mémoire avec toute une série de joueurs d’origine tchadienne. C’était une vieille liste Transfermarket avec certains qui étaient désormais retraités, qui avaient arrêté, etc. J’ai trié, puis j’ai essayé d’en contacter certains par les réseaux sociaux en demandant leur numéro pour les appeler. Ils m’ont ensuite envoyé des vidéos, j’essayais de trouver leurs matchs sur Wyscout, puis arrivait la question : dois-je l’appeler en sélection ?

Pour certains, c’était des coups de poker car on avait très peu d’informations, c’était un point d’interrogation. Si on prend Mahamat Thiam qui évolue en Géorgie. Il n’était pas renseigné comme tchadien, mais avec le bouche à oreille, je l’ai contacté par les réseaux sociaux, etc. C’est une très bonne trouvaille, il a d’ailleurs marqué contre la Sierra Leone.

J’ai également le DTN, Oumar Yaya Mahamat, qui m’a envoyé des profils comme William Damba, un bon petit joueur qui évolue en première division au Burkina Faso. Sans le DTN, jamais je n’aurais pu le connaître et on l’a également appelé. Enfin, j’ai aussi reçu des demandes spontanées de joueurs tchadiens qui m’envoyaient leurs vidéos.

« Kevin N'Doram ? Plus de son, plus d’image, je suis déçu »

Est-ce que le travail de persuasion a été compliqué pour les convaincre de venir jouer pour les Sao ?

Kévin Nicaise : Honnêtement, ça n’a pas été trop difficile pour ce type de joueurs un peu méconnu. On parle d’une équipe nationale, de jouer contre de grandes nations, de voyager, ça reste quelque chose d’exceptionnel. Pour cette catégorie de joueurs, il n’y avait aucun souci car ils voulaient défendre les couleurs de leur pays. Par contre, pour la catégorie plus connue dira-t-on, j’ai rencontré des difficultés. C’est peut-être un de mes regrets même si je n’y suis pas pour grand-chose.

Il y a notamment le cas de Kevin N’Doram qui devait rejoindre la sélection ces derniers mois.

Kévin Nicaise : J’ai été le voir personnellement à Metz, ainsi que sa famille avec qui le courant passait très bien : « Vous êtes le premier coach à vous déplacer pour lui, à faire toutes les démarches, nous sommes honorés. » En juin, il n’a pas pu nous rejoindre car il disputait les barrages avec son club contre Saint-Étienne, ce que je comprends. Pour le rassemblement de septembre, il venait de signer en Arabie saoudite et m’a dit : « Coach, je n’ai pas fait de préparation, c’est un peu juste. » Lors du rassemblement d’octobre, il venait de commencer le championnat, il jouait et ne préférait pas venir pour faire une autre préparation durant cette trêve. Enfin, en novembre, silence radio. Plus de son, plus d’image. Je suis déçu car ça aurait pu être un vrai plus pour l’équipe.

Il y avait aussi Loum Tchaouna de la Lazio, mais je n’ai pas trop insisté car il évolue en équipe de France espoir, c’est compliqué. J’ai également parlé avec Jean-David Beauguel, un attaquant gaucher de 32 ans avec de la bouteille. Il a joué en République Tchèque des années, il est désormais en Chine, mais a eu l’honnêteté de me dire qu’il privilégiait sa carrière en club plutôt que la sélection à son âge. Disons que ces joueurs, d’un calibre supérieur, auraient pu donner une autre dimension à l’équipe.

« Les joueurs disent : "Coach, on vient jouer pour le pays, mais on se fait insulter !" »

Selon nos informations, il y a également eu parfois des soucis administratifs ou imprévus vis-à-vis de certains binationaux ou Tchadiens évoluant à l’étranger.

Kévin Nicaise : Oui, car pour faire les passeports, il faut absolument aller à N’Djamena, on ne peut pas passer simplement par une ambassade. Le système est assez rude dira-t-on, même pour les joueurs avec un passeport tchadien expiré. Certains étaient venus en présélection, ils s’entraînaient le matin, puis passaient l’après-midi au poste de police. Souvent, il manquait un truc, ils revenaient, repartaient. Puis, les footballeurs ne sont pas toujours bien perçus au Tchad. Certains sont déjà venus me voir en disant : « Coach, on vient jouer pour le pays, mais on se fait insulter ! » Ils devaient aussi payer, mais certains ne pouvaient pas, donc j’ai payé de ma poche parfois pour leurs papiers.

Des échos du vestiaire, on a l’impression qu’une véritable aventure humaine s’est dessinée avec ce groupe malgré les obstacles sur le parcours et cette dure phase éliminatoire de la CAN avec un groupe compliqué (Côte d’Ivoire, Zambie et Sierra Leone).

Kévin Nicaise : J’ai misé sur l’état d’esprit depuis le début avec des joueurs réceptifs. On a un peu bousculé les mentalités tchadiennes avec notre méthode de travail, notamment d’un point de vue physique, mais ça valait la peine ; même si je ne me suis pas fait que des amis (rires). Par exemple, lors du mois de ramadan, on était à N’Djamena avec les locaux. Je leur ai posé la question : « Comment faites-vous puisque le terrain n’est pas éclairé ? » Ils m’ont répondu : « Pas de souci coach, on s’entraîne à 16h/16h30. » A cette heure, il fait presque 40 degrés, c’est impossible de jeûner dans de telles conditions, mais ici, c’est normal. Les joueurs sont habitués à le faire sauf qu’au bout de trois jours, c’est fini, ton corps ne peut pas.

Dans le groupe, il y avait une moitié environ de jeûneurs. J’ai donc composé et on faisait une séance parfois à 7 heures du matin pour les non-jeûneurs et le soir, pour les autres, sur un terrain de five éclairé. On a cassé les codes. J’ai réajusté les méthodes d’entraînement, le dosage, la période de récupération qui n’est pas toujours optimale au Tchad. Athlétiquement, il y a une vraie différence avec d’autres pays. J’ai été particulièrement marqué face à la Gambie en 2022. Lorsque j’ai regardé les Gambiens monter sur le terrain… Ce sont tous des athlètes de haut niveau, on peut voir la différence sur les photos des deux équipes. Dans le recrutement, il y a eu cette approche de se rapprocher du niveau international en cherchant des joueurs un peu plus athlétiques et costauds, notamment pour une meilleure assise défensive.

Je savais que nous ne pouvions pas passer sur la seule qualité individuelle, donc on a axé une dynamique par le collectif en posant des bases défensives, puis en tentant de développer ensuite notre football. J’aime le beau jeu, mais je suis réaliste. Au fil des matchs, on a cependant progressé, on a fait un grand pas en avant dans la conservation du ballon, dans la gestion de la balle même s’il reste des progrès. Au milieu, on a des bons joueurs qui savent faire tourner. Jusqu’aux 30 mètres du but adverse, on est assez bon. Ensuite, on n’a pas forcément les joueurs pour partir en un-contre-un ou prendre la profondeur. On a donc été décrié offensivement car on a mis qu’un but en six matchs, je le comprends, mais c’est aussi notre marge de progression.

Au final, le Tchad termine de son groupe mais avec trois points (trois nuls) et une seule vraie claque, un 4-0 contre la Côte d’Ivoire lors de la dernière journée. Dans le monde du football africain, personne ou presque ne misait sur le fait que les Sao puissent prendre ne serait-ce qu’un point avec un effectif composé en énorme majorité de locaux, de quelques joueurs évoluant dans les championnats voisins et des expatriés jouant dans des ligues de seconde zone (Géorgie, D2 marocaine, etc.). Quel bilan tirez-vous ?

« Je ne peux plus signer des contrats de deux ou trois mois »

Kévin Nicaise : Il n’y a pas la qualification, mais on ne va pas se mentir, elle était assez utopique ; toutes les étoiles devaient s’aligner pour y parvenir. Personnellement, j’en tire un bilan vraiment satisfaisant car on a embêté fortement des équipes comme la Zambie ou la Sierra Leone. Ce ne sont peut-être pas les plus grands noms d’Afrique, mais ils ont des joueurs de Championship (D2 anglaise) ou de championnats majeurs. Pouvoir rivaliser avec eux sur les quatre matchs, c’est ma satisfaction avec notamment ce 0-0 en Zambie.

Contre la Côte d’Ivoire, on n’a pas été ridicule lors de la première rencontre (2-0), mais le retour me reste en travers de la gorge avec ce 4-0. On était pas réellement dans de bonnes conditions, surtout les 48 heures avant le match, mais quand même. Cela dit, on a pu montrer un autre visage du football tchadien en peu de temps sans réellement pouvoir s’entraîner tous ensemble ou disputer un seul match amical. Vu les circonstances et la jeunesse du groupe, je suis satisfait.

La fin des éliminatoires a aussi été marquée par la retraite internationale du capitaine, Marius Mouandimadji qui a ensuite été très critique vis-à-vis de l’organisation et du ministère des sports. Avez-vous été surpris par sa retraite ou en aviez-vous parlé avec lui avant ?

Kévin Nicaise : Pour être honnête, il m’en avait parlé depuis un moment. Il voyait les changements en équipe nationale depuis mon arrivée, il attendait un dénouement positif avec une qualification, mais le mode de fonctionnement du football tchadien ne lui convenait pas.

Pourquoi aviez-vous décidé de lui confier le brassard de capitaine ?

Kévin Nicaise : Suite à la non-sélection de Casimir Ninga, j’ai nommé Marius capitaine car il a une réelle aura au sein du groupe. Au début, j’avais un peu de mal à le cerner car il faut le connaître et percer sa carapace. On découvre alors un garçon entier, à fond avec ses coéquipiers pour faire reconnaître et valoir leurs droits. Ce sont des valeurs importantes, surtout qu’il a cette aura auprès des joueurs locaux et aussi des expatriés.

Au sein du groupe, il a toujours eu un comportement exemplaire et il était un vrai porte-parole. Au Tchad, les joueurs ne sont pas éduqués à avoir une personnalité et oser parler ; tout en étant respectueux évidemment. Parfois, c’est « joue et tais-toi » avec un coach vu comme un être suprême à qui on ne peut rien dire. Marius n’est pas comme ça.

Sportivement, en tant qu’entraîneur, j’ai forcément un petit regret de ne pas avoir pu exploiter davantage ses qualités. C’est un attaquant un peu à l’ancienne, capable de garder la balle dos au jeu et qui utilise son plein potentiel dans les seize mètres. On jouait en 3-4-3 avec des pistons pour l’abreuver en centres, mais on a encore du travail dans cet aspect. Au final, Marius n’a pas pu donner sa pleine mesure à cause de notre jeu. Il a parfois un peu forcé les choses balles au pied, mais il ne s’est jamais caché. Il a pris ses responsabilités et a eu un investissement exemplaire. Il courait, défendait, revenait, motivait ses partenaires. Un vrai capitaine.

Quant à vous, vous êtes en fin de contrat. Existe-t-il des pourparlers pour poursuivre l’aventure ?

Kévin Nicaise : J’attends de faire le bilan avec les autorités pour voir ce qui sera décidé. Honnêtement, le bilan est vraiment positif car on a posé les bases de l’avenir de la sélection tchadienne et on doit pouvoir s’appuyer là-dessus. Il faut que les choses suivent désormais avec un vrai projet à moyen-terme pour continuer à bâtir. Ce qui est certain, c’est que j’aurais mes conditions. Je ne peux plus signer des contrats de deux ou trois mois, mais m’engager sur la durée pour poursuivre notre développement.

Romain MOLINA

Tchad : Corruption, humiliation, favoritisme... l'enfer des athlètes face au Comité olympique

« Je ne peux plus rester silencieuse. Je veux dénoncer toutes les personnes malhonnêtes qui nuisent au sport tchadien et à la vie des athlètes tchadiens. » Le 4 mars 2024, Bibiro Ali Taher, écrit un large texte sur ses réseaux sociaux pour « réclamer ses droits » et ceux des autres athlètes nationaux. Équipements, frais, primes de participation aux compétitions, la détentrice du record national du marathon (2:50:59) expliquait n’avoir rien reçu, pas même le remboursement de son billet d’avion pour les Jeux olympiques de Rio en 2016 où elle était pourtant la porte-drapeau du Tchad.

Invitée dans plusieurs médias tchadiens et français (elle s’entraîne en France, ndlr), Bibiro poursuivit sa diatribe envers le Comité olympique et sportif tchadien (COST), ainsi que la Fédération d’athlétisme (F.T.A). « Je suis dans mes droits. La vérité, le mensonge, l’hypocrisie et la malhonnêteté, ce n’est pas ma tasse de thé. Pendant toutes ces années, j’ai supporté seule de lourdes charges. Mentalement, mon cœur est brisé. »

En réponse, le COST publia un communiqué pour démentir les griefs de l’athlète, tout en rappelant qu’elle n’avait pas terminé l’épreuve du 5 000 mètres à Rio. « C’est une manière de m’humilier à nouveau », déplore-t-elle pour Sport News Africa« Ils détournent le sujet de mon combat et de celui des autres athlètes par des attaques personnelles. Cela veut dire beaucoup sur leur manière d’opérer. »

Où sont passés les donations de la solidarité olympique et de World Archery ?

Allant au bout de sa démarche, Bibiro a écrit une lettre officielle au président de la République, Mahamat Déby. Une initiative à laquelle le cabinet présidentiel a répondu, chargeant le ministre des Sports, Abakar Djarma, d’instruire un dossier. Pas de quoi gêner cet ancien judoka qui présida le Comité olympique et sportif tchadien entre 2017 et 2021 avant de perdre les élections au profit du général Idriss Dokony, qui avait déjà dirigé le COST entre 2013 et 2017.

Si l’inimitié entre les deux hommes est connue - Dokony accusa par exemple Djarma d’avoir laissé un solde fictif de plus de 8 millions de francs CFA -, la gestion du COST et de plusieurs de ses fédérations affiliées méritait depuis bien longtemps d’être examinée selon la totalité des athlètes sollicités par Sport News Africa« Nous ne sommes pas considérés », peste Hallas Maria, championne d’Afrique par équipe mixte avec son compatriote Israël Madaye en 2023. « Surtout les femmes, et encore plus si nous osons réclamer nos droits. »

La jeune archère (23 ans), qui fait partie des meilleurs espoirs continentaux, énumère ainsi les compétitions auxquelles elle a pris part sans recevoir ses frais de mission ou les donations d’équipement qui ne profitaient pas aux athlètes. « Dernièrement, il y a eu une formation à laquelle nous avons pris part au pays. Des fonds ont été déployés pour acheter du matériel, mais on n’a jamais rien reçu. En plus, cela était financé par la solidarité olympique et la WA (World Archery, la fédération internationale de tir à l’arc). »

Contrairement à son homologue masculin, Israël Madaye, qui bénéficia d’une bourse de la solidarité olympique sur le long terme (trois ans), Hallas n’a jamais obtenu de bourse malgré ses titres et distinctions, et ne put rejoindre l’Europe qu’au dernier moment avant les Jeux où elle espérait se qualifier en réalisant les minimas.

Une différence de traitement rageante eu égard à la passivité de la Fédération de tir à l’arc et du Comité olympique tchadien, peu enclins à débloquer les formalités administratives nécessaires – l’obtention du visa notamment – en amont. « Le souci, c’est que j’ai réclamé mes droits », rappelle l’archère. « Dans notre milieu, lorsque vous ouvrez votre bouche pour réclamer ce qu’on vous doit, on vous écarte. On vous le fait comprendre très clairement. »

Pour preuve, pendant que Madaye se préparait à la fastueuse World Archery Excellence Center de Lausanne, Hallas a finalement dû se débrouiller avec l’aide de l’Ambassade de France au Tchad et le Projet de Valorisation de la Pratique Sportive chez les Jeunes Filles (dont elle était la marraine), pour s’entraîner trois semaines à Clermont-Ferrand, bien loin des centres d’excellence prévus pour les meilleurs espoirs du continent...

Lacrymogènes, policiers et interdiction de participer aux Championnats d’Afrique

Discipline en verve, agrémentée de nombreuses médailles continentales, le tir à l’arc souffre d’un cruel manque de moyens. Obligés de construire des cibles avec du carton et de la paille par eux-mêmes, les archers et leurs entraîneurs s’exercent où ils peuvent, sans lieu réellement approprié. Dans les locaux du vétuste lycée Félix Éboué, situé dans le troisième arrondissement de la capitale, N’Djamena, la troupe tirait à des heures précises selon les disponibilités scolaires. Une préparation indigne qui caractérise malheureusement la réalité du sport tchadien.

Lire sur le sujet : Israël Madaye : « On était plus que deux à tirer à l’arc au Tchad ! »

Sans une réelle politique sportive étatique, chaque discipline vivote au gré des compétitions et de ses intérêts. Proche de Dokony, le président de la Fédération de tir à l’arc, Nguelet Colombe, est ainsi le secrétaire général du Comité olympique tchadien. Une place de choix comme celle d’Ouya Bourma Malato, secrétaire général de la Fédération d’athlétisme et premier secrétaire général du Comité olympique. Un cumul de poste qui interroge, mais fait sens ; au Comité olympique, c’est Ouya qui s’occupe de toute la paperasse.

Très influent, ce dernier est accusé par l’immense majorité des personnes sollicitées de « mener un double jeu ». En off avec certains athlètes, Ouya n’hésite ainsi pas à accuser le président Dokony de récupérer plus d’argent qu’eux. En on devant les caméras ou sur les réseaux sociaux, il magnifie le bilan de Dokony. « C’est une dictature », balaye Mahamat Reouhidi, coureur de 200 et 400 mètres. « Par exemple, j’ai participé aux Jeux scolaires à Moundou en 2019. Après cela, la direction des sports militaires (DSMIA) à organiser la compétition pour la sélection des Jeux mondiaux militaires en Chine, puis la fédération d’athlétisme à organiser un championnat national pour la sélection aux Jeux africains en 2019 à Rabat, au Maroc. Sauf que la fédération a refusé que ceux sélectionnés aux Jeux mondiaux militaires puissent participer au championnat national. Ils ont appelé les policiers de CA3 pour leur dire que les athlètes rebelles sont au stade. Ils sont venus avec des lacrymogènes.. »

Plusieurs donations, notamment d’un entraîneur italien (Tommaso Rava), n’ont jamais été données aux athlètes, selon Reouhidi qui déplore l’absence de compétition digne de ce nom ainsi que les menaces. Lui comme d’autres coureurs tchadiens ont ainsi décidé de s’exiler au Cameroun pour s’entraîner et vivre, sans aucune aide fédérale. Pis encore, lors des Championnats d’Afrique 2024 organisés à Douala, Reouhidi et ses coéquipiers vivant au Cameroun ont été exclus de la compétition. « Le secrétaire général de notre fédération, Ouya Malato, a appelé le secrétaire général camerounais pour lui dire qu’aucun athlète tchadien étant au Cameroun ne peut participer sans notre autorisation. Voilà ce qu’on vit. »

« Nous savons où tu es »

Dans cette cacophonie, seulement trois athlètes tchadiens furent sélectionnés aux Jeux Olympiques de Paris. De quoi susciter l’incompréhension chez certaines, notamment la marathonienne Bibiro Ali Taher. Cette dernière estimait prétendre à la place attribuée à un/e athlète tchadien(ne) suite à l’invitation décernée par la Fédération internationale d’athlétisme. Or, la Fédération tchadienne décida d’envoyer Valentin Betoudji, le recordman du marathon chez les hommes.

Déchirée, comme l’archère Hallas Maria qui ne put faire les minimas pour valider sa place à Paris, Bibiro redoubla d’efforts pour faire valoir ses droits et ceux de ses confrères et consœurs. Un collectif regroupant des athlètes de nombreuses disciplines fut ainsi monté : l’Union des droits sportifs tchadiens. « Nous en avons marre d’être exploités », explique-t-elle. « J’ai parlé à des champions ou championnes en pleurs, en dépression à cause du traitement qu’on leur réserve. Est-ce normal ? »

A l’intérieur de ce groupe, les témoignages fusent. Intimidation - « nous savons où tu es » -, confiscation de passeports, tout y passe et même de l’argent en espèce pour calmer les potentielles ardeurs des récalcitrants comme le boxeur Brahim Mahamat Saleh à qui il donna 1 000 euros en cash dans un hôtel de luxe parisien. Une « dictature » pour reprendre les termes du coureur Reouhidi où la communication est verrouillée et tournée à la gloire du président du Comité olympique, le général Idriss Dokony.

Sur Facebook, l’immense majorité des posts n’est pas consacrée aux athlètes, mais à son président, notamment cet été lors de sa campagne pour briguer (et obtenir) le poste de premier vice-président de la Confédération africaine de volley-ball. Une distinction s’ajoutant aux nombreuses autres pour cet ex-international qui a également endossé des responsabilités à l’ACNOA, l’Association des comités nationaux olympiques d’Afrique, et qui exerce son second mandat au Comité olympique tchadien après un premier intermède entre 2013 et 2017. Mais, surtout, Dokony est connu à N’Djamena pour avoir été un ancien ministre de la sécurité.

Hôtel de luxe et argent cash

Figure de l’ancien régime sous feu président Idriss Deby, Dokony avait conservé d’importantes prérogatives avec le nouveau chef d’État, Mahamat Deby. Ministre de la sécurité publique et de l’immigration, il fut cependant débarqué de ses fonctions le 26 février 2023 par un décret présidentiel. Si le porte-parole de la présidence a tenu à calmer les supputations, parlant de « démarche normale et courante dans l’administration », Dokony fit également partie de la liste des 47 généraux « mis à la retraite » en juin 2023 par un autre décret présidentiel.

S’il contesta initialement cette décision, Dokony se fit discret. Selon nos informations, ce « déclassement » coïncidait également avec une dispute l’ayant opposé au chef de cabinet présidentiel lors d’un voyage à Kinshasa. Vaquant de facto à ses multiples mandats sportifs, le général obtint toutefois une nouvelle nomination politique le 21 juin 2024 en qualité d’opération économique pour la CNG (Commission Nationale de Gouvernance) du MAEP (Mécanisme africain d’évaluation par le pair). Une promotion anecdotique en comparaison de l’échéance tant attendue de 2024 : les Jeux olympiques.

Dokony dirigea une délégation de 17 officiels pour seulement 3 athlètes, un ratio élevé, mais moins important que le nombre farfelu (33) circulant sur les réseaux sociaux. Cependant, le président du CNOST, logé à l’Hôtel Hyatt Regency, est venu avec sa conjointe à qui il obtint une accréditation. Sur les clichés, son secrétaire général, le président de la Fédération de tir à l’arc, Nguelet Colombe, était également avec sa partenaire, comme le secrétaire général de la Fédération d’athlétisme, Ouya Bourma Malato. Festoyant, le trio passa une olympiade étoilée à défaut de rentrer au pays avec des médailles.

Où sont passés les 589 276 dollars versés par le CIO pour le cycle olympique de Rio ?

De retour à N’Djamena, le COST et les différentes fédérations affiliées ont repris leur rythme habituel. Ouvertement critiqué pour le manque de résultat, Idriss Dokony s’est défendu lors d’une conférence de presse en arguant que « le gouvernement n’a levé aucun fond pour faciliter la participation des athlètes aux JO ». Un argument recevable bien que discutable.

Sport News Africa s’est procuré des documents de financement du CIO envers les différents comités olympiques africains. Lors de la première présidence de Dokony, pour le cycle olympique de Rio, le COST avait reçu 589 276 dollars dont 16 548 de bourse pour les athlètes. Dans ces conditions, pourquoi la porte-drapeau de la délégation, Bibiro Ali Taher, a-t-elle dû se payer elle-même son billet ? « Je n’ai jamais rien reçu, pas d’aide, rien », souffle-t-elle.

Plus curieux encore, le COST avait également perçu 82 761 dollars de bourses olympiques pour les coachs ou 85 894 dollars pour les développements des structures. D’autres sommes importantes furent reçus (166 550 dollars pour le développement de l’administration, 49 524 pour les cours destinés au personnel administratif sportif ou 31 026 dollars pour l’éducation, la culture et l’héritage olympique) au plus grand étonnement des entraîneurs ou personnels de l’époque : « Depuis quand on a reçu ça ? »

Plus étonnant, le COST avait pris l’habitude de réclamer des aides étatiques en plus des subventions du CIO. De quoi susciter l’interrogation du cabinet de la présidence quant aux réels montants reçus par Dokony pour le cycle olympique parisien, qui ne seront connus que l’année prochaine…

L’État n’est d’ailleurs pas le seul à se poser des questions puisque World Athletics, la Fédération internationale d’athlétisme, a ouvert un dossier quant à la gestion de la fédération tchadienne, tandis que le CIO a reçu également des plaintes concernant le COST. Une libération de la parole et des dossiers qui suscite un espoir chez Bibiro Ali Taher et les membres du groupe l’Union des droits sportifs tchadiens. « On rêve simplement de pouvoir continuer notre passion sans avoir de problème », dit-elle. « Ce qu’on fait, c’est pour nous, mais surtout pour la génération à venir. »

NB : contacté, le COST n’a pas répondu à nos questions.

Romain MOLINA

Israël Madaye : « On était plus que deux à tirer à l’arc au Tchad ! »

« J’étais loin d’imaginer ça quand j’ai commencé. » Loquace, Israël Madaye se remémore la première fois qu’il tint un arc. « C’était un été, en 2007 ou 2008. J’étais en vacances à N’Djamena et j’ai vu des gens qui tiraient. Ça a attiré ma curiosité et je suis allé voir de plus près. »

Originaire du sud-ouest du pays, dans la localité de Kim, Israël était alors un jeune garçon tutoyant la vingtaine. Aspirant à un meilleur futur, il s’installa dans la capitale en essayant de trouver des « petits boulots » tout en poursuivant des études en électromécanique. « Je faisais ce que je pouvais pour vivre tout en m’entraînant dur au tir à l’arc. Immédiatement, j’ai ressenti quelque chose… Je sentais que c’était fait pour moi. »

Des cibles conçues avec de la paille et du carton

Dans une fédération dépourvue de moyens, l’archer de Kim dédia une partie de son temps à concevoir des cibles avec ses partenaires d’entraînement. « On se débrouille comme on peut », abonde son aîné, Woibogo Wodegue Torso. « Notre cible, jusqu’à aujourd’hui, est à base de paille et de carton. On fait avec ce qu’on trouve. »

Confection de cibles à base de paille et de carton.

Dans les locaux du vétuste lycée Félix Éboue, situé dans le troisième arrondissement de N’Djamena, la troupe d’archers obtint la permission du proviseur pour apposer des cibles et s’exercer. Une bonne nouvelle pourtant éphémère à cause des difficultés économiques, logistiques et professionnelles rencontrées par les pratiquants. « Quelques années après mes débuts, il n’y avait presque plus personne », soupire Israël Madaye. « Réellement, on était plus que deux à continuer avec mon capitaine (Woibogo). Nous n’avons jamais abandonné même lorsque nous n’étions plus que deux. »

Dévoués, Israël et Woibogo continuèrent en convainquant les autorités de financer la participation à un tournoi en 2013 au Niger regroupant les zones de l’Afrique centrale et de l’ouest (TIZOCATA). « On a remporté notre première médaille ici », se souvient Woibogo. « A chaque fois qu’il y avait un tournoi international, nous faisions tout pour gagner afin que nos autorités permettent au tir à l’arc de prendre part aux compétitions. »

Le tir à l’arc, sport numéro 1 des médailles au Tchad

Derrière le duo, une génération d’archers prit une licence auprès de la FETTA, la Fédération tchadienne de tir à l’arc. Filles, garçons, aucune différence : le Tchad avait un talent particulier pour cette discipline d’ordinaire dominée au niveau continental par l’Afrique du Sud, par l’Egypte ou la Namibie. « On n’a jamais rien lâché », estime Israël Madaye. « En compétition, je voyais nos adversaires avoir plus de moyens que nous, du matériel professionnel, etc. Beaucoup n’arrivaient pas à comprendre comment nous parvenions à réussir. »

Au Tchad, les entraînements se font avec les moyens du bord.

Avec l’aide de quelques personnes – l’archer ivoirien René-Philippe Kouassi et son entraîneur ou Pascal Colmaire, l’ancien historique directeur du développement et de la formation de la Fédération internationale de tir à l’arc -, Israël Madaye va enfin recevoir quelques donations et un arc professionnel. « Je dois beaucoup aux gens qui ont cru en moi. Beaucoup. »

En septembre 2016, lors du tournoi international de la TIZOCATA tenu au Stade Idriss Mahamat Ouya de N’Djamena, le Tchad triomphe avec 34 médailles, dont 17 en or, loin devant le second pays, la Côte d’Ivoire (25 médailles, 12 en or). Un enthousiasme inédit entoure alors Israël, Woibogo et leurs partenaires, à commencer par Marlyse Hourtou, qualifiée plus tard aux Jeux Olympiques de Tokyo où elle s’inclina en trente-deuxième de finale avec un arc défectueux durant la compétition (une branche a craqué générant ainsi un problème de viseur, ndlr).

Bénéficiant d’une bourse de la solidarité olympique, l’archère put s’entraîner à Lausanne et crédibilisa davantage la pratique auprès des autorités. « Quel autre sport a ramené autant de médailles continentales et internationales au Tchad ? », questionne Israël Madaye. « J’ai été tellement surpris de voir des gens nous attendre et fêter nos succès au pays. C’était impensable lorsque j’ai commencé. Impensable. »

Préparation à Lausanne

Avec Hourtou, Israël Madaye remporta le bronze en équipe mixte aux Championnats d’Afrique 2019. Trois ans plus tard, flanqué d’autres distinctions continentales, il glana à son tour une bourse de la solidarité olympique pour se préparer à Lausanne au siège de World Archery, la Fédération internationale. « En une année ici, c’est comme si je m’étais entraîné dix ans au Tchad », sourit-il. « Les installations, le matériel… Ça n’a rien à voir. Je m’entraîne quotidiennement, parfois plusieurs fois. J’ai aussi travaillé sur mon corps, ma posture, plein de détails. »

 

Israël Madaye arrive à rapporter des médailles au Tchad malgré de faibles moyens.

Un travail qui accoucha d’une médaille d’or par équipe mixte aux Championnats d’Afrique 2023 avec la jeune Hallas Maria. Un aboutissement symbolique de la progression et régularité du Tchad au meilleur niveau continental. « On est crédible désormais », juge Woibogo qui accompagnera son ami et protégé qui a réussi les minimas pour Paris ce printemps. « Contrairement à Tokyo, j’ai réussi à faire le score suffisant », savoure Israël. « J’ai énormément progressé et même si ce n’est pas toujours facile – le manque de soleil et l’hiver en Suisse, je n’étais absolument pas préparé (rires) -, je savais pourquoi j’étais là. »

A 36 ans, Madaye est conscient d’évoluer à son meilleur niveau et sera l’un des trois représentants tchadiens aux Jeux, ainsi que le seul dans sa discipline ; la talentueuse Hallas Maria n’étant finalement pas du voyage. « C’est une grande responsabilité et un rêve. Je suis impatient, mais je ne me mets pas de pression supplémentaire. Je veux juste vivre le moment. »

Romain MOLINA

CAN 2025-Tour préliminaire : Eswatini et Liberia pour valider, batailles indécises entre Maurice-Tchad et Soudan-Sao-Tomé

L'Eswatini très bien placée face à la Somalie

L’Eswatini accueille, ce mardi 26 mars à 13h GMT, la Somalie. Elle a un boulevard ouvert pour se qualifier. Car elle dispose d’une avance de 3 buts, après sa victoire à l’aller sur terrain somalien. On voit difficilement l’équipe subir une remontada sur ses terres. Le match se joue au Stade Mbombela, en Afrique du Sud.

Le Liberia pour valider à domicile sa participation à la phase de groupes

En effet, il y a de fortes probabilités que le Liberia rejoigne la phase de groupes des qualifications à la CAN 2025. L’équipe a pris une option pour la qualif, dés le match aller, remporté, en terre djiboutienne, sur le score 2-0. L’équipe plus expérimentée, avec un meilleur effectif, est par conséquent largement favorite. Elle recoit au Complexe Sportif Samuel Kanyon Doe, pour le match retour contre Djibouti, à 16h GMT.

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Un Ile-Maurice-Tchad indécis

Au match aller, le Tchad a remporté la victoire par 1-0. Ce qui rend le match retour particulièrement indécis. L'Ile-Maurice sur ses terres, aura le soutien du public et pourrait renverser, ou au moins amener le Tchad aux prolongations. La rencontre est donc attrayante car le suspense demeure entier sur l’issue de la phase retour. Le match se joue au Complexe Sportif National à 15h GMT.

Soudan du Sud-Sao Tomé et Principes, qui va triompher ?

L’autre duel par rapport auquel l’issue finale est loin d’être connue à l’avance, c’est le match retour entre le Soudan du Sud et Sao Tomé-et-Principe. Les deux nations s’étaient quittées dos à dos (1-1) au match aller. Ce qui promet un match retour particulièrement disputé et très indécis. La finalité en vaut la chandelle, faire partie de la phase de groupes des qualifications à la CAN 2025. Le match démarre à 17h GMT au Stade Municipal de Berkane en Algérie.

 

CAN 2025 : les réjouissances débutent ce mercredi avec le tour préliminaire

Du 20 au 26 mars, le tour préliminaire de la CAN 2025 va se dérouler un peu partout sur le continent. Il mettra aux prises les 08 nations les moins bien classées du continent. Quatre affiches en format aller et retour sont prévues. Les vainqueurs de chaque duel rejoindront les 44 autres pays pour disputer les qualifications à la compétition prévue au Maroc.

Tout d’abord, on a aura le duel entre la Somalie et l’Eswatini ce mercredi. Une rencontre aux airs de revanche puisque les Eswatiniens avaient écarté les Somaliens sur la route de la CAN 2023. Le match aura lieu au Maroc. Ensuite, Djibouti fera face au Liberia. Toutefois, les Djiboutiens, tout comme la Somalie, ne pourront compter sur le soutien de leur public. Le match aura lieu au Grand Stade de Marrakech (Maroc) puisque le pays ne dispose pas de stade aux normes de la FIFA.

Un tour préliminaire pour s’imprégner du Maroc

Djibouti ne sera toutefois pas le seul pays à s’exporter au Maroc. Sao Tomé et Principe et le Soudan du Sud, qui s’affrontent les 22 et 26 mars, joueront les deux parties au Royaume Chérifien. Une manière de prendre déjà ses bases en vue de la CAN 2025 ?

Enfin, la dernière affiche de ce tour préliminaire mettra aux prises le Tchad et l’Ile Maurice. Match aller le 22 mars, retour quatre jours plus tard. Les quatre vainqueurs de ces confrontations intégreront la phase de poules menant à la CAN 2025. Celle-ci débute le 02 septembre 2024.

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Programme du tour préliminaire de la CAN 2025 (horaires en GMT)

Matchs aller

20 mars

18H : Somalie-Eswatini

22H : Djibouti-Liberia

22 mars

18H : Tchad-Ile Maurice

19HSao Tomé et Principe-Soudan du Sud

Matchs retour 

26 mars

13H : Eswatini-Somalie

15H : Ile Maurice-Tchad

16H : Liberia-Djibouti

17H : Soudan du Sud-Sao Tomé et Principe

CAN 2025 : Tchad - Ile Maurice et Djibouti - Liberia en affiches

La page de la CAN 2023 tout juste refermée, tous les regards sont déjà tournés vers la 35ème édition qui aura lieu au Maroc. C'est au Caire, au siège de la Confédération africaine de football, que s'est tenue ce 20 février la première étape du chemin qui va mener à la CAN 2025 avec le tirage au sort des affiches du tour préliminaire des éliminatoires. Les huit nations les moins bien classées selon le dernier classement de la FIFA étaient concernées, afin de connaître leur adversaire respectif.

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Classés dans le pot 1, Djibouti, Sao Tomé et Principe, le Tchad et la Somalie attendaient de connaître qui de l'Ile Maurice, du Soudan du Sud, du Liberia ou de l'Eswatini dans le pot 2 allaient croiser leur route. Et à ce petit jeu, le Tchad n'a pas vraiment eu la main chanceuse en héritant de l'Ile Maurice. De quoi présager d'une double confrontation indécise. De son côté, la Somalie sera face à l'Eswatini, alors que Sao Tomé et Principe va défier le Soudan du Sud. La dernière opposition verra Djibouti affronter le Liberia.

Pour ce tour préliminaire des éliminatoires à la CAN 2025, les matches se disputeront sur le format aller-retour pendant la fenêtre FIFA du 18 au 26 mars 2024. Les quatre vainqueurs du tour préliminaire rejoindront les 44 équipes exemptées de ce tour, afin de passer à la phase de groupe des éliminatoires.

Les affiches du tour préliminaire de la CAN 2025

Au Bhoutan, le Tchadien Armand Beadum a explosé les compteurs

La veille de son retour au Tchad le 10 décembre, via Katmandou, Dubaï, Riyadh et Addis-Abeba, pour un périple de près de 30 heures, Armand Beadum (27 ans) a reçu les différents trophées pour le récompenser de son titre de meilleur buteur du championnat du Bhoutan 2023. Le quadruplé qu’il avait réalisé offert le 4 décembre face à Ugyen Academy (6-3) lui a permis de reprendre trois longueurs d’avance sur le Japonais Kazuo Homma (Paro), auteur d’un quintuplé face à BFF Academy U19 (10-0). Et son rival nippon n’a pas pu combler son retard lors de la dernière journée, puisque son équipe s’est inclinée face à Transport United (1-2).

Depuis qu’il est arrivé au Bhoutan, ce petit pays d’Asie de la chaîne de l’Himalaya, peuplé d’un peu moins de 800 000 habitants, l’ancien joueur de Gazelle et d’Elect Sport y a beaucoup fait parler de lui. « Je ne savais rien du Bhoutan et de son championnat. Pourtant, j’évoluais au Népal, un pays très proche, depuis plus de trois ans. J’avais évolué à Chyasal Youth, Lumbini et APF Club. La dernière saison au Népal n’avait duré que quatre mois, contre sept normalement. Il fallait que je retrouve un club rapidement, et Thimphu City FC m’a proposé de venir faire la saison 2023. On a discuté du contrat avec le président. J’allais gagner un peu moins au Bhoutan, mais l’essentiel était de poursuivre ma carrière au niveau professionnel. »

Cette volonté de vivre de sa passion l’avait obligé à quitter en 2019 le Tchad, où le football n’est que trop rarement rémunérateur. Le championnat n’y est pas vraiment professionnel, et les joueurs assez payés pour ne pas être obligés d’avoir une autre activité sont rares. « Je faisais des études supérieures, et je ne gagnais qu’une centaine d’euros par mois en jouant au football. Je devais donc partir et j’ai eu la possibilité d’aller faire un essai au Népal. Chyasal Youth m’a rapidement proposé un contrat et j’ai évidemment accepté  » Dans ce pays qu’écument quelques joueurs africains et qui oblige Armand Beadum à perfectionner son anglais pour pouvoir communiquer, l’adaptation se révèle plus aisée que prévu.

 

Jouer dans un championnat plus relevé et être appelé en sélection

 

L’attaquant tchadien se familiarise assez rapidement avec son nouvel environnement et entretient ses statistiques partout où il passe. « Au Bhoutan, ce qui m’a le plus gêné au début, c’est l’altitude, car Thimphu, la capitale, est située à près de 2400 mètres. Pour respirer, ce n’est pas simple. Mais le pays est très beau, il est calme et sûr et les gens sont accueillant, très zen.  On y pratique un football plus technique que physique, plutôt offensif. Comme au Bhoutan, où il y a une volonté de faire progresser le football, malgré les moyens qui sont limités. Le niveau du football au Bhoutan est à peu près le même qu’au Népal. J’ai marqué beaucoup de buts cette saison, le président de mon club souhaite que je reste. » Mais Armand Beadum réserve pour l’instant sa réponse. Le champion 2023, Paro, assuré de disputer la Coupe de la Confédération Asiatique de Football, s’intéresserait à lui. « J’espère que mes statistiques auront également attiré l’attention ailleurs », explique le buteur, lequel ne cache pas son intention d’évoluer en 2024 dans une ligue plus relevée.

A bientôt 28 ans (il les aura le 23 janvier prochain), il espère également être appelé pour la première en sélection nationale. « J’avais été présélectionné il y a quelques années. Il était question que je sois appelé pour les matches qualificatifs du mois de novembre dernier contre le Mali à Bamako (1-3) et Madagascar au Maroc (0-3). Mais je n’ai pas été sélectionné. Me faire venir au Maroc aurait coûté trop cher, si j’ai bien compris. J’espère qu’on fera appel à moi prochainement. » A condition que la fédération tchadienne ne soit pas une nouvelle suspendue par la FIFA, comme le laisse supposer la nouvelle crise qui frappe un football décidément bien malade…

 

Alexis Billebault

Football : le Tchad replonge dans la crise, la FIFA menace

Le 30 novembre 2023 devait marquer un nouveau départ pour le football tchadien. Après une suspension de la FIFA, impliquant l'exclusion de toutes les sélections nationales et des clubs des compétitions continentales et mondiales, puis la mise en place d'un Comité de normalisation, la Fédération tchadienne de football devait connaître son nouveau président. Deux candidats étaient en lice, Tahir Hassan et Ibrahim Foullah. Sauf qu'au final, le Comité de normalisation a invalidé la candidature de Hassan, faisant de Foullah le seul candidat pour le poste.

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Dans un courrier adressé à Tahir Hassan, le Comité de normalisation l'accuse notamment de falsification de documents dans son dossier de candidature. De quoi le disqualifier d'office. Pour l'intéressé, il s'agit là d'une preuve de plus que des membres de l'instance, à commencer par la présidente Jacqueline Moudeïna, souhaitent le mettre hors course afin de faciliter l'élection de leur candidat. Signe des tensions et divisions en interne, Nair Abakar, le vice-président du Comité de normalisation, a lui refusé de signer le procès-verbal signifiant à Tahir Hassan l'invalidation de sa candidature.

La FIFA fait pression pour l'élection

Face à cette situation, le candidat déchu a saisi le Tribunal de Grande instance de N’Djamena. Après examen de la requête en urgence, la juridiction a prononcé la suspension des élections le temps de pouvoir statuer sud le fond. Décision contestée par Ibrahim Foullah, qui estime que toutes les conditions pour le bon déroulement du scrutin étaient réunies et que l'éviction de son rival pour falsification de documents était justifiée. «Tout cela, c’est la faute de gens étrangers au football. Ils ont falsifié des documents alors qu’on est dans un petit milieu. On se connaît tous», a-t-il confié dans un entretien à RFI.

Le processus électoral dans l'impasse, la FIFA a diligenté sur place une délégation afin de désamorcer la situation et pousser pour que le scrutin puisse se tenir malgré la candidature unique. Un argument de plus pour Tahir Hassan pour dire qu'Ibrahim Foullah est le candidat souhaité par la FIFA et que l'instance mondiale du ballon rond fait pression pour son élection. Et ce, alors que ce dernier est lui-même en liberté conditionnelle, dans l'attente de son procès pour corruption et détournement de deniers publics.

Le Tchad prêt à risquer une nouvelle suspension

Si tout a été fait pour que l'élection puisse se tenir à la date prévue, le Tribunal de Grande Instance de N’Djamena a dépêché les forces de l'ordre sur place afin de suspendre le processus. Des hommes en tenues ont pris possession des urnes pour que le vote ne puisse pas se tenir. «Les autorités ne veulent pas se faire dicter des ordres», précise une source fédérale à Sport News Africa. «Ils sont prêts à risquer une nouvelle suspension plutôt que de céder à une quelconque pression

Face à l'inflexibilité des autorités tchadiennes, la FIFA obtenu que sa délégation sur place, dirigée par Gelson Fernandes, directeur régional de la division des associations membres pour l'Afrique, soit reçue en audience par le Premier ministre, chef du Gouvernement d'Union Nationale, Saleh Kebzabo. Mais à la sortie de cette réunion, la position du Tchad n'a pas évolué, faisant risquer une nouvelle suspension au pays. Une décision sera prochainement prise par a FIFA, alors que dans le même temps, Tahir Hassan a lui décidé de porter l'affaire devant le Tribunal arbitral du sport. Signe que ce nouveau feuilleton n'est peut-être pas prêt de connaître son épilogue.

Tchad : Elec Sport - AS PSI, duel final pour le titre de champion

A qui le titre de champion du Tchad ? Elec Sport face à AS PSI, c'est le duel final de l'édition 2023 du championnat national du Tchad qui a été relancé cette saison. Ce dimanche au Stade de Diguel, les deux formations vont se retrouver pour clore en apothéose une compétition remise au goût du jour sous l'impulsion de la Fédération tchadienne de football, en collaboration avec le ministère des Sports. Cette édition aura vu des équipes issues des 23 provinces du pays prendre part à un tournoi remis au goût du jour sous l'impulsion de Naïr Abakar, vice-président du comité de normalisation de la Fédération tchadienne de football et conseiller à la Jeunesse de l'Union Africaine.

« C’est depuis 1974 que le football tchadien a perdu sa forme initiale. C’est ainsi qu’en juillet 2022, le comité de normalisation a émis au nom de la famille du football, le désir de relancer ses compétitions nationales avec d'abord le championnat mais aussi la Coupe du Tchad. Aujourd’hui, on peut le dire, notre rêve est devenu, une réalité. » Avec pour dernier round cette affiche pour déterminer qui sera champion du Tchad cette année. Un bouquet final qui sera suivie par des invités de choix. Anciens internationaux nigérian et Sénégalais, mais aussi légendes CAF, Augustine Jay-Jay Okocha mais aussi Khalilou Fadiga seront présents pour l'occasion parmi les invités. Deux invités qui ont été précédé de plusieurs autres noms bien connus des amateurs de football africain, comme Samuel Eto'o.

Comme un air de revanche

L'occasion de mettre un coup de projecteur sur cette finale et le football tchadien dans son ensemble en faisant venir personnalités du ballon rond. « Il est important pour nous de rehausser notre football, rehausser son image et montrer aux yeux de l’Afrique, aux yeux du monde qu’au Tchad aussi, on a de bons joueurs, au Tchad aussi, on a de très belles équipes et c’est pourquoi, faire assister de grandes gloires du football africain au Tchad prouve une marque de témoignage que le football tchadien est en train de changer et en train d’évoluer », souligne Naïr Abakar, qui a également fondé « L’école des champions » un programme pour dénicher les talents de demain, et apporter son appui à la formation des footballeurs en herbe dans le pays.

Sur le terrain, le spectacle promet d'être au rendez-vous avec cette finale du championnat du Tchad aux allures de retrouvailles. Les deux équipes ont déjà croisé le fer le 14 juillet et l'AS PSI l'avait très nettement emporté sur le score sans appel de 5-0. Autant dire que du côté d'Elec Sport, c'est un groupe revanchard qui va se présenter pour laver l'affront et tenter de soulever le trophée.

Tchad : la FIFA prolonge à nouveau le comité de normalisation

Comme en Guinée, la FIFA a décidé de prolonger les membres formant le comité de normalisation au Tchad. Initialement nommé pour une période de 11 mois, le CONOR est désormais sur la base d’un mandat de presque deux ans pour un bilan posant question. Dirigée par Jacqueline Moudeina, le comité tchadien a longtemps été victime de batailles d’égo pour savoir qui détenait réellement le pouvoir. Comme dans d’autres CONOR à travers le monde – Haïti notamment -, aucun travail significatif n’a été entrepris durant la première année. Pis encore, les nouveaux dirigeants semblaient plus prompts à demander à la FIFA le payement de leurs salaires qu’à réellement se mettre à la tâche.

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Du retard dans les missions données par la FIFA

Sans réelle solution, la FIFA a toutefois donné une nouvelle chance au CONOR qui se vante de quelques réussites, comme la renaissance de la Coupe du Tchad ou la reprise des équipes nationales. De bien maigres accomplissements – en quoi est-ce une réussite particulière ? - cachant les retards pris sur les nouveaux statuts et le travail de fond pour assurer des nouvelles élections libres et transparentes, les deux missions de base fixées par la FIFA.

Pollué par d’innombrables interférences politiques au fil des années, le football tchadien vit toujours au ralenti, CONOR ou pas. De quoi s’inquiéter pour l’avenir, surtout lorsque les dirigeants ont une fâcheuse tendance à mettre sous le tapis les affaires potentiellement embarrassantes (abus, détournement, etc.).

Romain MOLINA