
À 23 ans, Saly Sarr ne cesse de bousculer les codes du monde du sport. Un monde où les athlètes les mieux préparés sont presque tout le temps les mieux classés lors des joutes internationales. La championne d’Afrique 2024 est loin de bénéficier d’autant d’égards de la part des instances sportives de son pays. Ni dans sa préparation, encore moins dans l’accompagnement quotidien pour un athlète de haut niveau. Pas de quoi l’empêcher de franchir les obstacles dans une discipline nécessitant une préparation calibrée sur une année entière.
« Aujourd’hui ses concurrentes la regardent différemment »
Cet été dans la capitale japonaise, Saly s’est lancé un défi : battre son record personnel. Elle fait mieux que ça en mettant une claque à ce qui était jusqu’ici sa marque de référence, 14m41 établie en juillet 2025. La protégée de l’ancien sauteur en hauteur sénégalais Manirou Dembélé plante un nouveau record personnel à 14m55 dans une finale mondiale.
Preuve s’il en fallait encore qu’elle ignore le stress. Elle échoue à 1 petit cm de la vice-championne olympique en titre, Shanieka Ricketts, 5ème (14m56) et à 21 cm de la légende et recordwoman du triple saut, la Vénézuélienne Yulimar Rojas. Avec son saut à 14m76, la championne olympique en 2021 réalise pourtant sa meilleure performance de l’année 2025.
Saly Sarr a forcé le passage au prix de nombreuses d’heures de sacrifices pour grignoter doucement mais sûrement sur ce qui se fait de mieux en triple saut chez les dames. Cet exploit en terre nippone lui ouvre de nouvelles perspectives. « Cette 6ème place aux derniers championnats du monde de Tokyo change énormément de choses dans sa jeune carrière, soutient son manager. Aujourd’hui ses concurrentes la regardent différemment. Désormais elle est attendue à chaque sortie qu’elle fera », a confié son Manirou Dembélé.
"À notre niveau, ça nous facilite les choses, on peut la placer dans les gros meetings, on peut négocier plus de choses pour elle et quelques sponsors tournent autour de Saly."

Mais il n’y pas que cela qui a changé pour Saly. « Au niveau management, ça nous facilite pas mal de choses avec les plus gros meetings, de Diamond League, de meetings de série A, qui aiment bien avoir des athlètes du Top mondial. Saly fait désormais partie de ce cercle d’athlètes de renommée internationale. À notre niveau, ça nous facilite les choses, on peut la placer dans les gros meetings, on peut négocier plus de choses pour elle et quelques sponsors tournent autour de Saly. Dans pas longtemps on va signer un accord avec un équipementier, les négociations avancent bien. Tout cela l’aide bien, ça aide aussi le staff parce que c’est très difficile financièrement. Ça nous permettra au moins de gérer une petite partie de sa préparation pour les championnats qui arrivent », a révélé le quintuple champion du Sénégal de saut en hauteur.
Handicapée par la léthargie des dirigeants sénégalais
Malgré cette nouvelle dimension, Saly Sarr et son équipe sont toujours confrontées à l’immuable immobilisme des autorités sportives. « Ceux qui gouvernent le sport chez nous, Ministère des sports et comité olympique ont dû mal à se coordonner afin de permettre à l’athlète d’aller plus loin. Ça a toujours été comme ça. Je suis dans le milieu de l’athlétisme, j’ai été athlète. J’ai vu pas mal d’athlètes passer, des athlètes vraiment talentueux, peut-être plus talentueux que Saly. Au final ça n’a rien donné parce qu’il manquait ce petit truc », dénonce Dembélé. Qui ajoute avec un brin d’ironie : « La Fédération d’athlétisme, le CNOSS et le ministère des Sports doivent travailler ensemble autour du projet Saly Sarr. Pour l’instant ce n’est pas fait. Je crains que cela ne se fasse comme d’habitude un mois avant les JO de Los Angeles 2028. »
Pour lui, il ne faut pas réinventer la roue, que les trois entités doivent accompagner le plan de carrière de leur athlète d’élite pour lui permettre d’avoir toutes ses chances en 2028. « Ce n’est pas compliqué, l’athlète a un projet avec un plan d’entraînement pour toute l’année, avec son entraîneur, son kiné, son ostéopathe. En plus de trois stages annuels pour l’hiver, le printemps et le stage d’été pour préparer les grands championnats. C’est l’athlète et son entraîneur qui décident suivant les conditions climatiques, des conditions d’entraînement et des pistes à disposition », explique-t-il.
Il prévient que c’est l’unique manière de trouver un successeur à Elhadj Amadou Dia Ba, jusqu’ici seul médaillé de l’histoire du Sénégal aux JO. « Si on veut décrocher une nouvelle médaille olympique pour le Sénégal, que ce soit Saly ou les autres, il faut que les dirigeants se mettent autour d’une table et décident qui fait quoi. Aujourd’hui nous sommes livrés à nous-mêmes. C’est à moi son agent de trouver un entraîneur à Saly, de lui trouver un lieu de stage, de négocier et lui trouver des Meetings. Manager une athlète de sa dimension nécessite énormément de temps et d’accompagnement. Manager un athlète un athlète n’est pas la même chose que manager un footballeur ou un basketteur. On est derrière l’athlète 24 heures sur 24 sur les besoins administratifs, logistiques et organisationnels. Si l’on veut réussir, il faut que tous ces acteurs s’accordent sur les rôles. On a la partie financière, la Fédération a le planning et le programme de Saly. Nous, son staff, avons en charge la coordination de ce programme. C’est simple mais c’est que l’on a du mal à faire au Sénégal. »
Avoir dans ses rangs une 6ème mondiale en athlétisme devrait être accompagné par une vision et une synergie d’actions visant à mettre l’athlète élite dans les meilleures conditions de performance. L’inertie des autorités sportives sénégalaises a par le passé conduit le hurdler Mamadou Kassé Hann a changé de nationalité sportive au profit de la France. Le Sénégal risque-t-il de revivre un tel scénario catastrophe avec Saly Sarr ?
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À propos de l'auteur
Philemon MBALE
Rédacteur sportif
Passionné de sport depuis toujours, partage avec vous les dernières actualités et analyses du monde sportif.
