
Une crise d’autorité secoue le football camerounais et embarrasse des instances internationales. En suspendant lourdement Geremi Njitap, ancien vice-capitaine des Lions Indomptables et actuel président de FIFPro Afrique, la Fécafoot, dirigée par Samuel Eto’o, a choisi de passer outre une injonction formelle de la Confédération africaine de football (CAF). Une posture rare, qui fait craindre une rupture institutionnelle entre Yaoundé et le siège de la CAF au Caire.
Un bras de fer qui remonte à la CAN 2023
Le point de départ de ce feuilleton remonte au 23 janvier 2024, à Bouaké, en Côte d’Ivoire, à l’issue du match entre le Cameroun et la Gambie en phase de groupes de la CAN 2023. Ce jour-là, selon la Fécafoot, Geremi Njitap aurait accédé aux vestiaires de l’équipe camerounaise sans accréditation officielle. Pour l’instance, cet acte constitue une "violation grave" du protocole de sécurité, justifiant l’ouverture d’une procédure disciplinaire. Un acte jugé "grave" par la fédération, qui a donné lieu à l’ouverture d’une procédure disciplinaire en février 2024, via sa Commission d’éthique.
Mais rapidement, la CAF s’est saisie de l’affaire. Dans une lettre officielle datée du 6 mai 2024, Véron Mosengo-Omba, son secrétaire Général, a rappelé que la présumée infraction s’est produite lors d’une compétition CAF. Ce qui en fait une compétence exclusive de l’instance continentale. Dans sa correspondance, il enjoint la Fécafoot de mettre fin à la procédure ouverte à l’encontre de l’ancien joueur de Chelsea, et à transmettre tous les éléments du dossier.
La Fécafoot fait la sourde oreille
Au lieu de se conformer à cette demande, la Fécafoot a choisi l’épreuve de force. Dans une réponse signée par son ancien secrétaire Général Blaise Djounang, elle affirme que l’affaire est sur la table de la Chambre d’instruction de la Commission d’éthique, un organe présenté comme « indépendant », et dont les travaux ne peuvent être suspendus sans entorse aux statuts fédéraux.
Quelques mois plus tard, le 17 juin 2025, le couperet tombe : Geremi Njitap est suspendu pour cinq ans de toute activité liée au football, assortie d’une amende de 10 millions de francs CFA. Motif : « violation des règles de conduite générale du code d'éthique de la Fédération ». Une sanction d’une sévérité extrême, que ni l’intéressé ni la CAF n’ont officiellement commentée à ce stade. Mais dans le microcosme du football africain, la décision fait l’effet d’une provocation.
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Une rivalité latente entre Eto’o et Njitap
En filigrane de cette affaire, une ligne de fracture ancienne : celle entre Samuel Eto’o, président de la Fécafoot, et Geremi Njitap, président du Syndicat national des footballeurs du Cameroun (Synafoc). Les deux anciens internationaux, ex-coéquipiers en sélection, se sont éloignés au fil des années, jusqu’à devenir rivaux politiques internes au sein du football camerounais.
Njitap, perçu par le clan Eto’o comme un potentiel adversaire sérieux pour la présidence de la Fécafoot, n’a jamais caché ses critiques vis-à-vis de la gestion actuelle du football au pays de Roger Milla. Son aura internationale, lui donne un poids réel sur la scène africaine. La Fédération internationale des associations des footballeurs professionnels (FIFPro) et son homologue française (UNFP) ont d’ailleurs condamné publiquement sa suspension, dénonçant une sanction politique.
La CAF désavouée
La posture de la Fécafoot constitue un précédent préoccupant. Peut-elle se soustraire aux injonctions de la CAF sur des faits relevant de sa seule juridiction ? En matière disciplinaire, le règlement de la CAF est sans ambiguïté : elle reste seule compétente pour juger les incidents survenus pendant ses compétitions. La CAF a donc rappelé son droit, et la Fécafoot a choisi de l’ignorer.
Cette désobéissance ouverte pourrait avoir des conséquences bien plus larges. Des voix s’élèvent déjà au sein de l’instance continentale pour dénoncer une forme de « sécession juridique » de la Fécafoot. Une source à la CAF confie, sous anonymat : « Si chaque fédération commence à interpréter la loi à sa guise, alors c’est l’autorité même de la CAF qui est en péril ».
La Fécafoot, épicentre d’un malaise institutionnel
Cette nouvelle polémique intervient dans un contexte déjà tendu pour la Fécafoot, secouée ces derniers mois par des démissions, des conflits internes persistants, des accusations de détournement de fonds et de corruption. Elle s’ajoute à une série de signaux préoccupants sur la gouvernance du football camerounais, à l’image du retrait de plusieurs clubs du championnat local ou de la crise des arbitres des réclament des années d’indemnités impayées. Pour certains observateurs, la désormais « affaire Njitap » ne tourne plus seulement d’un différend disciplinaire, mais d’un test de souveraineté entre une fédération nationale et sa confédération. Et dans ce duel, c’est le Cameroun – et son football – qui pourrait en payer le prix fort.
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