
Agent libre mais intouchable en sélection
Lorsque la composition des Lions Indomptables contre l'Eswatini est sortie, un débat sans modérateur a ouvert sur les réseaux sociaux au Cameroun. La titularisation de Vincent Aboubakar a tout de suite suscité une vague d’indignations et de controverse au sein de l’opinion nationale. Celle-ci a pris tout un tournant à la fin de la rencontre avec 90 minutes jouées pour l’ancien attaquant d’Hatayspor, là où Frank Magri (2 buts en 3 matchs de Ligue 1 cette saison) n’a eu que 8 minutes, remplaçant à la 82e minute, Bryan Mbeumo, très en jambe et élu « Joueur du mois d’août » à Manchester United.
Une gestion surprenante qui ouvre la porte à des interrogations : « On a eu plusieurs interrogations de savoir qu'un joueur comme Bryan Mbeumo qui a eu une très bonne préparation physique avec Manchester United avec un très bon début de saison - d'ailleurs il a été élu Joueur du mois - se voir remplacé mais Aboubakar finit la rencontre », s’étonne le journaliste camerounais Yves Moussi. Même s’il essaie de comprendre la logique du sélectionneur : « Marc Brys a essayé de donner plus de confiance à son capitaine qui n'a pas joué depuis fort longtemps. C'était une rencontre assez facile pour l'équipe du Cameroun bien que certains auraient voulu voir ce dernier laisser la place », analyse celui qui officie à RBR Radio.
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Moussi a tenté de trouver des circonstances atténuantes à Aboubakar, mais il avoue que le manque de rythme de ce dernier était flagrant : « Quand-même, j'ai trouvé lors de ce match Aboubakar qui a fait plus d'efforts que lors de ses rencontres précédentes. Il a pesé sur les défenseurs de l'Eswatini qui jouaient à 3 derrière avec deux qui marchaient avec Aboubakar quel que soit l'endroit du terrain…Mais le Cameroun a des difficultés à retrouver son attaquant, jouer avec lui sur ses forces ou dans son jeu sans ballon », a-t-il poursuivi.
« On ne peut pas jouer jusqu’à 50 ans »
Si le statut de Vincent Aboubakar est aujourd’hui discutable aux yeux d’une bonne partie des supporters camerounais, c’est parce que le poids de l’âge commence à peser sur l’ancien buteur de Coton Sport de Garoua qui, non seulement n’a plus ses jambes d’il y a quelques années, mais également a vu sa cote chuter drastiquement au point d’être sans club depuis cinq mois. A 33 ans, beaucoup estiment qu’il est temps pour lui de raccrocher et de laisser la place à la jeune génération, le Cameroun ayant toujours eu de très grands attaquants dans son histoire.
Une situation aux allures de « karma » selon certains qui ont remis à la surface les propos d’Aboubakar, dans Téléfoot sur TF1 le 2 février 2014, lorsqu’il invitait indirectement Samuel Eto’o, alors âgé de 33 ans et qui visait la Coupe du monde au Brésil à prendre sa retraite internationale. « Aujourd’hui c'est lui le leader. Moi je le considère comme tous les autres joueurs dans l'équipe nationale, (mais) on ne peut pas jouer jusqu'à 50 ans », avait alors déclaré Vincent Aboubakar, en feu à l’époque à Lorient. Mais Eto’o a bel et bien participé à ce Mondial.
Onze ans après, Aboubakar se trouve dans la même situation, au même âge avec la CAN 2025 et la Coupe du monde 2026 en ligne de mire, et beaucoup estiment qu’il doit s’appliquer son ironie envers Samuel Eto’o en 2014, en sortant par la grande porte. Une hypothèse qui n'est visiblement pas encore inscrite dans l'agenda d'Aboubakar. D'aucuns soupçonnent même qu’il a une autre ambition personnelle dans le coin de la tête et qu’il veut absolument l’atteindre avant de quitter l’équipe nationale.
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Le record de buts de Samuel Eto’o avant de boucler ?
Dans le microcosme footballistique camerounais fracturé en deux camps, avec une partie pour la Fécafoot de Samuel Eto’o et une autre pour le ministère des Sports de Narcisse Mouelle Kombi, soutien indéfectible de Marc Brys, beaucoup voient une manœuvre de ces derniers visant à aider Vincent Aboubakar à battre le record de Samuel Eto’o, meilleur buteur de l’histoire du Cameroun avec 56 réalisations. Aboubakar est actuellement à 45 réalisations et dont a besoin de douze buts pour battre son aîné.
« Certains trouves ses 90 minutes (contre Eswatini) exagérées parce qu'ils pensent qu'il veut absolument battre le record de Samuel Eto'o et c'est pour cette raison-là qu'on continue à insister avec lui », soutient Yves Moussi. Avant de poursuivre sur la profonde fragmentation de la famille du football camerounais : « Au Cameroun actuellement, il y a deux fronts, un qui supporte véritablement et absolument Samuel Eto'o et un autre qui supporte le ministère des Sports en l'occurrence (Narcisse) Mouelle Kombi et Aboubakar fait partie du deuxième front donc il est contesté pour beaucoup ».
Pour lui, le temps de jeu de Vincent Aboubakar contre le Cap-Vert mardi (16h GMT) dépendra encore du ressenti de Marc Brys : « On va voir face au Cap-Vert s'il pourra encore tenir, mais je pense que s'il présente des signes de fatigue, l'entraîneur devrait le sortir le plus vite. Contre l'Eswatini, je n'ai pas senti un joueur fatigué. Il n'a pas créé beaucoup d'occasions mais il a quand-même délivré une passe de la tête…Aboubakar actuellement est le meilleur buteur de la campagne éliminatoire du Cameroun avec 4 buts. Depuis que Marc Brys est arrivé, c'est 13 matchs sans défaite avec Vincent Aboubakar comme titulaire et l'entraîneur ne compte pas de sitôt changer ses cartes », relativise Yves Moussi.
Cependant, il reconnait le vivier offensif du Cameroun qui peut valablement prendre la suite d’Aboubakar : « Il y a des jeunes qui montent en puissance comme (Christian) Kofane (Leverkusen, ndlr) qui n'a pas été convoqué ou encore Etta Eyong (Villarreal) qui également n'a pas été convoqué, mais on a le retour en grâce de Choupo-Moting qui fait une très belle saison aux Etats-Unis d'Amérique, d'autres jeunes comme Magri et Namaso qui sont là également à attendre leurs chances. Mais en équipe nationale du Cameroun, il y a cette particularité-là qui fait que vous n'aurez pas une place de titulaire sur un tapis d'or, il va falloir l'arracher. Ces derniers doivent donc s'illustrer lorsqu'ils ont quelques minutes ».
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