
Au Cameroun, le ministre des Sports Narcisse Mouelle Kombi s’emploie depuis plusieurs mois à interrompre le processus électoral à la Fédération Camerounaise de Football (Fécafoot), où l’ancien joueur du FC Barcelone, Samuel Eto’o, brigue un second mandat. A dix jours du scrutin fixé au 29 novembre, l’affrontement entre la tutelle et l’instance fédérale a atteint un niveau inédit, au point de faire planer la menace d’une suspension du Cameroun par la FIFA.
Un pouvoir exécutif sous pression gouvernementale
Le 14 novembre 2025, Narcisse Mouelle Kombi a officiellement refusé de désigner des représentants de son ministère pour superviser l’Assemblée générale élective prévue à Mbankomo, une banlieue située à 30 Km de la capitale. Dans sa correspondance, il accuse Samuel Eto’o d’avoir poursuivi un processus électoral « en contradiction flagrante » avec les directives du 21 août, qui déjà invitaient la Fécafoot à sursoir au processus.
Le temps d’assainir les procédures, régler les contentieux et garantir un scrutin équitable. Le ministre listait alors une série de dysfonctionnements : exclusions de potentiels candidats, remplacement de bureaux régionaux élus par des comités provisoires, absence de compétitions dans certains départements et, surtout, réécriture répétée des textes organiques de la fédération pour renforcer la position du président sortant.
Pour le membre du gouvernement, la dernière réforme du 16 novembre 2024, qui porte de deux à trois le nombre de mandats et assouplit les critères d’éligibilité, n’a pas reçu l’aval administratif. En conséquence, seuls les statuts de 2021 demeurent légalement en vigueur. Or, ceux-ci excluent de fait toute personne déjà condamnée par une juridiction d’accéder aux organes de direction de la fédération, une disposition qui remet en cause la candidature d’Eto’o, condamné en 2022 en Espagne pour fraude fiscale.
Une bataille institutionnelle hors des coulisses
Le désaccord n’est plus un simple échange de correspondances : il est devenu une confrontation ouverte. Face au maintien du calendrier électoral, malgré les injonctions officielles, le ministre des Sports a saisi son collègue de l’Intérieur pour demander l’interdiction pure et simple de toutes les assemblées électives de la Fécafoot sur le territoire, y compris celle du 29 novembre.
Cette intervention vise à éviter des « troubles à l’ordre public », une préoccupation explicitement formulée dès le mois d’août dans un climat politique déjà sensible, à l’approche de l’élection présidentielle d’octobre 2025. « Cette mesure conservatoire permettra d’envisager sereinement, avec tous les acteurs concernés, la possibilité de l’organisation à terme d’un processus électoral concerté, inclusif, apaisé et transparent », a écrit le ministre Narcisse Mouelle Kombi.
Selon des indiscrétions, le ministre de l’Intérieur aurait choisi l’alignement institutionnel. Paul Atanga Nji serait favorable à la mise en place de « mesures conservatoires fermes » pour empêcher les réunions et installations d’organes électifs de la Fécafoot. Sport News Africa n’a pour l’heure pas pu confirmer cette version. Mais si elle se confirme, cette décision donnerait une force exécutoire immédiate à la position du ministère des Sports et constituerait un message direct : désormais, la machine d’État s’oppose frontalement à l’entêtement d’Eto’o.
Un risque réel de choc frontal avec la FIFA
L’exécutif fédéral, pour sa part, avance sans ralentir. Les scrutins dans les Ligues régionales ont été organisés, aboutissant notamment à l’élection d’Étienne et David Eto’o, frères du président sortant, appelés à siéger comme délégués le 29 novembre prochain. Dans son argumentation, la Fécafoot affirme que ses opérations se déroulent sous le regard de la CAF et de la FIFA, dont des représentants sont annoncés à Yaoundé pour le scrutin présidentiel, preuve selon elle de la régularité du processus.
Mais l’arithmétique institutionnelle est désormais implacable : si l’administration interdit la réunion de Mbankomo, la tenue du scrutin relèvera d’un bras de fer entre deux systèmes juridiques : celui de l’État camerounais, et celui des instances internationales du football. À ce stade, aucune sortie de crise n’a été esquissée et chaque camp agit comme s’il était seul dépositaire de la légalité.
Or, la FIFA a toujours sanctionné les ingérences gouvernementales dans la gestion des fédérations nationales. Si l’interdiction étatique de l’Assemblée générale venait à bloquer le processus électoral, le Cameroun s’exposerait à une suspension : exclusion des compétitions, gel des programmes d’appui, mise sous administration provisoire, perte de reconnaissance internationale. Une telle décision serait un séisme pour le football camerounais et particulièrement les Lions Indomptables, qualifiés pour la CAN 2025 qui débute en décembre au Maroc.
En face, le gouvernement explique son intervention par la nécessité de restaurer l’ordre institutionnel et de garantir un processus « inclusif, apaisé et transparent ». Les tensions internes, les accusations d’exclusion et la multiplication des réclamations juridiques seraient, selon les autorités, sources de risque social réel. L’enjeu dépasse donc l’élection : c’est la crédibilité du système fédéral qui est mise en cause.
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À propos de l'auteur
Arthur WANDJI
Rédacteur sportif
Correspondant SNA au Cameroun et Gabon. Spécialiste des Lions Indomptables.
