À 92 ans et après 43 ans passés au pouvoir, Paul Biya joue peut-être son dernier match politique. Mais sur le terrain de la campagne électorale, le chef de l’État a choisi de s’entourer d’anciennes stars du ballon rond pour tenter de dribbler un désamour populaire de plus en plus grand.
Dans les équipes du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), on retrouve des noms familiers : Samuel Eto’o, Joseph-Antoine Bell, François Omam-Biyik ou encore Bill Tchato. Des figures respectées du sport camerounais, désormais alignées pour défendre un président nonagénaire en quête d’un huitième mandat.
Des soutiens décriés
À Ngambé, Samuel Eto’o, président de la Fédération camerounaise de football, a rejoint l’équipe de campagne du RDPC. Fidèle au poste, il ne cache pas son soutien au chef de l’État, qu’il avait déjà soutenu en 2018. Ces dernières semaines, l’ancien attaquant du FC Barcelone a multiplié les signes d’allégeance, notamment en lançant le tournoi Paul Biya, présenté comme une initiative pour promouvoir « la jeunesse et la paix ».
Mais cette posture politique suscite un tollé. Sur les réseaux sociaux, beaucoup dénoncent un double discours. « Eto’o s’était opposé à Issa Hayatou à la CAF en 2017, le traitant de vieux parce qu’il fallait le remplacer. Mais aujourd’hui, il s’aligne derrière un président de 92 ans. Quelle incohérence ! », ironise un supporter des Lions Indomptables.
En 2017, lors de l’élection à la CAF, Samuel Eto’o avait en effet soutenu le Malgache Ahmad Ahmad contre le Camerounais Issa Hayatou, alors âgé de 71 ans, arguant qu’il fallait du sang neuf pour diriger le football africain. Huit ans plus tard, le même homme défend un président dont l’âge cristallise les critiques.
Bell et les anciens Lions en renfort
À ses côtés, Joseph-Antoine Bell, ancien gardien des Lions Indomptables et consultant respecté, a lui aussi rejoint la campagne. Avec Bill Tchato et François Omam-Biyik, il a signé un communiqué de l’Association des anciens Lions Indomptables du Cameroun (Alifoot) appelant à voter pour Paul Biya.
Dans leur texte, ces légendes affirment : « Fidèle à l’esprit de combattivité et de patriotisme des Lions Indomptables, l’Alifoot exprime sa gratitude au chef de l’État pour son engagement constant en faveur du sport et du football, et se tient résolument à ses côtés pour la réussite de cette campagne ».
Un message qui sonne comme un ralliement symbolique, mais qui passe mal auprès d’une partie de la population. Pour de nombreux Camerounais, ces soutiens d’anciens footballeurs, figures populaires et respectées, donnent l’image d’un « football instrumentalisé par le pouvoir politique ».
Entre loyauté et opportunisme
Dans un contexte social et économique tendu, où le chômage et la vie chère minent le quotidien, cette campagne des “anciens Lions” pour le président en place apparaît pour beaucoup comme une manœuvre de communication. « Ces footballeurs sont des icônes nationales, mais les voir défendre un président de 92 ans pendant que le pays souffre, c’est une trahison de l’esprit des Lions Indomptables », commente un journaliste sportif à Yaoundé.
Derrière ces soutiens, certains voient une stratégie bien huilée : mobiliser le capital émotionnel du football pour séduire les jeunes et détourner le débat du bilan politique du régime. D’autres y lisent simplement une fidélité personnelle au chef de l’État, qui a souvent décoré ou honoré ces anciens joueurs pour leurs exploits passés.
Paul Biya, lui, espère que ce soutien populaire des héros de 1990 ou des stars de la génération Eto’o suffira à relancer la ferveur autour de sa candidature. Mais à l’heure où le Cameroun se cherche un souffle nouveau, le choix de ces anciens Lions de “mouiller le maillot” pour le régime en place divise profondément le pays.
Rejoignez notre communauté sportive !
Suivez-nous sur les réseaux sociaux pour ne rien manquer de l'actualité sportive en temps réel.
À propos de l'auteur
Arthur WANDJI
Rédacteur sportif
Correspondant SNA au Cameroun et Gabon. Spécialiste des Lions Indomptables.