CAN 2025 : Emerse Faé, le stratège des Éléphants

Sa nomination, le 24 janvier 2024, a marqué un tournant dans l’histoire du football ivoirien. L’équipe venait de traverser une phase de groupes décevante lors de la CAN organisée à domicile. Le départ de Jean-Louis Gasset plongeait la sélection dans une crise profonde, alimentée par la pression populaire et un contexte d’urgence absolue.

Dans ce climat tendu, Faé se voit confier un rôle d’intérimaire. Méconnu du grand public, il prend pourtant les rênes avec une calme détermination. Il transforme rapidement la désillusion en renaissance, conduisant les Éléphants à une campagne renversante.

L’équipe élimine d’abord le Sénégal, champion d’Afrique en titre, puis se fraie un chemin jusqu’à la finale. Le 11 février 2024, la Côte d’Ivoire décroche son troisième sacre continental en battant le Nigeria, portée par un but de Sébastien Haller en fin de match. Faé est sacré meilleur entraîneur de la compétition, confirmant ce que beaucoup ont compris au fil des semaines : un leader venait de naître.
 Il devient ainsi le deuxième technicien ivoirien de l’histoire à remporter la CAN après Yéo Martial en 1992, entrant dans un cercle très restreint d’entraîneurs africains couronnés avec leur sélection.

Une ascension façonnée par la rigueur

La réussite d’Emerse Faé n’est pas le fruit du hasard. Sa reconversion commence en 2012 lorsqu’il rejoint le centre de formation de l’OGC Nice après avoir mis fin à sa carrière de joueur pour des raisons de santé. Pendant trois ans, il seconde Alain Wathelet chez les U17, avant de prendre seul les commandes de cette catégorie en 2015.

En 2018, il obtient le diplôme d’État supérieur du sport, mention football, puis décroche en 2020 le brevet d’entraîneur professionnel, le plus haut diplôme du coaching français. Entre-temps, il se forge une réputation d’entraîneur méticuleux, proche de ses joueurs et attentif au moindre détail.

Son passage par Clermont Foot en National 3, puis son intégration au staff national ivoirien en 2022, consolident son profil. Le 25 janvier 2024, au lendemain de son quarantième anniversaire, il est nommé sélectionneur intérimaire de la Côte d’Ivoire. Quelques semaines plus tard, son triomphe à la CAN le propulse officiellement au poste de sélectionneur national.

Un style moderne, offensif et adaptable

Sous la direction d’Emerse Faé, la Côte d’Ivoire s’appuie sur un jeu dynamique, structuré autour de plusieurs principes forts. L’équipe mise d’abord sur une possession intelligente, pensée pour progresser et bousculer l’adversaire plutôt que pour contrôler le match sans produire de danger.
 Cette maîtrise du ballon s’accompagne d’une transition extrêmement rapide vers l’avant, où la projection offensive devient une arme majeure. Les Éléphants exploitent les espaces avec une précision chirurgicale, capables de passer d’un bloc compact à une action tranchante en quelques secondes.

 Faé exige également une grande rigueur organisationnelle, chaque mouvement étant anticipé pour maintenir l’équilibre collectif. Cette discipline permet à la Côte d’Ivoire de rester compétitive dans les temps faibles tout en conservant une structure solide lors des phases défensives.

Le système ivoirien repose enfin sur une flexibilité permanente. Faé adapte ses plans aux caractéristiques de l’adversaire sans renoncer à son ADN offensif. Cette faculté d’adaptation, travaillée avec son adjoint Guy Demel, s’est révélée décisive lors de la CAN 2023 et continue de constituer un atout majeur. Demel résume leur relation d’un mot : complicité.
 Cette philosophie moderne s’est illustrée lors des éliminatoires de la CAN 2025, où l’équipe a inscrit douze buts en six matchs, signe d’une mécanique offensive parfaitement huilée.

Une CAN héroïque

La CAN 2023 reste la pierre fondatrice du règne Faé. En quelques jours, il redonne vie à une équipe traumatisée. Après l’exploit contre le Sénégal, la Côte d’Ivoire renverse le Mali en quart de finale dans un scénario étouffant, conclu par un but tardif d’Oumar Diakité. La demi-finale contre la RDC confirme la dynamique, avant que la finale ne sacre une équipe soudée et conquérante.
 À l’issue de la compétition, Faé confie avoir dit à ses joueurs qu’ils étaient « morts » après la défaite contre la Guinée équatoriale et qu’ils avaient « ressuscité » après le match contre le Maroc et la Zambie, révélant la force mentale et l’émotion qui ont accompagné leur parcours.

Un champion d'Afrique qui vise encore plus haut

Championne en titre, la Côte d’Ivoire aborde la CAN 2025 avec une ambition claire : défendre son statut et s’affirmer parmi les grandes puissances du continent. Logée dans le Groupe F, en compagnie du Cameroun, du Gabon et du Mozambique, elle s’apprête à débuter sa campagne le 24 décembre avec la volonté de frapper fort d’entrée.
 Avec trois sacres déjà (1992, 2015, 2023), les Éléphants rêvent d’une quatrième couronne, qui les rapprocherait des géants que sont l’Égypte, le Cameroun ou le Ghana.

L'héritage en marche

Emerse Faé n’est plus seulement le sélectionneur qui a sauvé une CAN à domicile. Il est devenu l’architecte d’un projet, le symbole d’une renaissance ivoirienne fondée sur l’audace, la discipline et la conviction.
 En quelques mois, il a transformé les Éléphants en une équipe irrésistible, tout en imposant sa signature : un football offensif assumé, une gestion humaine fine et une capacité rare à faire adhérer un groupe à sa vision.
 À l’heure d’entrer dans cette nouvelle CAN, la question n’est plus de savoir si Faé était le bon choix. La question est désormais de mesurer jusqu’où il peut mener cette génération.