
Depuis le 10 septembre 2024, la Centrafrique a disputé 9 rencontres officielles entre qualification pour la CAN 2025 et la Coupe du monde 2026 pour un bilan apocalyptique de 0 victoire, 1 nul, 8 défaites, 1 but marqué pour 19 concédés !
Dans le dernier classement FIFA, les Bamara sont l’équipe nationale qui a perdu le plus de points et pointent désormais au 140e rang derrière les Îles Féroé, la Lettonie, le Turkménistan et le Botswana. Un déclassement qui tranche avec l’espoir suscité des précédentes campagnes de qualification aux CAN 2021 et 2023 où les Fauves furent proches d’obtenir pour la première fois de leur histoire leur sésame pour la Coupe d’Afrique.
Les leaders de la mutinerie écartés, les suiveurs rappelés
Malgré les résultats et les ingérences du ministre des Sports qui essaya de nommer Rigobert Song comme sélectionneur et de suspendre plusieurs membres du Comité exécutif, la FCF a gardé sa confiance envers Eloge Enza-Yamissi, l’ancien capitaine de l’équipe nationale qui succéda à Raoul Savoy.
Néanmoins, ce dernier a eu plusieurs accroches avec des joueurs depuis sa prise de fonction, notamment lors de la fenêtre internationale de juin ponctuée par la mutinerie et le forfait contre la Tunisie en amical sous fond de primes réclamées. « Cela n’avait pas lieu d’être », balaye Célestin Yanindji, le président de la fédération. De fait, la liste de septembre était amputée des leaders de la « mutinerie » comme le gardien Geoffrey Lembet (42 sélections), le défenseur Cédric Yambéré (20 sélections) et d’autres expatriés.
Avec d’autres cadres absents pour blessure (Kondogbia, Koyalipou), l’équipe était composée presque exclusivement de joueurs locaux et plusieurs éléments de rotation évoluant dans des divisions mineures vus ces dernières années (le milieu Brad Pirioua, l’ailier Alex Urie ou l’attaquant Mustapha Djimet parti en 2024 en Biélorussie).
Sans surprise, les Fauves s’inclinèrent 2-0 contre Madagascar et les Comores sans se montrer réellement dangereux offensivement surtout que le buteur habituel, Louis Mafouta, n’avait joué que la seconde période du match contre Madagascar. De quoi inciter la fédération et plusieurs joueurs à renouer le dialogue. « Certains ont compris dans quoi on les avait embarqué en juin et se sont rapprochés du sélectionneur », confirme Yanindji. C’est ainsi que le gardien Dominique Youfeigane et le virevoltant ailier Vénusta Baboula ont fait leur retour dans la liste d’octobre comme le tonique Karl Namnganda qui a enfin retrouvé une équipe (Sitra Club au Bahreïn) et remplace donc Mafouta, appelé mais finalement blessé.
Des qualifications à la CAN U-17 et U-20 en trompe l’œil
Grâce à la diplomatie de l’homme à tout faire de l’équipe nationale, le manager Willy Kongo, une atmosphère apaisée a été trouvée vers l’objectif affiché de la FCF : la qualification à la CAN 2027. « Nous avons disputé la CAN U-17, la CAN U-20 et le CHAN, ce qui montre les progrès réalisés », poursuit le président Yanindji. « Ce que je peux promettre, c’est que la CAN 2027, nous y serons. Ça devient un objectif à partir de la base qui a été mise en place. »
Ambitieux, Yanindji veut concrétiser le travail de fond entamé au niveau local sous sa présidence, débutée comme intérimaire dès fin 2018 suite à l’arrestation de Patrice-Edouard Ngaïssona ; qui sera condamné cet été à 12 ans de prison par la Cour pénale internationale pour son rôle central dans les crimes de guerre et contre l’humanité perpétrés en République Centrafricaine entre 2013 et 2014. « Mon objectif était de restituer à la base le football centrafricain en partant de plusieurs piliers, notamment la formation des entraîneurs, puis des joueurs », explique celui qui a été réélu pour un second mandat en 2024.
« C’est ainsi que nous avons sollicité auprès de la FIFA un appui qui est venu en décembre 2018 avec une convention tripartie avec la FIFA et la Fédération française de football dans un programme nommé ‘soutien technique aux fédérations’. Cela nous a permis d’avoir un expert français qui est resté plus de deux ans et demi avec nous et qui a restructuré notre direction technique. D’autres experts venaient également sur des formations spécifiques pour les entraîneurs de gardien, préparateur physique, etc. Cela nous a permis de faire la formation dès les U-12 et U-13 avec une académie à Bangui ainsi qu’en province, et c’est cette génération qui pu faire la CAN U-17 en 2025. »
Un accomplissement réel qui doit cependant être tempéré ; les jeunes Fauves terminant derniers de leur groupe avec 0 point et 14 buts encaissés en trois matchs pour seulement 2 inscrits. Pareil pour les U-20 qui ont uniquement obtenu leur qualification à la CAN en étant repêchés suite à la suspension de la République du Congo décrétée par la FIFA. Quant à l’équipe CHAN, elle termina également dernière de son groupe avec un seul point en cinq rencontres.
Quid de Gourna-Douath, Geubbels et Solet ?
Conscient de ne pas disposer d’une large diaspora comme le Cameroun ou le Sénégal, la Centrafrique préfère capitaliser sur sa bonne entente avec la FIFA pour développer plusieurs projets structurels comme le Centre Technique masculin Kaïmba Blasco et la construction actuelle du Centre Technique du football féminin Faustin Archange Touadera.
Également choisie par la FIFA pour un projet pilote, « FIFA Football For Schools », la RCA espère que cette stratégie parviendra à crédibiliser davantage la formation et les clubs locaux qui disputeront dès décembre une nouvelle compétition lancée par la fédération, une Super Ligue nationale. « Notre politique n’est pas compliquée, on prend simplement exemple sur les meilleurs : l’Espagne, la France ou le Portugal ont une excellente formation et des résultats », justifie Yanindji. « Nous essayons évidemment de convaincre d’autres binationaux de nous rejoindre. Nous avons plusieurs joueurs de qualité qui pourraient nous rejoindre, mais nous n’avons pas le réservoir de nos voisins, donc sans formation, nous ne pouvons pas exister. »
Si la FCF essaye de convaincre Lucas Gourna-Douath (Salzbourg), Willem Geubbels (Paris FC) et Oumar Solet (Udinese), dont le frère Isaac a déjà rejoint l’équipe nationale depuis 2023, le temps presse : la génération Kondogbia et Mafouta n’est pas éternelle et la relève, elle, aura encore besoin de temps avant d’éclore au plus haut niveau. « Il faut trouver un juste milieu », prophétise Yanindji qui sait que les prochains résultats seront scrutés attentivement dans un pays aujourd’hui circonspect après avoir rêvé d’une première qualification à la Coupe d’Afrique des nations.
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À propos de l'auteur
Romain MOLINA
Rédacteur sportif
Journaliste et écrivain, auteur de nombreuses enquêtes dans le milieu du sport.
