
Longtemps réservée aux journalistes et aux chaînes télé, la parole autour du sport a changé de visage. Désormais, des passionnés, des analystes amateurs ou même des sportifs professionnels prennent la parole eux-mêmes, face caméra ou au micro, pour partager leurs regards sur le jeu, les joueurs, les enjeux. On les appelle créateurs de contenus sportifs. Ils débriefent, analysent, vulgarisent ou commentent l’actualité avec leurs mots, leur style, leur ton.
Cette révolution est portée par l’essor fulgurant des réseaux sociaux et des plateformes comme YouTube, TikTok ou les podcasts, qui ont brisé les barrières entre public et producteurs d’information. Avec un smartphone, une connexion et une idée forte, tout le monde peut créer, diffuser et fédérer une communauté. En Afrique, le phénomène prend une ampleur particulière. À la fois outil d’expression, de reconnaissance et de revendication, la création de contenus devient un nouveau canal de narration du sport africain, souvent plus proche, plus libre, plus incisif que les médias traditionnels.
Quand la passion devient projet
Stan Diop se définit lui-même comme un pur passionné de football. « Je ne parle que de football », explique-t-il. Avant même les caméras, c’était par téléphone qu’il débriefait les matchs avec ses amis. L’idée de se filmer vient d’un déclic, en 2016, lors d’un match de l’Euro entre la France et l’Allemagne : « Sur un canapé, avec 4 à 5 amis, je me suis lancé », se souvient-il. Le phénomène des créateurs de contenus anglais lui sert de modèle. Stan démarre modestement sur Facebook avec une trentaine d’abonnés, dont des membres de sa famille. Puis vient l’explosion. En avril 2017, après un match de Ligue des champions, il engrange 10 000 abonnés en 48 heures. Une autre vague arrive en octobre, quand il lâche son désormais célèbre mot : « tocard », pour désigner un joueur en contre-performance. Le mot devient viral. Depuis, le ton est donné.
Un métier à part entière
Aujourd’hui, Stan Diop réalise près de 300 vidéos par an. Pour lui, la création de contenus n’est pas un loisir, mais bien un métier : « Avant de passer devant la caméra, il y a un gros travail invisible à faire. Il faut trouver ton propre style, préparer mentalement ton contenu, être au niveau de l’information. ». Il insiste sur l’importance du fond autant que de la forme. Et surtout sur la pression du public. « S’ils ne trouvent pas ça pertinent, ils ne vont pas te rater. » Mais malgré les exigences, vivre de sa passion reste une immense satisfaction. Et même s’il mène d’autres projets en parallèle, il reconnaît que cette activité structure son quotidien.
Pas en guerre avec les médias classiques
Contrairement à ce que certains pensent, les créateurs de contenus ne sont pas en concurrence directe avec les journalistes traditionnels. « On ne fait pas la même chose. Il arrive même que certains médias me contactent pour des collaborations, et ça me rend fier. ». Stan voit plutôt une forme de complémentarité. Pour lui, chacun peut exister à sa manière dans le paysage médiatique.
Quand les sportifs deviennent eux-mêmes créateurs de contenus
Le phénomène va encore plus loin. Ce ne sont plus uniquement des fans ou des analystes qui produisent des contenus : les sportifs eux-mêmes s’y mettent. Inspirés par la vague venue des États-Unis, ils comprennent que les réseaux sont un moyen direct et puissant pour contrôler leur narration, humaniser leur image et toucher une nouvelle génération de fans. Le basketteur américain Draymond Green anime son propre podcast, tout en étant encore actif en NBA. Aurélien Tchouaméni, en pleine ascension au Real Madrid, a récemment lancé un podcast pour évoquer les coulisses du football avec des invités de marque. L’ancien international nigérian John Obi Mikel a lui aussi pris ce virage, en racontant son expérience à travers un format personnel et libre.
Abdou Diallo, le podcast comme outil d’ouverture
Parmi les figures africaines les plus emblématiques de cette dynamique, Abdou Diallo se distingue. L’international sénégalais a lancé sur YouTube son propre podcast intitulé « Abdou Dialogue », où il échange avec des personnalités inspirantes. Il y aborde des sujets rarement évoqués dans les médias traditionnels : la réalité du métier de footballeur, l’engagement, l’ouverture, la santé mentale, ou encore des discussions plus personnelles, notamment avec son frère Ibrahima Diallo, lui aussi footballeur. Ce podcast est bien plus qu’un simple produit de communication. Il devient un espace d’expression libre, sincère, presque thérapeutique, dans lequel le joueur se montre à nu. Le sportif devient narrateur de sa propre histoire. Il prend le contrôle sur son image, son discours, son héritage.
Une reconnaissance croissante
La reconnaissance est d’ailleurs internationale. Stan cite le classement du Times listant les 100 créateurs de contenus les plus influents dans le monde : « Cela prouve que c’est un métier important, qui touche des couches sociales précises. Les gens se reconnaissent dans ce que nous faisons. ». Le monde change, et les réseaux sociaux en sont aujourd’hui l’épicentre. La preuve ? Quand Aliou Cissé accorde une interview à Stan Diop, ce n’est pas à travers un média classique, mais en toute spontanéité, simplement parce que le sélectionneur apprécie son travail.
Le phénomène des créateurs de contenus sportifs en Afrique n’est pas une tendance éphémère, c’est une révolution dans la manière de raconter le sport. Avec des figures comme Stan Diop ou Abdou Diallo, une nouvelle grammaire médiatique s’impose. Plus directe, plus incarnée, plus libre. Et surtout, plus en phase avec une génération connectée, exigeante et avide de contenus authentiques.
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