
Élu au prestigieux Conseil de la FIFA, Souleiman Waberi a obtenu le poste qu’il convoitait. Une manière pour lui de légitimer son nouveau mandat après sa démission en mars 2024 et d’assurer ses soutiens politiques en rappelant qu’il représentait Djibouti à l’international.
Lire aussi : Djibouti : démissionnaire, Souleiman Waberi réélu à la tête de la fédération
Souvent absent, Waberi a délaissé depuis des années le fonctionnement de la fédération qu’il préside depuis 2012. Retranché au Stade Municipal, où les tribunes étaient fermées et obligeaient les spectateurs à suivre les rencontres du championnat local derrière un grillage, le football djiboutien est à l’abandon avec des sélections nationales, féminines et masculine, en déroute.
Or, ce triste spectacle s’est accompagné d’une affaire de match truqué suite à la plainte du FC Arta le matin de la rencontre l’opposant à Garde-Côtes. Un dossier brûlant qui occasionna des sanctions inédites prononcées par la Commission de discipline de la fédération qui sera finalement déjugée par la Commission d’appel.
Enregistrement audio et 35 000 francs djibouti (173 euros)
Le samedi 3 mai, à la veille du match, un joueur d’Arta, Bahdon Ali, contactait le préparateur physique de Garde-Côtes, Kader Hassan Aden. Les deux hommes convinrent d’un rendez-vous afin d’éviter des échanges téléphoniques pour parler d’un possible arrangement financier en vue du match.
Trois autres joueurs d’Arta (Houssein Atteyeh, Abdichakour Ibrahim, Aboubakar Aden) furent mis dans la combine. Bahdon Ali, l’instigateur, informa son entraîneur, Moustapha Abdoulakrim, qui n’a pas découragé cette initiative puisqu’il incita ses joueurs à se rendre sur place et enregistrer le préparateur physique de Garde-Côtes.
En arrivant au rendez-vous, l’un des joueurs (Houssein Atteyeh) enregistra donc secrètement la conversation sur son téléphone portable. Le préparateur physique, après avoir consulté l’entraîneur de Garde-Côtes (Hassan Isman), remit une somme de 35 000 francs djibouti, environ 173 euros, destinée à être partagée entre les quatre hommes et l’entraîneur.
Apprenant l’arrangement, la direction d’Arta déposa plainte auprès de la fédération qui fit sa propre enquête en auditionnant tous les intéressés et en authentifiant les enregistrements audios avant de rendre son verdict le 16 mai :
- Suspension des deux clubs pour le reste de la saison
- Relégation des deux clubs
- Déduction de six points sur la saison à venir pour les deux clubs 20 000 francs djibouti d’amende pour les deux clubs
- Interdiction à vie d’exercer toutes activités footballistiques pour l’entraîneur du FC Arta, l’entraîneur et le préparateur physique de Garde-Côtes, ainsi que les quatre joueurs du FC Arta
Une commission d’appel présidée par un cousin de Waberi sans formation juridique
Exemplaires et fortes, les sanctions prodiguées par la Commission de discipline montraient la non-tolérance de la fédération envers les matchs truqués. Une décision forte et louable au moment où le continent était secoué par divers scandales de match fixing, notamment en Afrique de l’est.
Bien évidemment, les deux équipes ont fait un recours étudié par la Commission d’appel de la fédération qui revisita le cas et statua le 22 mai en annulant la majeure partie des sanctions prononcées par la Commission de discipline, dont les interdictions à vie et les relégations des deux équipes. Il a ainsi été décidé :
- 5 000 francs djibouti d’amende au FC Arta
- Une suspension de deux ans pour trois joueurs (et non les quatre) du FC Arta (Bahdon Ali, Houssein Atteyeh, Aboubakar Aden) et aucune suspension pour l’entraîneur
- Match perdu pour Garde-Côtes et déduction de trois autres points
- Une suspension de deux ans pour l’entraîneur et le préparateur physique de Garde-Côtes
- 5 000 francs djibouti d’amende à Garde-Côtes
Pis encore, la Commission d’appel estime « que les éléments de l’infraction d’arrangement de match ne sont pas caractérisés » ! Une décision totalement contraire à celle de la Commission de discipline, dont le président, Mohamed Djama Robleh, est pourtant un avocat respecté au barreau de Djibouti.
De quoi susciter la controverse sur l’ombre du président Waberi et ses proches puisque le président de la Commission d’appel, Saïd Abdillahi Miguil, est un de ses cousins et ne dispose d’aucune formation juridique ; il est simplement surveillant d’éducation dans une école privée.
Au final, Garde-Côtes termine vice-champion à cause de cette déduction de points, mais restera dans l’élite djiboutienne, comme le FC Arta. Quant aux 35 000 francs djibouti, ils furent remis préalablement à la Commission de discipline, et ce même si la Commission d’appel jugeait que cet argent n’était donc pas un élément « caractérisant » un arrangement de match...
