![[Edito] CAN 2025 : quand la FIFA traite l'Afrique comm un continent de seconde zone](https://sportnewsafrica.com/storage/post-covers/01KBMF0H5081GCA1J6QANJAESQ.jpg)
Crime originel : juin volé, décembre imposé
Commençons par établir les faits. La CAN 2025 devait initialement se jouer en juin-juillet, comme toute compétition internationale majeure qui se respecte. L'Euro se joue en été. La Copa América se joue en été. Même la Gold Cup de la CONCACAF se joue en été. Mais la CAN ? Non. La CAN doit se pousser.
Pourquoi ? Parce que Gianni Infantino a décidé d'imposer sa Coupe du monde des clubs nouvelle formule - 32 équipes, un milliard de dollars de dotation - du 14 juin au 13 juillet 2025. Aux États-Unis, évidemment. Car quand il s'agit de choisir entre l'Afrique et l'Amérique, le choix de Zurich est toujours le même.
Résultat : la CAF, fidèle à sa posture de soumission chronique, a accepté sans broncher de décaler sa compétition phare au 21 décembre. En plein hiver européen. En pleine période de Boxing Day. En plein milieu des championnats. Et maintenant, on s'étonne que les clubs européens rechignent à libérer leurs joueurs ?
« La FIFA a imposé son calendrier, et il faut faire avec »
— Nassim El Kerf, journaliste marocain, Jeune Afrique
La trahison du 29 novembre
Ce qui s'est passé le 29 novembre 2025 restera dans les annales comme l'une des plus belles démonstrations de mépris institutionnel envers le football africain.
Ce jour-là, l'Association Européenne des Clubs (ECA) s'est réunie avec la FIFA. Sans la CAF. Sans les fédérations africaines. Sans les sélectionneurs concernés. Et dans le secret le plus total, un accord a été trouvé : les clubs pourront conserver leurs joueurs jusqu'au 15 décembre au lieu du 8.
Sept jours volés. Sept jours de préparation en moins. Sept jours pendant lesquels les sélections africaines avaient déjà réservé leurs infrastructures, programmé leurs matchs amicaux, engagé des dépenses conséquentes.
La FIFA justifie sa décision en invoquant « le même principe utilisé pour la Coupe du monde 2022 ». Ah oui ? Rappelons que cette Coupe du monde au Qatar a bénéficié d'une fenêtre internationale sacralisée, d'une préparation de plusieurs semaines, et d'un calendrier européen entièrement réaménagé pour l'occasion. Deux poids, deux mesures.
« Quand on dit que l'Afrique et la CAF sont colonisées, on nous dit qu'on exagère. Regardez cette humiliation… »
— Osasu Obayiuwana, journaliste nigérian
L'équation impossible des sélectionneurs
Patrice Beaumelle, sélectionneur de l'Angola, a « explosé » face à cette décision. Et on le comprend. Ses Palancas Negras devaient démarrer leur préparation le 8 décembre en Algarve, avec deux matchs amicaux programmés les 13 et 16 décembre. Tout est à refaire.
« La CAN doit être plus respectée », martèle-t-il sur RMC. Une phrase simple. Une évidence. Et pourtant, une révolution dans le contexte actuel.
Car voici l'équation que doivent résoudre les sélectionneurs africains : récupérer des joueurs fatigués par une première partie de saison intense, les intégrer dans un système tactique en 48 à 72 heures, et les lancer dans une compétition où chaque détail compte. Pendant ce temps, certaines équipes aux effectifs plus « locaux » auront eu deux semaines d'avance.
L'égalité sportive ? Un concept visiblement réservé aux compétitions européennes.
Le cas Benatia : quand les nôtres nous tournent le dos
Et puis il y a le cas Medhi Benatia. L'ancien international et capitaine marocain, quatre CAN au compteur, désormais directeur sportif de l'Olympique de Marseille. Invité de l'After Foot sur RMC, il a choisi son camp : celui de son club.
« La CAN, tu le savais depuis le début », dit-il pour justifier le maintien de Nayef Aguerd et Pierre-Emerick Aubameyang jusqu'au match contre Monaco le 14 décembre. Traduction : les intérêts de l'OM passent avant ceux des sélections africaines. Même quand on est Marocain. Même quand son pays organise la compétition.
Cette posture illustre parfaitement le problème structurel du football africain : même ses anciens ambassadeurs, une fois passés de l'autre côté du miroir, adoptent les réflexes du système qui nous marginalise.
La CAF complice par son silence
Mais le plus scandaleux dans cette affaire, c'est le silence assourdissant de la CAF. Patrice Motsepe, son président, n'a pas dit un mot. Véron Mosengo-Omba, son secrétaire général congolais, n'a pas bronché. L'instance africaine a encaissé l'affront sans réagir.
Pourtant, la CAF dispose de 54 voix à la FIFA. Cinquante-quatre fédérations. Le bloc le plus important du football mondial. Une force de frappe politique considérable... jamais utilisée.
« Quand il s'agit d'élections à la FIFA, l'Afrique compte. Quand il s'agit de respecter la CAN, on nous oublie », résume amèrement un observateur du football continental. La formule est cruelle. Elle est surtout vraie.
La double peine : droits tv et humiliation
Comme si cela ne suffisait pas, une autre polémique frappe la CAN 2025 : celle des droits de diffusion. Des chaînes nationales francophones et arabophones n'ont été autorisées à négocier que 33 des 52 matchs. Pendant ce temps, les chaînes anglophones et une chaîne privée non africaine disposent de l'intégralité des rencontres.
Résumons : la CAN se joue en Afrique, est financée par les États africains, rassemble des équipes africaines... mais une partie du continent ne pourra pas la regarder sur ses chaînes nationales gratuites. Kafka aurait adoré.
Ce que nous exigeons
Le temps des jérémiades est révolu. Voici ce que le football africain est en droit d'exiger :
1. Une fenêtre internationale sacralisée pour la CAN, au même titre que l'Euro ou la Copa América. Non négociable.
2. Des compensations financières pour les fédérations lésées par les changements de calendrier de dernière minute.
3. Une consultation obligatoire de la CAF pour toute décision impactant le football africain.
4. Une répartition équitable des droits TV, garantissant l'accès gratuit aux populations africaines.
5. Une CAF qui défend les intérêts de son continent au lieu de courber l'échine devant Zurich.
La CAN 2025 débutera le 21 décembre au Maroc. Elle sera belle, comme toujours. Nos équipes se battront, comme toujours. Nos supporters chanteront, comme toujours. Mais quelque part dans les bureaux feutrés de Zurich et du Caire, des hommes en costume continueront de décider de notre destin sportif sans nous consulter.
Jusqu'à quand ?
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À propos de l'auteur
O. GOMUS
Rédacteur sportif
Passionné de ballon rond et notamment de grandes affiches.
