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Pourquoi les clubs sénégalais échouent encore sur la scène africaine

Génération Foot et le Jaraaf ont été éliminés dès les préliminaires des compétitions interclubs 2025-2026. Un nouvel échec qui confirme les limites structurelles des clubs sénégalais. Au-delà du terrain, c’est surtout l’incapacité à profiter des opportunités financières offertes par la CAF qui enferme le football local dans un cercle vicieux.

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Pourquoi les clubs sénégalais échouent encore sur la scène africaine

Génération Foot a été éliminée par l’AFAD d’Abidjan dès le premier tour de la Coupe de la CAF. Le Jaraaf, de son côté, est tombé face à la Colombe Sportive du Cameroun en Ligue des champions.

Pourtant, le club de la Médina n’est pas novice sur la scène continentale. En 2021, il avait atteint les quarts de finale de la Coupe CAF. La saison dernière, il avait disputé la phase de groupes de cette même compétition, terminant troisième. Mais cette fois encore, le champion du Sénégal et club le plus titré du pays n’a pas franchi l’étape du tour préliminaire.

Instabilité chronique et fuite des talents

Chaque saison, les clubs sénégalais repartent de zéro. Le Jaraaf a recruté 13 nouveaux joueurs avant sa campagne africaine, un renouvellement massif qui empêche toute continuité. Cette instabilité est un mal récurrent, qui fragilise les automatismes et détruit l’ossature des équipes.

À cela s’ajoute l’incapacité à retenir les talents. Génération Foot, par exemple, a dû faire sans Abdoulaye Agne Ba, et Moustapha Diop rejoignant le FC Metz avant le tour préliminaire. Cheikh Diop, journaliste sportif, résume la situation : « Quand la priorité est de former et de vendre, les ambitions africaines sont forcément reléguées au second plan ».

Le handicap du calendrier

Les clubs sénégalais arrivent en compétitions africaines sans rythme. Le championnat national démarre souvent avec plusieurs semaines de retard, alors que leurs adversaires ont déjà disputé cinq ou six journées. « C’est un écart entre deux mondes » insiste Cheikh Diop. L’impact est direct : les Sénégalais manquent de fraîcheur compétitive et s’écroulent souvent dans les moments décisifs.

Des occasions financières manquées

C’est sans doute le cœur du problème. La CAF a réévalué ses primes. Une qualification en phase de groupes de Ligue des champions rapporte 550 000 dollars, celle de la Coupe CAF 275 000 dollars. Atteindre les quarts, c’est plus d’un million, et le vainqueur de la C1 empoche 4 millions.

Ces sommes changent la vie d’un club africain. Horoya AC en Guinée, grâce à ses parcours réguliers, a pu stabiliser son effectif, recruter des joueurs étrangers et bâtir une structure compétitive. Les clubs ivoiriens comme l’ASEC ont fait de ces revenus un levier pour garder leurs meilleurs talents plus longtemps.

Au Sénégal, en revanche, les clubs passent systématiquement à côté de cette manne financière. Éliminés avant même la phase de groupes, ils perdent non seulement l’accès à des ressources considérables, mais aussi l’opportunité d’attirer sponsors et investisseurs.

Moustapha Diop, consultant, analyse : « Quand vous sortez au premier tour, vous perdez plus qu’un match, vous perdez la possibilité de transformer votre club. L’argent de la CAF est conçu comme un accélérateur de développement. Or, faute de qualification, les clubs sénégalais restent dans une économie de survie, où ils doivent vendre leurs meilleurs joueurs pour payer les charges courantes. »

Infrastructures et moyens limités

Le Sénégal ne dispose que de deux stades homologués, Abdoulaye Wade à Diamniadio et Lat Dior à Thiès, qui accueillent les matchs continentaux. Dimanche dernier, le Jaraaf qui est le club phare de la capitale est allé accueillir les Camerounais à plus de 70 kilomètres de ses bases. Conséquence : un stade peu garni et des supporters camerounais rivalisant même avec ceux de Jaraaf niveau ambiance. 

Sur le plan économique, les clubs sénégalais peinent à mobiliser sponsors et partenaires solides. Là encore, la différence avec les voisins est frappante. Un Horoya ou un ASEC attirent entreprises et mécènes grâce à leur visibilité africaine. Les clubs sénégalais, absents des phases de groupes, n’offrent pas le même retour d’image.

Un paradoxe criant

Comment expliquer que le Sénégal, champion d’Afrique en 2021, vainqueur du CHAN et de la CAN U20 en 2023, reste incapable de briller en clubs ? Ce paradoxe s’explique par une politique sportive orientée vers les sélections, au détriment des clubs. La Fédération et l’État investissent massivement dans les Lions, mais les clubs, eux, sont laissés dans une économie fragile.

Moustapha Diop résume : « Nous avons les joueurs, nous avons les sélections, mais les clubs ne suivent pas. Tant que la compétitivité économique des clubs ne sera pas une priorité, la compétitivité sportive restera une illusion. »

Quelles pistes pour sortir de l’impasse ?

La première réforme devrait concerner le calendrier national. Les clubs sénégalais ne peuvent plus débuter leurs campagnes africaines sans rythme alors que leurs adversaires ont déjà plusieurs matchs dans les jambes. Harmoniser les dates permettrait de réduire cet écart de compétitivité.

Il faudra aussi traiter la question financière. Sans un soutien conséquent de l’État et de la Fédération, les clubs continueront de vivre dans une économie de survie. Un fonds d’accompagnement dédié aux compétitions africaines donnerait les moyens de retenir des joueurs clés et d’aborder ces tournois avec plus d’ambition.

Enfin, la professionnalisation de la gestion des clubs est devenue incontournable. Le marketing, la recherche de sponsors et la structuration interne doivent évoluer si l’on veut bâtir des projets durables. Le Sénégal ne manque pas de talents, mais tant que ses clubs resteront hors du cercle vertueux du prize money CAF, ils continueront de s’effacer face aux géants du continent.

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À propos de l'auteur

El Hadji Malick SARR

El Hadji Malick SARR

Rédacteur sportif

Passionné de sport depuis toujours, partage avec vous les dernières actualités et analyses du monde sportif.

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