
L'image n'a pas manqué d'interpeller. Au moment où les Brésiliens et même les arbitres du match procédaient à leur échauffement, la moitié de terrain réservée au Sénégal restait désespérément vide. Pas même un intendant pour placer ballons et plots afin de préparer la séance. Et pour cause, c'est moins d'une heure avant le coup d'envoi du match que les Lions sont arrivés à l'Emirates Stadium. Conséquence, un échauffement bâclé qui s'est traduit par un début de match poussif qui a été fatal aux hommes de Pape Thiaw, pris dans l'étau brésilien.
Le Sénégal arrive à l'Emirates pendant que le Brésil s'échauffe
Si depuis sa prise de fonctions son équipe a tendance à débuter lentement avant de monter en régime au fil des minutes, cette fois elle a été prise à la gorge par une Seleçao venue pour en découdre. Et pour cause, les hommes de Carlo Ancelotti ont eu le temps de procéder à un échauffement intensif, là ou les Sénégalais n'ont pas eu le temps de mettre en route. « L’équipe est arrivée environ 40 minutes avant le match. Un agent avec qui on discutait juste au moment de l’arrivée du bus (du Sénégal, ndlr) nous a dit qu’en deux ans de service dans ce stade, c’est la première fois qu’il voyait un retard aussi important », a témoigné le journaliste de BBC Afrique présent sur place, Babacar Ndaw Faye.
Et pour cause, quiconque connaît Londres et la localisation du stade sait qu'il faut prévoir les embouteillages et donc un temps rallongé pour accéder au stade. Encore plus un samedi et un jour de match. D'autant plus que d'autres facteurs n'ont pas aidé les Lions à arriver à temps. « D'autres événements avaient lieu en même temps dans Londres, ce qui a donné lieu à une affluence plus forte que d'ordinaire », tempère un autre journaliste présent pour couvrir le match.
Face à la situation, les dirigeants sénégalais, match amical faisant, pensaient pouvoir bénéficier de quelques largesses et d'un léger décalage du coup d'envoi. Mais c'était sans compter sur les impératifs des diffuseurs. L'arbitre de la partie est ainsi rapidement venu presser les joueurs de finir leur échauffement et de retourner aux vestiaires afin de donner le coup d'envoi à l'heure.
Le Brésil avantagé ? Le coup de gueule de Pape Thiaw
Un retard qui n'est pas une première pour le Sénégal en Angleterre. Au mois de juin, lors de la victoire contre les Anglais, le même souci s'était posé. « Il y a eu un retard lors du match contre l’Angleterre, et le même problème revient aujourd’hui contre le Brésil », se désole le confrère Saikou Seydi. Mais si la logistique sénégalaise est nécessairement à pointer du doigt, les Lions ont semble-t-il été moins bien traités que leurs adversaires.
« Le Brésil a été mis dans de meilleures conditions que le Sénégal sur tous les aspects par le match maker »
« Il faut aussi pointer du doigt la responsabilité de l'organisateur du match », souligne un membre du staff sous couvert d'anonymat à Sport News Africa. « Alors certes le Brésil a organisé ce match, mais ils ont été mis dans de meilleures conditions que le Sénégal sur tous les aspects par le match maker. Du choix des hôtels, car le Brésil était à côté du stade, jusqu'à la reconnaissance du terrain et l'entraînement de la veille que nous n'avons pas pu faire. Ce sont des détails qui ont leur importance. »
Un aspect sur lequel est revenu Pape Thiaw en conférence de presse d'après-match. Loin de s'en servir pour se dédouaner, le technicien a pointé du doigt un deux poids deux mesures. « Les organisateurs ne nous ont pas respectés. Ils nous avaient dit que les deux équipes n’avaient pas le droit de s’entraîner sur la pelouse la veille du match. Mais le Brésil s’est entraîné sur cette même pelouse et nous non. C’est du manque de respect et je voulais le dénoncer », a fustigé le technicien.
Quand la Tanière devient fourmilière
Un autre aspect qui a sauté aux yeux de beaucoup de suiveurs avant ce match a été l’effervescence et le monde autour des Lions. Si l'engouement autour de l'équipe est indéniable, des entraînements jusqu'à l'intérieur de leur hôtel, ce rassemblement londonien a par moments viré à la foire. Journalistes, créateurs de contenus, supporters ou simples curieux ont été nombreux à pouvoir approcher l'équipe, d'un peu trop près même, des images montrant du monde dans le hall d'accueil de l'hôtel. Joueurs et membres du staff étant sollicités de gauche à droite lors de leurs apparitions.
« Des influenceurs ont passé la journée là-bas jusqu’au départ des joueurs. Une situation inimaginable sous Aliou Cissé »
« J’ai vu, sur le snap d’un influenceur, des joueurs signer des autographes à la sortie de l’hôtel alors que vous êtes en retard. C’est le désordre complet à l’hôtel des Lions ; tout le monde y a eu accès », témoigne Saikou Seydi. « Des influenceurs ont passé la journée là-bas jusqu’au départ des joueurs. Une situation inimaginable sous Aliou Cissé. L’excuse des embouteillages, c’est rigolo. Alors, y avait il une escorte pour ce match ? Le staff ne savait pas que le stade était loin pour anticiper ? »
Les créateurs de contenus privilégiés, la poigne de Cissé regrettée
Dans les faits, depuis le départ d'Aliou Cissé et l'arrivée de la nouvelle équipe fédérale, il a été constaté que les portes de la sélection sont davantage ouvertes au public. Ceci notamment dans le but de reconnecter l'équipe aux supporters après une période de désamour post-CAN 2023. Mais jusqu'à quel niveau ? « Il faut comprendre que l'équipe du Sénégal joue rarement en Angleterre. Pour la diaspora c'est une opportunité rare d'approcher son équipe. Tout les supporters veulent voir l'équipe, d'où cet engouement. »
Autre point qui tranche radicalement avec l'ancienne direction, le recours à des influenceurs et créateurs de contenus qui accompagnent l'équipe. Ironie du sort, faute de photographes initialement prévus ou pris en charge par la Fédération sénégalaise, ce sont eux qui ont permis au grand public de vivre les premiers jours de ce regroupement londonien et notamment de voir les nouveaux joueurs comme Ibrahim Mbaye et Mamadou Sarr sous le maillot floqué du lion. Mais ils ont aussi visiblement eu de nombreux passe-droits. Situation qui a conduit lors de la trêve de septembre à une situation où ces influenceurs ont bénéficié d'accréditations presse à la place de journalistes. Ce qui a été dénoncé par la profession et causé des frictions entre les deux camps.
Mais avant la CAN 2025, et au vu des images de l'hôtel des Lions sur ce rassemblement, la crainte de la grande majorité des supporters est de voir le sanctuaire mis en place par Aliou Cissé devenir une foire d'empoigne. « Certaines images parlent d'elles-mêmes. Sur un rassemblement court pour un match amical, cela peut passer, et encore... Mais en compétition, sur la durée, cela risque d'être lourd de conséquences et même fatal pour espérer gagner. A l'époque d'Aliou Cissé, même les dirigeants de la fédération ne logeaient pas dans le même hôtel que les joueurs. Tout était verrouillé pour garder le calme et avoir ses joueurs concentrés sur leur objectif », rappelle Mansour Loum.
« À Pape Thiaw de sonner la fin de la récréation, car la CAN c'est demain »
La CAN 2025 en ligne de mire
Il en appelle au sélectionneur afin qu'il rectifie le tir pour imposer sa patte comme il l'a fait dans ses choix de joueurs : « C'est à Pape Thiaw de sonner la fin de la récréation car la CAN c'est demain. S'il ne le fait pas, il faudra une pression populaire pour pousser les dirigeants à assainir l'environnement autour de l'équipe en vue de la compétition. Le but n'est pas de couper l'équipe de ses supporters, mais il faut un juste milieu. »
La parenthèse londonienne désormais refermée, l'équipe a déjà pris la direction de Turquie et posé ses valises à Antalya afin de disputer son second match amical de cette trêve internationale face au Kenya (le 18 novembre). Un ultime test avant d'aborder la CAN 2025 pour laquelle les attentes autour des Lions sont élevées après la déception en terre ivoirienne. Si en toute logique, compte tenu de la distance et de la faible communauté sénégalaise en Turquie, les évènements de Londres devraient ne pas se reproduire, on alerte déjà en interne : « Là, c'était à Londres pour un amical. Imaginez ce que ce sera pour la CAN au Maroc qui sera plus accessible pour de nombreux supporters qui ont déjà pris leurs billets pour aller supporter l'équipe. »
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À propos de l'auteur
Malick BAMBA
Rédacteur sportif
Le sport africain au quotidien, ces belles histoires et polémiques en tous genres.
