Mis à part le sacre du CARA en 1974 en Ligue des champions et celui de l’AC Léopards en 2012 en coupe de la CAF, dans l’aventure du Congo-Brazzaville en coupes africaines des clubs, il y a aussi…Inter Club. Ce fut la fierté congolaise de la fin des années 1980.
Un pan d’histoire du football congolais enfermé dans une enveloppe de format A5. Il faut avoir rencontré Guy Janvion Moukakounou pour s’en rendre compte. Directeur technique de la Ligue départementale de football de Pointe-Noire, ce soldat à la retraite fu capitaine d’Inter Club, une équipe de football de Ligue 1 basée à Brazzaville.
Fondé en 1967 sous l’impulsion de Jacques Joachim Yombi-Opangault, un des officiers supérieurs Forces armées congolaises (FAC) de l’époque, Inter Club était donc une équipe composée à plus de 90 % de militaires tous grades et fonctions confondus.
En admirant ses photos, il s’attarde sur celle où les officiels saluent l’effectif d’Inter Club avant le coup d’envoi de la finale de la coupe du Congo édition de 1987 qu’il remporte devant Étoile du Congo. Mais ce sacre contrairement à ceux de 1978 et 1985, aura valeur de tout un symbole. Il ouvrira la voie à la Coupe des vainqueurs coupe, compétition continentale de la CAF.
«À l’époque, c’est l’unique trophée continental majeur qui manquait au Congo. Alors, nous nous sommes promis de relever ce défi et offrir au pays sa toute première coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe», se rappelle Guy Janvion Moukakounou.
Mais si le rêve fut beau, les défis furent énormes, tant il fallait faire preuve d’audace pour affronter des colosses, aux pieds de béton. Parmi ces adversaires, le célèbre Gor Mahia du Kenya, tenant du titre. Face à une formation composée de cadres comme l’intraitable milieu de terrain tanzanien Abbass Khamis Magongo, difficile de ne pas s’attendre à une correction. «Au sein de l’opinion, les pronostics n’étaient pas à notre faveur. Beaucoup d’observateurs prédisaient une correction», se souvient encore Guy Janvion Moukakounou. «Je m’attendais moi aussi à un naufrage à Nairobi. Gor Mahia faisait peur», se souvient Bienvenu Roger Mombo, enseignant des mathématiques au collège, la cinquantaine révolue.
Malheureusement, Gor Mahia ne s’imposera que par un score étriqué de 2-1. Au retour à Brazzaville, malgré l’ouverture du score, les Kényans s’inclinent 4-1. Gor Mahia se rend compte qu’il vient de tomber sur un os constitué de cadres comme le défenseur Massa et des attaquants Mabiala et Bongo Guelore. «Nous, on ne s’avouait jamais vaincus quel que soit l’adversaire, comme le dit la devise de notre armée ‘’Vaincre ou Mourir’’. Voilà l’élément stimulateur qui nous a permis en tant que novices de tenir à des adversaires fort expérimentés tels que Gor Mahia ou l’AS Bouaké de Côte d’Ivoire», se félicite encore le capitaine des Jaune et Rouge.
Inter Club se qualifie en demi-finale. Et son chemin croise celui des Rangers Bees du Nigeria. À l’aller Inter l’emporte sur un score étriqué de 1-0 mais concède deux buts sans en marquer un seul, au match retour à Kaduna. L’aventure aurait dû peut-être se poursuivre si Mouakounou avait transformé le penalty du match aller. «En tant que capitaine, rater une telle occasion, c’est toute une responsabilité que l’on porte toute la vie», regrette Moukakounou. Mais «pas question de le blâmer. Ce sont des choses qui arrivent. Lui et ses partenaires restent et resteront ces héros qui nous ont fait rêver», se rappelle Alain Ivouvou, un habitant de Pointe-Noire.
Mais si un rêve en cache toujours un autre, Inter Club décroche son tout premier titre de champion du Congo, synonyme de qualification pour la coupe d’Afrique des clubs champions, ancêtre de la Ligue des champions. Après avoir balayé au premier tour les voisins angolais de Petro Atletico de Luanda, Inter doit faire face à un autre club nigérian : Iwuanyanwu Nationale, ancien nom de l’actuel Heartland Football Club de la ville d’Owerri au sud-est.
Victorieux 2-1 à domicile, c’est en toute confiance que les Nigérians débarquent à Brazzaville pour finir le boulot. Cerise sur le gâteau, ils ouvrent le score. «À ce moment, on est sonné et assommé. Que faire ? Mais c’est mal connaître les militaires. Reprenant de la tête un centre, Mongo égalise».
Une égalisation précédée d’une anecdote. Tout le banc de touche nigérian (du staff dirigeant aux joueurs) était assis à même le sol. Suite à une plainte des joueurs d’Inter Club, l’arbitre camerounais les oblige à s’asseoir sur les sièges. Et quelques minutes plus tard, voire secondes après, Inter Club égalise avant que Mabiala ne marque un deuxième but en deuxième période. Égalité parfaite sur l’ensemble des deux rencontres. Les tirs au but se soldent par l’avantage des Congolais (5-4).
Mais la course vers la finale de la Ligue des champions sera stoppée par le Raja Club Athletic, vainqueur de la compétition. Composé de talents dont le gardien l’Algérien Nasser Edine Drid auteur d’une Coupe du monde presque aboutie en 1986 et de l’ailier gauche sénégalais Salif Diagne, le club de Casablanca élimine Inter Club en quart de finale grâce à sa victoire 2-0 à domicile même si le club marocain futur vainqueur de l’épreuve, s’inclina 0-1 au retour.
Que ce soit en 1988 ou en 1989, la prestation d’Inter Club fut saluée par tous les Congolais ou presque, d’autant plus que la plupart d’autres clubs qualifiés aux compétitions continentales étaient souvent sortis dès le tour préliminaire. «Inter nous lavait de la honte au niveau du continent», commente encore Mombo.
Mais du fait en grande partie des turbulences politiques des années 1990, Inter Club va connaître une très longue période de relâchement, étant parfois incapable d’intégrer le top 5 de ligue 1. Comme en témoigne la sixième place qu’occupe le club cette saison. Toutefois, «nous demandons au public de ne pas se décourager, tout ira bien sous peu», promet Yves Tsiba, actuel entraineur d’Inter Club.
John Ndinga-Ngoma