Entre interrogations et impatience,… Au Congo-Brazzaville, le public ne cautionne pas l’absence de retransmissions d’événements sportifs dans les médias audiovisuels. Et pourtant, les professionnels de l’information et de la communication ont des explications pour rassurer le public.
De notre correspondant au Congo-Brazzaville,
« Je connais les buteurs, les passeurs, bref le déroulement de plusieurs championnats européens», se félicite Prince Matodi. Effectivement, de la Liga à la Bundesliga en passant par la Ligue 1 et la Premier league, cet élève en troisième dans un établissement public du Nord-est de Pointe-Noire est bien au fait sur les grands championnats d’Europe.
Mais pour Prince Matodi, l'adage "charité bien ordonné commence par soi-même" ne s'applique pas chez le jeunot. «Comment se déroule le championnat de notre pays ? À quelle journée est-on déjà ?», s’interroge le jeune garçon. «Aujourd’hui (26 avril, Ndlr), c’est le début de la 22èmùe journée et Diables noirs affronte FC Kondz », lui répond Jean Nzihou, son oncle, supporter de Diables noirs. «C’est la preuve que les enfants d’aujourd’hui ne suivent pas l’actualité sportive du pays», se désole l'oncle. Si le jeune garçon des actualités sportives des pays européens, «c’est plutôt grâce aux médias européens», précise Prince.
Au Congo-Brazzaville, le public semble déconnecté de l’actualité sportive. Ce qui tranche avec le passé. «Les week-ends, il y avait des duplex à la radio. Même du fond du village, on était au courant de ce qui se passait. C’est grâce aux retransmissions en direct que nous étions au courant des exploits des artistes comme Bakekolo Pépin, Ndomba Jean Jacques, Ngapy Ange et Makita François», se rappelle Marie-Jeanne Tsonga, supportrice de Patronage Sainte-Anne résidant dans la ville de Mossendjo à quelque 400 kilomètres de Pointe-Noire. «Je ne connais pas un seul joueur du championnat national de football. Je me demande même où se trouvent les grandes handballeuses comme Koulinka Solange ou Oba Nicole. C’est même vous qui m’apprenez que mon équipe est lanterne rouge», déplore la sexagénaire.
Pour des ONG, il est inadmissible de priver le public du droit à l’information sportive. «Les populations paient une redevance audiovisuelle (RAV) de 1000 francs CFA (1.52 euro) sur leurs factures d’électricité. Pour un citoyen, aucune information n’est moins importante que les autres. Les informations sportives sont aussi vitales que celles sur la politique ou la culture», déplore Fabrice Sévérin Kimpoutou, membre de la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme (RPDH). «J’ai l’impression que l’actualité sportive est négligée chez nous. Le 8 mars par exemple, il y a eu des directs à la télé. Et combien de directs télé enregistrons-nous pour le championnat national comme par le passé ?», poursuit Kimpoutou.
Des complaintes symptomatiques d’un malaise profond qui a dû remonter au niveau de la presse spécialisée. Si bien que le sujet a été abondamment abordé dimanche 23 avril dans un numéro du magazine des sports de Radio Congo, chaîne publique. Il était question «d’expliquer au public toutes les difficultés endurées par le service des sports. Que le public sache que nous jouons quand même notre partition», précisait Juste Atsa, présentateur du programme. «Comment voulez-vous qu’un journaliste fasse une retransmission rien qu’avec son téléphone portable ? Qui va lui rembourser les frais de crédit ? Et puis d’un point de vue technique, le son n’est pas trop fiable. Cela peut paraître comme une excuse, mais c’est la réalité», déplore un autre journaliste sportif d’une chaîne de télévision publique.
On comprend du coup, « c'est justement le manque d'intérêt du gouvernement pour les questions sportives. Et que ça soit le ministère des Sports ou celui de la Communication, ce sont des intérêts mesquins et personnels des uns et des autres qui font à ce que le sport soit relégué au second plan», dézingue un confrère sous le couvert l’anonymat pour ne pas être « en conflit avec son ministère ».
Pourtant, grâce à l’internet et les réseaux sociaux, des journalistes essaient de combler le vide. Mais difficile de combler le vide. «Ce n’est pas tout le monde qui a accès à l’internet. On a besoin de cette spontanéité de la radio ou de la télé. Grâce à leurs récits, des journalistes comme feu Jean Gilbert Foutou ou Ghislain Joseph Gabio (ancien correspondant de RFI à la retraite, NDLR) nous ont fait aimer le sport. Ils nous ont offert divertissement et instruction. Bien entendu les talents sont là. Mais ils sont limités par les moyens», se souvient Yvon William Imbou, agent dans un hebdomadaire privé. Et le retour à une telle époque est possible. «Par le passé, les techniques n’étaient pas aussi sophistiquées qu’aujourd’hui. Mais il y avait une complicité telle que le ministère des Sports, le ministère de la Communication et les Fédérations travaillaient en synergie. Il suffit de revenir à ce système», suggère Joseph Blezziri Matombi, ancien journaliste à Radio Pointe-Noire, une chaîne publique.
John NDINGA-NGOMA