Au Congo-Brazzaville, les femmes sont très faiblement représentées dans les instances sportives. Deux facteurs majeurs sont pointés du doigt : la résignation et la discrimination. Les autorités promettent de faire bouger les lignes.
De notre correspondant au Congo
« Enfin ! Nous avons pu combler le vide ! ». Ainsi se félicitait récemment Paul Samba, président de la Ligue nationale de football féminin du Congo Brazzaville. Le poste à pourvoir était celui de vice-présidente de cette ligue. Et c’est bien Berthe Bongo-Passy, ancienne vice-présidente de l’instance faîtière du football féminin de 2011 à 2017.
« Je suis satisfaite de ce que mes collègues aient jeté leur dévolu sur moi. Je vais m’arranger à faire mieux que lors de ma première expérience », promet Bongo-Passy. Mais si très souvent les femmes sont souvent peu représentées au sein de cette ligue, cette fois-ci, le nouveau bureau compte désormais trois femmes contre quatre hommes. Soit un taux de 42,85 % de représentativité féminine. Un peu devant la Fédération congolaise de rugby (FECORUG) dont le bureau exécutif compte quatre femmes sur onze membres, soit 36,36 %.
Une approche en lien avec les préceptes des organes internationaux. « Conformément aux recommandations d’instances internationales auxquelles nous sommes affiliés, nous au niveau de la ligue nationale de football féminin avons mis un point d’honneur à faire de sorte que la vice-présidence de notre ligue soit animée par une femme », explique Paul Samba.
Et le jeu en vaut la chandelle dans un contexte où l’humanité célèbre la 47e édition de la journée internationale des droits des femmes, ce 8 mars 2024, sous le thème « Investir en faveur des femmes : accélérer le rythme ».
Mais comment « accélérer ce rythme au sein du sport congolais ? Un environnement où, de manière générale, les femmes sont quasiment sous-représentées dans les instances sportives. C’est le cas de la Fédération congolaise de handball (FECOHAND) où l’on ne compte que deux femmes dans un bureau de onze membres, soit un taux de représentativité de seulement 18,18 %. La ligue départementale de rugby féminin de Brazzaville quant à elle ne compte que deux femmes contre dix hommes. Soit 16,66 %.
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En dehors du nombre, il y a aussi le positionnement. Excepté la Fédération de nzango, dirigée par Aminata Cissé Adjakou, toutes les fédérations sportives du Congo sont animées par les hommes.
Une réalité observée dans tous les compartiments du sport congolais. Ce qui n’est pas sans explications. Des observateurs évoquent ainsi la résignation de la gent féminine congolaise dans le domaine du sport. « Dans les fédérations ou les ligues les postes sont électifs. Malheureusement, peu de femmes manifestent leur volonté de briguer des mandats pour diriger les instances sportives. Donc, la sous-représentativité des femmes dans les instances sportives de notre pays relève en réalité de la résignation », observe le journaliste à la retraite, Georges Bweillat.
Ce que reconnaissent des acteurs du monde sportif congolais. « Savez-vous combien de jours nous avons passé pour trouver une candidate au poste de vice-présidente ? Beaucoup de femmes consultées déclinaient l’offre », déplore Paul Samba. « J’avais fait acte de candidature. Et j’ai été élue au bureau de la ligue départementale de rugby féminin de Brazzaville. Mais on ne pouvait pas élire une femme qui ne s’est pas présentée ! », déclare Émilie Marie Nkazi, troisième vice-présidente de la ligue départementale de rugby féminin de Brazzaville.
Mis à part la résignation, il y a ce que Solange Koulinka Ipolo appelle la brimade de la part des hommes. « Je veux bien que nous autres femmes, soyons tancées parce que nous sommes résignées en matière des postes électifs. Je me demande toutefois s’il y autant d’hommes que de femmes s’agissant des postes nominatifs. L’ONU femmes a bien dit qu’il faut investir dans les femmes. Et s’il n'y a pas cette volonté d’investir dans les femmes, il est difficile que ces dernières s’engagent. J’ai animé pendant huit ans le secrétariat général de l’ONSSU. Je voudrais bien qu’on me fasse l’inventaire des gaffes commises pour que je ne sois plus consultée aujourd’hui », nuance la quadruple championne d’Afrique handball avec la sélection nationale du Congo. Mais pour Derich Ngatala, journaliste sportif, « la sous-représentativité des femmes dans les instances dirigeantes sont le fait des deux facteurs : la résignation et la discrimination ».
Un état de choses auquel des dirigeants congolais entendent mettre fin. « Avec les deux autres femmes qui sont bureau, je m’arrangerai à mener un combat acharné contre la résignation et la discrimination pour l’égalité des sexes et des chances soit une réalité dans le gotha footballistique congolais », promet Berthe Bongo-Passy.
John Ndinga Ngoma