Samuel Eto’o avait tellement de choses à dire et à promettre qu’il a tout consigné dans son programme électoral de 19 pages, intitulé « Retrouver notre esprit de conquête pour un Cameroun qui gagne ». Trois ans jour pour jour après son élection le 11 décembre 2021, la relecture de ce document qui promettait de « redonner au football camerounais toute sa grandeur » soulève des questions sur le bilan de l’ancien capitaine des Lions Indomptables.
11 décembre 2021 - 11 décembre 2024. Cela fait exactement trois ans que Samuel Eto’o a été élu à la présidence de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot). Trois ans que le meilleur buteur de l’histoire de la Coupe d’Afrique et des Lions Indomptables tente de « redonner au football camerounais toute sa grandeur ».
Son programme ambitieux, intitulé « Retrouver notre esprit de conquête pour un Cameroun qui gagne », promettait une révolution. Mais trois ans plus tard, le bilan de cette présidence est marqué par des déceptions, des scandales et des promesses non tenues. Alors qu’il ambitionne un second mandat, une évaluation de ses cinq principaux engagements révèle une mise en œuvre largement incomplète et des résultats mitigés.
Le premier chantier de Samuel Eto’o visait l’amélioration de la gouvernance. Autant dire qu’il est loin, très loin du sillon qui aurait dû être tracé à cet effet. Les trois premières années de mandat du quadruple Ballon d’Or africain sont caractérisées par une succession de scandales. Entre ruptures abusives de contrats, limogeages, réclamations de factures diverses impayées, affaire de trucage présumé de matchs, problèmes d’éthique, abus d’autorité, modification des textes de la fédération à ses mesures… l’image de l’institution a été ternie et sa crédibilité compromise.
« Mon Exécutif et moi n’avons rien à cacher ». Samuel Eto’o aime bien prononcer cette phrase. Mais au fond, dans la pratique, la transparence est la chose qui caractérise le moins la gestion de la Fécafoot. Le patron du football camerounais a l’art de ne pas [savoir ?] communiquer sur tout ce qui concerne les finances. C’est ainsi qu’il n’a jamais officiellement publié le montant de la subvention du top sponsor des championnats professionnels du pays. Ni sur le contrat avec le désormais ancien équipementier des sélections nationales du Cameroun, One All Sport pourtant présenté comme le plus lucratif de l’histoire des Lions Indomptables. Encore moins celui qu’il a signé avec une entreprise de paris sportifs. Cette opacité soulève des questions sur la sincérité de son engagement à instaurer une gestion transparente.
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Depuis mars 2024, la nomination de Marc Brys à la tête des Lions Indomptables a redonné un souffle conquérant à l'équipe nationale camerounaise. Sous la direction du technicien belge, le Cameroun s'est qualifié pour la CAN 2025 après une série convaincante de quatre matchs éliminatoires. Ce succès, largement attribué à la volonté du gouvernement qui a imposé Brys malgré l'opposition de la Fécafoot, tranche avec les déboires précédents. Depuis l'élection de Samuel Eto’o à la présidence de l'instance en 2021, les résultats des sélections nationales ont été décevants, à l'exception notable de la troisième place obtenue lors de la CAN 2021.
Les contre-performances s'accumulent en effet pour les différentes catégories de sélection. Les Lions Indomptables ont été éliminés dès le premier tour du Mondial 2022, tout comme les Lions locaux au CHAN 2022. Les U23 ont raté leur qualification pour la CAN 2023 et les Jeux Olympiques de 2024, tandis que les U20 ont manqué la CAN 2023 et le Mondial suivant. Les U17, eux, n’ont pas réussi à se qualifier pour deux CAN consécutives (2023 et 2025). Du côté des dames, la sélection principale n’a pas dépassé les quarts de finale de la CAN 2022 et a échoué à se qualifier pour la Coupe du monde 2023, bien qu'elle ait obtenu son billet pour la Coupe d'Afrique 2024.
Une autre promesse phare de Samuel Eto’o portait sur le développement du football au Cameroun en s’inspirant du « modèle allemand », avec une attention particulière au football des jeunes. Lors de sa campagne, il s’était engagé à instaurer un championnat national de football jeunes et à organiser des compétitions spécifiques sur l’ensemble du territoire. Cependant, dans les faits, les centres de formation et les clubs de football amateur, principaux acteurs de cette dynamique, s'estiment oubliés. Les compétitions destinées aux jeunes sont rares, avec à peine dix matchs disputés par saison.
Pendant ce temps, l’accent semble davantage mis sur les championnats professionnels et féminins, où des ressources financières importantes sont mobilisées par les sponsors et l’État. Par exemple, pour la saison 2022-2023, la Fécafoot a consacré seulement 120 millions de francs CFA au développement du football des jeunes sur un budget total de 2,9 milliards de francs CFA. Un déséquilibre d’autant plus critiqué que les clubs professionnels camerounais peinent depuis des années à franchir les tours préliminaires des compétitions africaines, illustrant ainsi les limites du système actuel.
Sur le plan institutionnel, Samuel Eto’o avait promis de réinventer les relations entre la Fécafoot et le ministère des Sports, notamment en établissant un cadre permanent de dialogue semestriel. Cependant, cette initiative n’a jamais vu le jour. Au lieu de cela, les relations entre la Fécafoot et sa tutelle se sont transformées en une série de conflits marqués par une guerre d'égos persistante. Le principal point de discorde concerne la gestion de l'équipe nationale de football, un domaine où les divergences se multiplient.
La nomination de Marc Brys à la tête des Lions Indomptables illustre ces tensions. Opposés sur ce choix, Narcisse Mouelle Kombi, ministre des Sports, et Samuel Eto’o n’arrivent pas à s’accorder sur les rôles des membres de l’encadrement technique. Résultat : un environnement chaotique où deux groupes, l’un désigné par le gouvernement et l’autre par la Fécafoot, doivent cohabiter malgré des orientations divergentes et des rivalités de pouvoir.