Poussé à la retraite après de nombreux conflits avec les dirigeants de la Fécafoot, Samuel Eto’o avait bénéficié du soutien de l’Etat pour revenir en sélection en octobre 2013. Dix ans plus tard, l’histoire pourrait se répéter avec André Onana, en froid cette fois, avec une Fécafoot dirigée par Eto’o.
Le gouvernement du Cameroun pousse pour un retour d’André Onana en sélection nationale. Le gardien de 27 ans (34 sélections) avait annoncé le 23 décembre 2022 qu’il ne portera plus les couleurs de son pays, après avoir été suspendu par la Fécafoot pour «indiscipline» lors du Mondial au Qatar.
Cependant, les belles performances du gardien de l’Inter Milan, notamment en Ligue des champions où il est le meilleur à son poste avec 6 clean-sheets et 40 arrêts décisifs, ne laissent pas les dirigeants de son pays indifférents. En date du 19 avril 2023, le ministre camerounais des sports a écrit au président des Nerazzurri. Narcisse Mouelle Kombi sollicite une mise à disposition d’André Onana en vue d’une éventuelle convocation chez les Lions Indomptables.
Ce n’est en effet pas la première fois que le politique camerounais s’engage à sortir un joueur de sa retraite internationale. En 2013, Samuel Eto’o avait déjà bénéficié de la même attention, un mois après avoir annoncé son retrait des Lions Indomptables pour des «raisons personnelles». Alors âgé de 32 ans, l’attaquant de Chelsea avait expliqué début octobre 2013, qu’il réintégrait la sélection à la demande du président du Cameroun, Paul Biya.
«La personne la plus importante du pays souhaite que je revienne en équipe nationale pour que nous puissions nous qualifier pour la prochaine Coupe du monde [2014], avait déclaré Eto'o à Reuters. Je vais donc tout faire pour rejoindre mes coéquipiers». A l’époque, la Fécafoot avec qui il était en conflit permanent n’a pas eu son à dire. Eto’o qui estimait que les footballeurs «en tant que citoyens camerounais» ont «un certain devoir vis-à-vis de la nation», a rejoint la sélection pour les barrages du Mondial 2014 contre la Tunisie [0-0 le 11 octobre à Radès et 4-1 le 15 novembre à Yaoundé].
Près de dix ans plus tard, l’histoire pourrait se répéter avec le cas André Onana, mais à la différence que la Fécafoot avec qui il est en froid, est dirigée par un certain… Samuel Eto’o. De quoi s’attendre à d’éventuelles complications dans le dossier de son retour ? «Il faut espérer qu’il y ait eu une concertation entre l’exécutif de la Fécafoot et le ministre. Sinon, connaissant l’énorme ego des dirigeants de la Fédération, il faut s’attendre à une atmosphère complètement pourrie au cas où Onana, imposé par le ministère, revenait», décrypte Jean Bruno Tagne, journaliste et ancien directeur de campagne de Samuel Eto’o.
Les signes d’un éventuel conflit entre le ministre des sports et la Fécafoot sont, en tout cas, déjà perceptibles. Les soutiens de Samuel Eto’o jugent en effet inopportunes, les manœuvres de la tutelle dans le dossier Onana. «Le ministre viole toutes les règles de bienséance. Il se substitue au président de la Fécafoot ou à défaut au manager-sélectionneur des Lions», fait remarquer Francis Bonga, journaliste réputé proche de Samuel Eto’o. A l’inverse, des analystes estiment que la tutelle des sports est dans son bon droit, compte tenu du fait que quatre mois après le Mondial, la Fécafoot n’a tenté aucune médiation avec André Onana.
«Quand on voit l’amateurisme avec lequel le dossier Onana a été traité par la Fécafoot, on peut comprendre que le gouvernement, à travers son ministre des sports, décide de prendre les devants pour ramener le prodige à la maison», soutient Jean Bruno Tagne. «Les dirigeants de la Fécafoot, poursuit-il, par leur incompétence notoire dans ce dossier, sont responsables de ce qui, dans un environnement normal, aurait été considéré comme une ingérence». Les yeux des Camerounais sont rivés sur Eto’o.
Arthur Wandji