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Alpinisme : Zakaria Lamrani, le Sénégalo-Marocain qui a gravi le Kilimandjaro

Depuis le 1er septembre 2022, le drapeau du Sénégal a flotté au sommet du Mont Kilimandjaro. Une première pour le pays de la Teranga, rendue possible grâce à Zakaria Naji Lamrani, un de ses fils adoptifs. Ce cardiologue dans la vie de tous les jours est un mordu d’alpinisme et un amoureux du Sénégal où il a fait ses études de médecine et désormais où il vit. Sport News Africa a contacté cet amoureux de la nature pour vous plonger dans ces expéditions extrêmes au Kilimandjaro et depuis le 17 septembre au Mont Elbrouz (Russie), le toit d’Europe.

Zakaria Lamrani, au sommet du Kilimandjaro.

Décidément, 2022 est vraiment une « année sénégalaise ». Mais cette fois-ci on ne parle pas de football mais plutôt d’alpinisme grâce au Dr Zakaria Lamrani, qui a dompté les toits d’Afrique, le Kilimandjaro, et d’Europe, le Mont Elbrouz. Ce médecin en 4ème année de cardiologie et maladie du vaisseau à la faculté de médecine de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar est devenu un digne fils du Sénégal par amour d’abord, ensuite depuis son exploit de hisser pour la première fois de l’histoire le drapeau sénégalais sur les toits d’Afrique et d’Europe.

L’alpinisme, un héritage familial

Venu au Sénégal pour poursuivre ses études et devenir médecin, Zakaria Lamrani s’est tout de suite épris d’amour pour ce qu’il appelle désormais son « 2ème chez lui ». « Le Sénégal m’a accueilli les bras ouverts et m’a donné cette opportunité de faire quelque chose que je voulais et que je n’avais pas la possibilité de faire au Maroc, confie Dr Lamrani. J’ai choisi le Sénégal et je ne le regrette pas. J’ai été adopté à tous les niveaux. On m’a pris en charge. C’est vraiment le pays de la Teranga », se réjouit-il au micro de Sport News Africa.

Cardiologue à l’hôpital Dalal Jamm à Guédiawaye dans la banlieue de Dakar, Zakaria Lamrani est aussi un grand amateur de sport. Et l’escalade est une affaire de famille chez les Lamrani. « Le sport fait partie intégrante de ma vie, soutient-il. J’ai fait plusieurs arts martiaux, je pratique beaucoup de sports mais pour l’alpinisme c’est une histoire de famille. Ma mère enseigne la géologie. Elle avait quelques sommets en poche. Mon père a escaladé sa première montagne à l’âge de 11 ans. C’était un 1600m dans son village d’origine ».

C’est seulement en 2013, qu’il s’offre son premier sommet, le Mont Toubkal (à 63 KM au nord de Marrakech). Il avait alors 21 ans. C’est moins bien que son neveu âgé seulement de 4 ans et qui en septembre dernier s’est offert ce même sommet à 4167m, nous a-t-il renseigné. Cet aventurier de 30 ans aime l’adrénaline. « Je suis un mordu d’alpinisme, des sports extrêmes, motos, parachutisme, sports de combat. Je voyage beaucoup, j’ai déjà fait 26 pays. Je suis tout simplement un amoureux des montagnes, de la nature en général », confie-t-il.

Le Sénégal sur le toit de l’Afrique

Le 6 février 2022, le Sénégal était sur le sommet de l’Afrique avec le sacre des Lions à la CAN au Cameroun. 7 mois plus tard, le 1er septembre, le vert, le jaune estampillé d’une étoile verte et le rouge ont de nouveau flotté sur le toit du continent au Mont Kilimandjaro. « Arrivé au sommet à 5895m, j’ai hissé les drapeaux du Maroc et du Sénégal. C’était pour le Sénégal la première fois de l’histoire », s’est enorgueilli Dr Zakaria Lamrani qui aurait pu gravir le monstre tanzanien, l’un de ses plus grands défis, bien plus tôt n’eût été ses « longues périodes d’études et ses engagements médicaux ». « Je suis en Afrique, je suis au Sénégal, je suis Marocain et j’avais une quête. On rêve tous de conquérir quelque chose dans notre vie. Beaucoup de gens visent le sommet du Kilimandjaro », argue-t-il.

Zakaria Lamrani
Zakaria Lamrani emmène aussi le drapeau sénégalais partout dans ses expéditions.

Une prouesse admirable surtout lorsqu’on sait le coût de telles expéditions. « Je n’ai jamais été sponsorisé, j’ai réalisé ses ascensions par mes propres moyens, renseigne Zakaria Lamrani. 2, 3 montagnes ça va mais il faut savoir que je suis en quête des 7 plus hauts sommets de chacun des 7 continents. Cela demande un budget. Les budgets diffèrent d’une montagne à une autre. L’Everest par exemple nécessite au moins 30 Millions FCFA. C’est deux mois d’expédition », confie t-il.

C’est au Sénégal que l’idée lui est venue. Désormais bénéficiaire de deux mois de congés par an, il se lance comme objectif cette année, les hauts sommets d’Afrique, d’Europe et d’Australie. Un véritable périple. « Pour ce type d'escalade, il faut analyser les conditions de la montagne, les caractéristiques et les particularités de cette montagne, explique-t-il. Pour le Kilimandjaro, il ne faisait pas très froid, aux alentours de 9, 8 degrés, donc pas des températures extrêmes. Il fallait juste se préparer physiquement et plus mentalement parce que c’est une expédition qui dure 7 jours (6 jours pour monter et 1 jour pour redescendre, ndlr) ».

Une aventure de Gladiateur

L’acclimatation pour donner à l’organisme un temps d’adaptation au manque d’oxygène et à l’altitude a été le point central de sa préparation. Durant l’ascension, les alpinistes effectuent des rotations tout autour de la montagne. « C’est pour ça que ça prend beaucoup de temps. On peut par exemple choisir de faire un dénivelé de 800m, de 3000 à 3800m. Mais on ne dort pas à 3800. On redescend dormir à 3000m d’altitude. Cela permet à nos différents organes de s’adapter à cette altitude. Nous vivons au niveau de la mer et le risque c’est la mort par le mal aigu de montagne (MAM) », explique l’alpiniste.

Le 17 septembre 2022, à peine deux semaines après l’exploit du Kilimandjaro, Zakaria Lamrani surplombe déjà le Mont Elbrouz (Russie), plus haut sommet du continent européen. Le géant du Caucase russe culminant à 5642 m d’altitude a été franchi en 4 jours par l’alpiniste Sénégalo-marocain qui partait sur 8 jours d’ascension. « La dernière étape nous a pris 23 heures lors du summit push. C’est la nuit où on décide de gravir la montagne, le dernier effort pour atteindre le sommet. On n’a plus nos tentes avec nous donc il faut impérativement terminer l’ascension », raconte-t-il.

Pour affronter le Mont Elbrouz et ses conditions extrêmes, il n’a pas hésité à s’infliger une simulation intensive. « J’achetais des blocs de glaces habituellement destinés à conserver le poisson à Kermel (un marché de Dakar, ndlr). 40 à 50 KG de glaces que je mettais dans la baignoire et j’y restais pendant 30 minutes, une heure de temps, jusqu’à ce que mon corps et mon esprit n’aient plus aucun problème avec ces conditions extrêmes. Si on trouve le courage de plonger le premier orteil dans cette eau glacée, on se dit qu’on peut affronter toutes nos peurs », juge-t-il. Cet exercice lui a permis de centraliser son énergie et surtout d’anticiper le choc thermique de la transition entre le mois d’août au Sénégal, à des thermomètres de -20 degré en Russie.

Zakaria Lamrani a fait appel à un guide « expérimenté » pour dompter l’Elbrouz. Et pourtant, ils ont frôlé la mort lors du « summit push ». « J’ai choisi un guide avec assez d’expérience. Mais moi je suis cardiologue donc je suis habitué aux situations d’urgence aussi. Il fallait juste travailler en équipe. Le soir où l’on décide de faire le sommet, on est tombé dans une tempête de neige qui nous a coincé pendant 9 heures de temps sous -30 degrés, 70km/heure de vent et une visibilité impossible. Un travail d’équipe et un état d’esprit en béton nous ont permis de nous en sortir. Ça prouve que rien n’est impossible en fait. On est parvenu à gravir le sommet et on a été les seuls (sur l’expédition) à le réaliser », a-t-il ajouté.

Sur le dos, plus de 27kg de paquetage constitué de vivres, de médicaments, de cordes, de poudriers, de piolets… Un véritable kit de survie pour une ascension où 5 alpinistes pris dans une tempête de neige ont trouvé la mort à la même période en 2021. « J’ai fait une préparation mentale parce que je savais que c’était plus une question de mindset (ndlr: état d’esprit). Ça va être dur, le climat sera difficile. Mentalement il fallait que je m’apprête parce que je sais qu’il y a un risque de mourir ». Le réconfort est au bout de l’effort quand Zakaria Lamrani découvre la vue panoramique. « Là-haut j’ai eu la chance de contempler des glaciers que les scientifiques ont prédit qu’ils disparaîtront vers 2025. J’ai vu les étoiles à perte de vue, les constellations clairement visibles à l’altitude », s’est-il réjoui.

Objectif, les sommets des 7 continents

Réaliser l’ascension du Kilimandjaro et de l'Elbrouz est déjà un grand exploit pour tout alpiniste. Pourtant, Zakaria Lamrani est loin d’être rassasié. « J’ai l’ambition de gravir les 7 plus hauts sommets des 7 continents. J’envisage d’escalader le toit du monde, le Mont Everest et d’y hisser les drapeaux du Sénégal et du Maroc dans les deux prochaines années », lance-t-il. Alors qu’il avait planifié pour cette année de gravir un 3ème sommet, le toit d’Australie, la Pyramide de Carstensz et ses 4884 m d’altitude, Dr Lamrani est contraint de différer à cause des conditions climatiques changeantes.

« Je suis parti pour le mont Elbrouz sachant que c’est la fin de l’été, avoue-t-il. Mon plus grand défi ce n’est pas le climat, c’est le fait que je vive au Sénégal où il n’y a pas de montagnes. Je ne m’entraîne pas toute l’année en altitude. Le climat du Sénégal n’a rien à voir avec le mont Elbrouz. Ce sont deux climats totalement opposés », assure-t-il. Pour pallier ce handicap, il effectue une préparation physique agrémentée de longues marches avec un sac de 30kg sur le dos. Un entraînement en salle avec des exercices d’escaliers électriques et même des immeubles de 15 étages à Dakar.

Zakaria Lamrani aimerait créer des vocations d’alpinistes chez les Sénégalais. Lui qui a tant « horreur d’entendre que c’est un sport de blanc ». « Je souhaite que d’autres Sénégalais gravissent des montagnes. J’ai horreur qu’on dise que l’alpinisme est un sport de blanc. Il faut se laisser tenter par la découverte. Pourquoi pas une première équipe d’alpinistes sénégalais au Mont Everest ? Hisser le drapeau du Sénégal au sommet de ces montagnes est une marque de patriotisme et d’appartenance et de reconnaissance envers mon 2ème chez-moi, le Sénégal. Je suis satisfait de l’image d’une intégration réussie que je véhicule. Je suis ambassadeur des deux pays, un homme pour deux peuples. Je ne viens pas juste pour décrocher mon diplôme mais aussi pour laisser mon empreinte. C’est ce message là que j’aimerais véhiculer. C’est de l’humanité des Sénégalais que j’ai ce sentiment de gratitude », assure-t-il.

Moustapha M. SADIO

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