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Sénégal-Ligue 1 : Casa-Jaraaf, un demi-siècle de rivalité entre Nord et Sud

Le Casa Sport reçoit le Jaraaf ce lundi 26 décembre (16h30) pour le compte de la 10ème journée de Ligue 1 sénégalaise. Cette affiche surnommée «Classico» entre le Casa, club fanion de la région de Ziguinchor en Casamance (sud du pays) et le Jaraaf, club de la Médina à Dakar, symbolise la rivalité parfois exacerbée entre le Nord et le Sud. SNA vous plonge au cœur de l’histoire de l'affiche la plus attendue à chaque saison par les Sénégalais.

De notre correspondant au Sénégal,

Une affiche de Casa Sport-Jaraaf de la saison 2021-2022

Ce lundi 26 décembre, la Ligue 1 sénégalaise va vivre son «boxing day» en ce lendemain de Noël. Les amateurs du football locale ne pouvaient rêver mieux. Une affiche Casa-Jaraaf, faire le tour en vaut a chandelle pour ce Classico sénégalais. Le Casa Sport 2ème (17 points) reçoit Jaraaf, 9ème (11 points) au stade Aline Sitoé Diatta, pour le compte de la 10ème journée de la Ligue 1 sénégalaise.

Au-delà de l’enjeu sportif immédiat, ce match est un «must win» pour les deux clubs les plus populaires du pays mais avec une rivalité historique. Celle-ci symbolisant les disparités ethniques et politiques entre le Sud et la capitale. À la fin des années 70. Alors que tous les titres du championnat et de Coupe du Sénégal étaient remportés par les clubs du Nord, le Casa Sport se présente en porte-étendard du Sud pour contester l’hégémonie sans partage du Nord sur le football.

Le Sud veut s’affranchir du Nord

En 1979, la finale de la Coupe du Sénégal oppose Jaraaf, club de la capitale et ses 10 trophées majeurs (5 fois champion et 5 Coupes du Sénégal) au Casa Sport au palmarès encore vierge. Le club de Ziguinchor remporte le trophée grâce à un doublé de Bassirou Ndiaye. C’est donc l’acte de naissance du Sud dans l’échiquier du football sénégalais. «Le Casa Sports n’était pas favori de la finale. Mais comme je le dis souvent, on ne joue pas une finale, on la gagne. Et ce jour de 1979, on avait à cœur de remporter cette coupe», rappelle dans un entretien en 2016 avec l’APS, l’ancien capitaine du Casa, Demba Ramata Ndiaye.

En 1982, alors que les tensions politiques s’exacerbent entre le Sud et l'État, la guerre de Casamance éclate. Le mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC) réclame l’indépendance de toute la région naturelle de Casamance au sud-ouest du pays? Et frontalière de la Guinée Bissau et la Guinée. Elle durera une trentaine d’années. Le match Casa - Jaraaf n’est pas épargné par ce climat. «À l’époque avec la guerre en Casamance, les tensions entre le Nord et le Sud étaient vives surtout dans le public. C’était moins le cas entre les équipes», explique Ibou Diarra, ancien attaquant du Casa Sport, joint par SNA.

Le brassage ethnique au sein des deux clubs a beaucoup aidé à ce que les choses ne s’enveniment sur le terrain. «Au Casa, on avait beaucoup de joueurs qui venaient du Nord. Ils s'assimilent aux Casamançais et s'identifient aux Joola (ethnie majoritaire en Casamance). Ils étaient fiers d’appartenir au Casa Sport et de s’apparenter aux 'Sudistes'. Quand le match se jouait à Dakar, on était considéré comme l’équipe du Sud. Il est vrai que quelque fois sur le terrain, un joueur du Jaraaf pouvait te traiter de rebelle. Mais c’était rare. Cette cassure entre le Nord et le Sud ne se vivait pas dans le groupe», assure Ibou Diarra, entraîneur du Casa entre 2013 et 2014.

Même si la guerre en Casamance n’était plus d’actualité à leur arrivée au Casa Sport. Bonaventure Mankabou et ses coéquipiers ont été nourris dans les années 2010 par cette rivalité. «On n’a pas vécu la finale de coupe du Sénégal 1979 mais on connaît tous l’histoire. Notre coach Demba Ramata Ndiaye était de cette équipe et nous a parlé de l’histoire et des réalités des deux clubs. On entretenait cette rivalité quand on affrontait le Jaraaf. On ne voulait pas que le Sud perde devant le Nord. Ce sentiment existait vraiment dans cette affiche. C’était Ziguinchor contre Dakar même s’ils ne sont pas le seul club de la capitale. Ils en étaient le symbole» a confié à SNA l’ancien milieu du Casa Sport.

Un match pas comme les autres

On aurait pu penser que l’énorme différence au palmarès entre le Jaraaf, club le plus titré du pays (12 fois champion et 15 Coupes du Sénégal) et Casa Sport (2 fois champion et 4 Coupes du Sénégal) puisse atténuer la rivalité entre les deux clubs. Que nenni ! Dans les années 80, c’était déjà un des matchs phares de la saison. Dans les années 80, c’était déjà un match particulier, confie Ibou Diarra. Toute la semaine, les supporters nous le rappelaient : 'C’est le Jaraaf qui vient ce week-end. Tout le monde se tenait prêt pour ce duel'. Nous, joueurs, aimions vraiment participer à ce match qui suscitait énormément d’engouement pour le public à Dakar comme à Ziguinchor.»

Bonaventure Mankabou a eu la chance d’évoluer dans les  deux clubs. Et il se rappelle l’importance du match au Jaraaf. «Quand j’étais au Jaraaf, j’ai vu comment ils préparent ce rendez-vous contre le Casa Sport. C’était très différent des autres matchs. Ils étaient prêts à tout pour gagner ce match. Il y avait beaucoup de sérieux dans la préparation chez les dirigeants, les supporters. Ils considèrent le Casa comme une très grande équipe du championnat. Et les battre était presque la chose la plus importante de l’année. On avait deux jours de mise au vert pour ce match-là. C’est là que j’ai compris l’importance de ce match là pour le Jaraaf » raconte-t-il.

Au stade Aline Sitoé Diatta ou au stade Demba Diop avant sa fermeture en 2017, le Classico a marqué ses acteurs. «Mon premier Classico ? c’était lors de ma première saison en séniors, se souvient Bonaventure Mankabou. Je n’avais pas beaucoup joué cette saison là. Mais j’ai eu la chance de disputer la finale de Coupe de la Ligue face au Jaraaf justement (2-1 pour Casa Sport). L’autre Classico qui m’a marqué, c’était un déplacement à Dakar. Un match qui n’a finalement pas eu lieu parce qu’au Casa on avait pas le bon jeu de maillot. Le Jaraaf s’est hâté de plier bagage pour remporter ce match sur tapis vert. Pendant que nos dirigeants tentaient de nous trouver d’autres maillots. Ce jour là, on a pleuré au vestiaire jusqu’en regroupement. C’était un match décisif cette saison-là. »

Du côté des dirigeants, on hésitait pas à sur motiver les joueurs. «Au Casa Sport la prime de victoire face au Jaraaf pouvait grimper. Du côté du Jaraaf, la prime passait de 15.000 FCFA à 50.000 FCFA», renseigne Mankabou.

Quarante-trois ans après, cette finale de Coupe du Sénégal 1979, la rivalité entre le Casa Sport et  le Jaraaf semble s’essouffler. Surtout avec le renouvellement des générations dans les deux clubs. «Je trouve que l’excitation de cette affiche est moins intense aujourd’hui. Le Casa affronte le Jaraaf ce lundi et on ne sent pas d’effervescence ici à Ziguinchor» a regretté Ibou Diarra.

Moustapha M. SADIO

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