L’AS Douanes, c’est sa maison. Il a tout connu là-bas en tant que joueur en gagnant tous les trophées mis en jeu sur le plan national. A la tête de l’équipe depuis 2014, Mamadou Guèye « Pabi », a marqué d’une empreinte indélébile l’histoire du club en remportant 6 trophées (2014, 2016, 2017, 2018, 2019 et 2022) sur les 8 derniers championnats. Avant son arrivée, l’AS Douanes n’en comptait que 4 (1998, 2007, 2008, 2011). Dans cet entretien exclusif, le coach assistant de l’équipe nationale masculine du Sénégal, revient sans détour sur le parcours de son équipe, la particularité de chacun des titres glanés, sa philosophie du travail, mais aussi ses objectifs lors de la saison 3 de la BAL.
De notre correspondant au Sénégal
Mamadou Guèye « Pabi », l’AS Douanes vient de décrocher un 6ème titre sur les 8 derniers exercices. Pouvez-vous revenir sur ce sacre ?
Nous avons fait comprendre aux joueurs que chacun aura son moment. Nous ne jouons pas un basket où un seul joueur vampirise la balle. Tout le monde doit jouer sa partition. Je pense que toutes les pièces du puzzle ont été ensemble. Il y avait une symbiose, une confiance mutuelle dans le travail et on s’en nourrit. On joue ensemble depuis un an pour certains et d’autres depuis presque 6 ou 7 ans. Cela nous permet de dominer les autres équipes par la cohésion de groupe, le travail, la tactique et la rigueur. Notre alchimie a porté ses fruits dans les moments décisifs. Je pense que c’est très important de réunir tous ces facteurs dans un groupe.
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Qu’est-ce qui fait la particularité de ce titre ?
La particularité c’est que nous avons perdu huit joueurs. Ils étaient des éléments très importants et des cadres du dispositif de cette équipe. Ce n’était pas du tout évident. Je suis parti du projet de chef à celui d’équipe. Je me suis rendu compte au bout de 3 à 4 mois que le projet d’équipe était capable de réunir, mobiliser, rassembler, toutes les forces nécessaires pour faire un bon basket. Dans les moments difficiles, les joueurs prenaient leurs propres initiatives parce que c’était leur propre projet.
« 2022, titre le plus marquant »
Comment vous avez construit chacun de ces titres ?
Mamadou Guèye « Pabi » : C’est en entretenant la motivation des uns et des autres. Dans les sports collectifs surtout en basket, il faut entretenir la motivation des joueurs, rester à l’origine de toutes les initiatives, cultiver les petits déséquilibres, car trop de routine et de satisfaction entraînent une certaine suffisance d’où une perte d’agressivité. Certains coaches pour cultiver cette agressivité se basent sur l’inconfort psychologique. Cette théorie me parait contestable car elle fragilise les joueurs dans la durée et ils ne comprennent plus. Je pense que coacher c’est donner du respect à ses joueurs. C’est ce que j’essaie de faire et développer depuis que j’ai commencé ce métier. C’est très important de responsabiliser et rassurer les joueurs. Ils ont besoin de ça surtout quand la difficulté s’installe pendant une rencontre.
Et le titre qui vous a le plus marqué ?
C’est le titre de 2022. Ce n’est pas une obsession de prendre le championnat au début. Le bébé est venu plus tôt que prévu. On avait une équipe amoindrie avec des départs durant l’intersaison, les recrues qui nous ont fait faux bond, les joueurs pas qualifiés, sans oublier le départ de l’un de nos meneurs, Mamadou Faye, parti en France en milieu de saison durant les demi-finales du championnat. Mais une équipe c’est un ensemble. Il suffit juste d’avoir une philosophie et une identité pour pouvoir évoluer. Il faut que chaque joueur se sente concerné par le projet. Ils doivent connaître leur rôle sur le terrain et qu’ils l’acceptent. C’est ce que les joueurs ont fait et cela a été une grande aide.
Cinq fois meilleur entraîneur du N1 masculin, Mamadou Guèye « Pabi » est-il le meilleur technicien sénégalais de cette décennie ? (ndlr : il peut décrocher un 6e prix dimanche lors du couronnement du roi et de la reine de la saison)
Je ne saurais le dire. J’ai la chance et l’opportunité d’être dans un grand club, organisé, avec un bon staff, de bons joueurs disciplinés et qui ont envie de prouver tout le bien qu’on pense d’eux. Tous ces ingrédients font que je suis tout le temps cité parmi les meilleurs coaches du championnat. Je dis juste merci à l’AS Douanes, aux joueurs pour leur sacrifice.
L’AS Douanes retourne à la BAL. Quels seront les objectifs après les quarts en 2021 ?
Mamadou Guèye « Pabi » : L’objectif sera de faire mieux qu’en 2021. Il ne suffit pas de parler mais de le traduire en acte concret. Il y a des sacrifices à faire, beaucoup de discipline, de travail, des moyens, entre autres. J’en ai parlé aux responsables du club et ils ont promis de tout faire pour avoir une équipe compétitive. Je n’hésiterai pas à chercher des joueurs un peu partout en Afrique, dans le championnat sénégalais au DUC, Louga BC, Ville de Dakar ou la JA, s’ils peuvent nous apporter quelque chose. La réussite de l’AS Douanes est celle de tout un peuple.
« La BAL fait une très bonne promotion du basket africain »
Est-ce que vous avez déjà une idée des profils qui vous manquent dans votre groupe ?
Cette année, nous avons eu une assez bonne équipe, auréolée d’un titre de champion. Ce sont des joueurs très compétitifs, valeureux et méritants. Mon travail c’est de savoir diriger, prendre des décisions, faire des choix sans que les dimensions affectives ne prennent le pas sur le projet. Nous sommes à l’AS Douanes pour gagner. Il y a des moments qui ne sont pas faciles surtout quand on doit faire des choix. Mais je ferai des choix qui seront dans l’intérêt de l’équipe. C’est pourquoi je disais que j’ai des joueurs qui ont beaucoup de mérite mais je ferai les bons choix au moment opportun. Je prendrai le talent où qu’il puisse être parce qu’on représente le Sénégal. On a une obligation de faire de bons résultats si les moyens suivent.
Qu’apporte la BAL au basket local et surtout africain ?
La Basketball Africa League est une vitrine pour les basketteurs locaux. Elle permet aux joueurs de se frotter aux meilleurs du monde, de vivre de leur métier. Je prends l’exemple de Mamadou Faye qui a été révélé au public lors de la 1ère édition de la BAL. Il a intégré l’équipe nationale avant de s’exporter en France. Je peux citer Adama Diakité, pivot du DUC. Il a eu un contrat en Europe. Je peux donner d’autres exemples. La BAL fait une très bonne promotion du basket africain.
Y'a t-il une chose qui vous tient à cœur et que vous avez eu envie de réaliser aujourd’hui ?
Mamadou Guèye « Pabi » : La station la plus haute de la seigneurie c’est le fait d’aider son prochain. Mon souhait en tant que joueur c’était d’aider les autres avec les moyens dont je dispose. Je souhaiterais dans ce métier pouvoir aider les autres. Que Dieu me prête longue vie et me donne les moyens de pouvoir le faire. Je ne parle même pas du basket. Je suis un très grand humaniste. J’aime aider et prendre soin des autres. J’oublie parfois même ma propre personne. De ce fait, je prie chaque jour Dieu de me donner la santé, la force et les moyens financiers de réaliser de bonnes actions. Il y a des choses beaucoup plus importantes dans la vie que ce que nous sommes en train de faire. Mais il y a des gestes qui peuvent changer la vie de beaucoup de personnes sans qu’on puisse s’en rendre compte.
Victor BAGAYOKO
