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Plusieurs hauts responsables du CIO (Comité international olympique) et de l’ACNOA (Association des comités nationaux et olympiques africains) sont accusés d’attouchement et harcèlement sexuel depuis une quinzaine d’années. Plusieurs plaintes internes ont été déposées sans aucun résultat malgré les relances auprès des plus hautes autorités olympiques, incluant le président sortant, Thomas Bach.
Le 1er novembre 2017, une employée de l’ACNOA a officiellement informé Sam Ramsamy, alors responsable de la commission d’éthique de l’Association des comités nations et olympiques africains, des cas de « harcèlement sexuel » dont elle se disait victime dans le passé - depuis 2007 en l’occurrence.
Or, il faudra des relances et près de cinq ans au Sud-Africain pour répondre de manière très surprenante à l’intéressée et à son avocat : « Je souhaite dire que c’est la première fois que je vois trace d’une telle documentation. Surprenamment, il n’y avait aucun suivi d’un tel document, ce qui je dois dire est assez déroutant. »
Cette inertie, décrite dans une enquête publiée par The Inquisitor, illustre l’inaction globale de l’ACNOA et du CIO en matière de lutte contre les attouchements et le harcèlement sexuel malgré les déclarations répétées devant les caméras pour « les droits de la femme » et « l’égalitarisme ».
Plusieurs alertes ont été poussées depuis une quinzaine d’années ; un document interne évoque une plainte transmise au CIO sous la présidence de Jacques Rogge (2001 à 2013) à propos de Tommy Sithole, un des pontes de l’olympisme africain et mondial.
« En tant que femme, ils ne pouvaient pas comprendre que je puisse leur refuser quoi que ce soit »
Dans une famille olympique cultivant la loi du silence, rares ont été les personnes à dénoncer de telles actes. « Je suis en vie grâce à Dieu », témoigne une ancienne employée sous couvert d’anonymat par peur des représailles. « A l’ACNOA, beaucoup se prennent pour les rois du monde et traitent les gens comme des esclaves. En tant que femme, ils ne pouvaient pas comprendre que je puisse leur refuser quoi que ce soit ; y compris mon corps. »
Les documents internes et les récits relatifs à ces cas d’attouchements et harcèlement sexuel impliquant différents membres officiels de l’ACNOA et du CIO sont pourtant éloquents :
« J’ai pris mon courage pour monter dans la chambre de M. Sithole […] A mon grand désarroi, en arrivant dans la chambre de M. Sithole, il était nu avec seulement un slip blanc. Alors que j’essayais de gérer cette situation dans mon esprit, il m’a prise et m’a embrassé de force. J’étais impuissante et luttais pour qu’il s’arrête, puis j’ai couru jusque dans la salle de bain. J’ai fermé la porte commencé à vomir parce que j’étais dans un dégoût absolu ; je me sentais comme sa proie. Je me sentais sale, déshumanisée, et j’ai quitté la chambre avec le cœur brisé. »
D’autres faits précis, impliquant par exemple le président du Comité olympique libérien, Philipbert Semogai Browne, sont relatés au fil des années : « Il m’a prise, m’a poussé sur le lit avec toute sa force pour m’obliger à l’embrasser. » Malgré cela, la commission d’éthique de l’ACNOA innocentera en 2023 (six ans après le premier courrier!) chacun des individus mentionnés en estimant que leur enquête ne confirmait pas les dires.
Immunité diplomatique obtenue pour l’ACNOA au Nigeria
Sam Ramsamy, le vénérable maître sud-africain de l’olympisme (il est membre honoraire du CIO après en avoir été membre officiel de 1995 à 2018), incita la plaignante à se tourner vers la justice civile le cas échéant. Or, l’ACNOA avait négocié secrètement une sorte d’immunité auprès des autorités du Nigeria – où le quartier général de l’organisation est basée – selon une lettre officielle de l’ancien président, Lassana Palenfo.
De fait, la plainte déposée par l’ancienne employée a été immédiatement rejetée par la justice nigériane. En connaissance de cause, l’ACNOA et la Commission d’éthique du CIO ont pourtant dirigé la plaignante vers la justice civile si elle le souhaitait ; parfaitement conscientes que cela ne servirait à rien.
Alors que le CIO s'est réuni pour élire Kirsty Coventry comme nouvelle présidente, le président sortant, Thomas Bach, qui a fait du « droit des femmes » l’un de ses arguments de communication, n’avait également pas réagi, ni même bougé le petit doigt lorsqu’il a été officiellement contactée le 5 avril 2022 pour cette affaire.
Une hypocrisie terrible alors que le nombre de dirigeants cités pour des faits de comportements déplacés, attouchements, harcèlement (moral et sexuel) à l’ACNOA est important selon The Inquisitor :
Ces derniers n’ont pas répondu aux questions envoyées pour donner leur version.
« Un préservatif comme instrument de travail »
Parmi les comportements particulièrement déplacés, celui de Joao Manuel Da Costa Alegre Afonso a été épinglé dans une lettre officielle du 25 juin 2022 transmise à la Commission d’éthique de l’ACNOA. Il détaille un échange où il s’adresse à une employée de l’ACNOA en lui demandant si elle a bien son « instrument de travail », en l’occurrence « un préservatif ».
Mustapha Berraf, le tout-puissant président de l’ACNOA récemment réélu sans opposant, est également cité pour ses remarques incessantes sur les tenues de l’intéressée, ses surnoms enflammés (« mon petit cœur »), ses appels nocturnes et son attitude générale lorsque la plaignante ne satisfaisait pas ses demandes qu’importe l’heure ou le jour de la semaine.
Désabusée par des années de procédure et des représailles de certains membres de l’ACNOA – elle explique que Mustapha Berraf est intervenu personnellement pour lui causer des « torts juridiques » dans son propre pays pour des faits imaginaires -, son cabinet d’avocats avait écrit directement au président du CIO, Thomas Bach, le 5 avril 2022 un courriel officiel avec comme titre : « Petition against officials of ANOCA and affiliated members of the International Olympic Committee (IOC) for serial sexual harassments and unlawful termination of employment. »
Se basant sur un discours de Bach tenu à Genève en 2017 à propos de « l’égalité indépendamment de la race, du genre, de l’orientation sexuelle, du statut social, du background culturel ou des croyances », ils évoquèrent également différents articles du code d’éthique du mouvement olympique tout en compilant les détails chronologiques des méfaits dont se plaint leur cliente. Quelques lignes suffisent à donner le ton du courrier :
« Monsieur Philipbert S. Browne et d’autres prédateurs sont toujours actifs et des membres à part entière du mouvement olympique. De penser que ce sont ces hommes qui prennent les décisions à l’ACNOA est une honte pour le mouvement olympique. »
Aucune action, ni même une réponse, n’a été adressée à la plaignante. Le CIO, par le biais de la cheffe de l’éthique et de la conformité, Pâquerette Girard Zappelli, rappelait les principes « d’indépendance » de l’ACNOA et ne pouvait donc réellement agir tout en renvoyant à la justice civile nigériane où les mêmes dirigeants de l’ACNOA étaient couverts par une sorte d’immunité.
Seuls quelques membres du mouvement olympique se soucièrent réellement de ces questions (la Burundaise Lydia Nsekera, l’ancien président de l’ACNOA Lassana Palenfo) tandis que les autres restèrent dans le mutisme. Une omerta pas nouvelle au moment où « les maîtres du monde » élisent aujourd’hui leur nouveau Dieu ou Déesse sous l’autel de l’égalité des chances et, bien évidemment, du droit des femmes, surtout africaines.
NB : cet article est un condensé en français de l’enquête originelle coécrite par l’auteur pour The Inquisitor.
Contactés, les dirigeants mis en cause n’ont pas répondu. M. Ramsamy a simplement renvoyé à la décision prise par la commission d’éthique de l’ACNOA.