Ancien jardinier à la présidence de la République, sous le régime de Sékou Touré, Bella Sadio Barry est le deuxième boxeur guinéen à remporter une médaille d’or internationale. Durant sa riche carrière, cette légende vivante du sport guinéen aura ramené à son pays cinq médailles dont trois en or. Malheureusement, ce capitaine de l’armée à la retraite est aux oubliettes.
De notre correspondant en Guinée
En parlant de légendes du sport guinéen, aux côtés des anciens joueurs du Hafia 77, on peut citer Bella Sadio Barry. Cet ancien boxeur avait remporté le titre de champion d’Afrique des Welter à Lagos en 1973. Bella Sadio a tout au long de sa carrière collectionner des trophées tant sur le plan national qu’international.
Sur la scène internationale, il a obtenu pas moins de cinq médailles dont : trois d’or, une d’argent et une de bronze. Champion de Guinée de sa catégorie, c’est logiquement qu’il est choisi pour représenter la Guinée lors du deuxième championnat d’Afrique qui s’est déroulé dans la capitale nigériane. Il remporte cinq combats dont la finale face à un Ougandais.
«C’était le 16 janvier en 1973, rembobine le septuagénaire, interrogé par SNA. Avant la finale, j’ai remporté quatre combats contre un Sénégalais, un Togolais, un Ghanéen et un Burkinabè je crois. Le Sénégalais m’avait donné un coup de tête sur le visage qui occasionna une grave blessure. Vu la gravité de cette blessure, certains membres de la délégation guinéenne, avaient peur que je déclare forfait pour la finale. Ils m’ont demandé si je peux continuer, j’ai dit que même si je dois mourir, je n’abandonnerai pas la compétition. C’est ainsi que j’ai vaincu l’Ougandais aux points et j’ai obtenu la médaille d’or de ma catégorie.»
Cette victoire marque le début d’une riche carrière à l’issue de laquelle il aura remporté cinq médailles lors de compétitions internationales. «J’ai remporté deux médailles d’or à Lagos, une d’argent à Mexico, lors des premiers Jeux Amérique Latine-Afrique, une médaille de bronze au championnat du monde militaire à Moscou ( ex-URSS) et une d’or à Conakry lors du tournoi de la Zone 2, détaille Bella Sadio Barry. Cette victoire marque d’ailleurs la fin de ma carrière. Ce fut mon dernier combat en tant que boxeur.»
Le militaire à la retraite ajoute : «Durant ma carrière, j’ai effectué 107 combats et je n’ai enregistré que 18 défaites aux points. Je n’ai jamais été vaincu par K.O, par arrêt de l’arbitre ou par disqualification.»
Après avoir remporté sa première médaille d’or à Lagos, Bella Sadio Barry sera incorporé dans l’armée guinéenne par le Président Sékou Touré (1958-1984). Une façon de mettre un terme aux sollicitations extérieures. De jardinier à la présidence, le boxeur va passer militaire. «Après ma prestation remarquée à Lagos, se remémore-t-il, j’avais eu plusieurs propositions pour aller boxer en professionnel. Les autorités ont eu l’info. Pour me retenir, feu Toumani Sangaré, ministre des Sports à l’époque, a proposé au Président Sékou Touré de me retenir dans l’armée. Une manière de m’empêcher d’avoir des velléités de départ.»
Sékou Touré valide la proposition et le propose le grade d’adjudant-chef. Problème : «La hiérarchie supérieure de l’armée lui a fait comprendre que ce n’est pas possible avec ce grade, sinon cela risquerait de faire des mécontents. Finalement, je fus engagé comme Sergent-chef, avec affectation pour la formation à l’Ecole Militaire Inter Armés du camp Alpha Yaya Diallo», indique Bella Sadio Barry.
Là, le jeune boxeur suivra sa formation avant de dérouler une carrière qui dura quinze ans. Il deviendra par la suite instructeur. Il restera dans le monde de la boxe en créant le premier centre d’entraînement dédié à la discipline dans l’armée, au camp Alpha Yaya Diallo.
Si la boxe lui a permis d’intégrer l’armée, cette reconversion lui coûté la plupart de ses médailles. Il raconte : «Ma première médaille d’or obtenue à Lagos a été récupérée par le Président Sékou Touré qui l’a donné à sa femme. La deuxième médaille, obtenue au niveau de l’Armée, a été récupérée par feu Général Toyah Condé, qui était à l’époque chef d’État-major général de l’armée. Ce dernier après son arrestation suite au coup d’Etat du 3 avril 1984 se verra dépouillé de cette médaille. Je n’ai pu garder que la troisième médaille que j’ai offerte à mes épouses pour qu’elles en fassent au moins des boucles d’oreilles.»
Le sort va continuer à s’acharner sur ce capitaine de l’armée à la retraite. Ne possédant plus que deux médailles, l’ancien boxeur sera victime de vol à son domicile. «Un jour des cambrioleurs se sont introduits dans ma maison et ont pris le sac contenant ces médailles et quelques documents. A quelques mètres de là, on retrouvera le sac vide», dit-il, triste.
Ces années passées dans la grande muette seront marquées de hauts et de bas. En tant que sélectionneur de l’équipe militaire, Bella Sadio Barry va se rendre aux championnats d’Afrique militaires d’où il reviendra avec des médailles. Il raconte : «J’ai formé des boxeurs avec lesquels on est parti disputer cette compétition. On a ramené 11 médailles. Sur les 12 athlètes, seul un boxeur n’a pas eu de médaille.»
Les 2 et 3 février 1996, une mutinerie éclate en Guinée. Accusé de faire partie du coup, l’ancien boxeur sera arrêté, jugé, condamné et radié de l’armée guinéenne. Il sera marqué à vie : «Ce jour-là, j’étais en congé à Conakry. Quand l’alerte a été lancée, je me suis mis à la disposition de ma hiérarchie en rentrant au camp. Pour empêcher que les mutins ne prennent le siège de la Télévision nationale, mon commandant m’a ordonné de sécuriser les lieux. Ce que je fis. Plus tard, on nous demandera de rejoindre nos unités. Pour cela, on me condamnera à trois ans de prison ferme. La plus petite peine. Certains de mes frères d’armes écoperont de peines plus lourdes. Pour être honnête, c’est une blessure que je traîne. Pendant ce temps, celui qui avait tiré sur le palais n’a pas été condamné pour s’être défendu en disant avoir agi sous la contrainte.»
Avec Alkhaly Daouda Daffé, premier médaillé d’or guinéen aux premiers Jeux africains de Brazzaville, Bella Sadio Barry fait partie de ces athlètes qui ont offert au sport guinéen ses lettres de noblesse. Comme certains anciens joueurs du Hafia 77, qui a remporté la Ligue des champions, Bella Sadio Barry passe des moments difficiles.
Il y a près de deux ans déjà disparaissait dans le dénuement le plus total Alkhaly Daouda Daffé, premier athlète guinéen à remporter une médaille juste après l’accession de la Guinée à l’indépendance.
Mamadou Gongorè DIALLO