Son élection invalidée par la Chambre de conciliation et d’arbitrage du sport (CCAS), André Tchikaya n’est plus président de la Fédération congolaise de cyclisme (FECOCY). Et pourtant, l’homme continue de se considérer comme numéro 1 du cyclisme congolais. Au grand dam du président sortant.
De notre correspondant au Congo,
« Nous avons organisé cette course afin de relancer les activités de la Fédération congolaise de cyclisme (FECOCY) », déclarait récemment André Tchikaya Loemba à des confrères de Télé Congo, « en tant que président de la FECOCY ». Si sur la vignette, l’organe public l’avait présenté comme « Président de la FECOCY » Tchikaya n’était plus président de l’instance faîtière du cyclisme au Congo-Brazzaville. La faute à une sentence de la Chambre de conciliation et d’arbitrage du sport (CCAS) invalidant son élection. Une décision en lien avec une requête introduite le 25 septembre par Rufin Bakouetana, Seznec Monguiti et Andropov M’Pinoba Dankele. Les trois acteurs du cyclisme congolais étaient candidats à l’élection du 23 septembre organisée par la FECOCY sur instructions « fermes » du ministère des Sports et du Comité national olympique sportif congolais (CNOSC) afin de juguler la crise qui secoue la FECOCY depuis des années.
Mais à peine Bakouetana en tant que président sortant, venait-il de prononcer le mot d’ouverture de l’assemblée élective, que lui et les deux autres concurrents ont quitté la salle. Ils dénonçaient des irrégularités dont un corps électoral composé « des personnes qui n’ont rien à voir le cyclisme dans notre pays », selon les mots de Monguiti et l’ingérence du ministère dans les affaires de la fédération, « ce qui est contraire au règlement de la FECOCY ». André Tchikaya seul candidat avait donc été déclaré vainqueur de facto. Mais déclarant recevable la requête des trois candidats, la CCAS a prononcé l’invalidation du scrutin ayant débouché sur le sacre de Tchikaya. En attendant une nouvelle élection dont la date reste à déterminer, Rufin Bakouetana reste à son poste.
En conséquence, André Tchikaya a été sommé de restituer les documents et le matériel de la Fédération « sous astreinte comminatoire de 50 000 francs CFA (76,22 euros) par jour de retard à compter de la notification de la présente décision ». Une décision très favorablement accueillie par les requérants. « Nous sommes en démocratie. En démocratie, l’alternance ne peut se faire que par élection. Et l’élection doit être organisée selon les normes établies. Dès lors qu’on se démarque de ces normes, ce n’est plus la démocratie. Vu la pertinence des arguments que nous avons mis dans la requête, la CCAS a été obligée d’annuler cette élection », s’est félicité Seznec Monguiti.
Et pourtant, en organisant sa course, André Tchikaya a bel et bien ignoré la décision de la CCAS. Ce qui résonne aux yeux d’observateurs comme une attitude « hors-la-loi frisant de l’anarchie », selon les mots d’un membre du bureau sortant de la FECOCY. Et d’ajouter : « sous d’autres cieux, ce monsieur devrait être sévèrement puni, et même arrêté, son attitude frise le banditisme, la délinquance et de la défiance envers les institutions. Mais si Monsieur Tchikaya adopte cette posture de rébellion, cela veut dire qu’il jouit de quelque protection de la part de hautes institutions sportives ». Du coup, la crise qui secoue la FEOCY depuis des années demeure entière. Dans l’arène, les mêmes gladiateurs : Rufin Bakouetana et André Tchikaya qui, ces dix dernières années, livrent un combat sans merci pour le leadership du cyclisme congolais. Si bien que chaque fois que l’un est élu, l’autre doit contester les résultats de l’élection.
Et l’intensité est telle que cette lutte a même failli prendre une tournure extrasportive. En mai 2023 par exemple, Rufin Bakouetana annonçait sa démission pour des raisons sécuritaires parce qu’ayant subi des « menaces de mort ».
Une Assemblée générale décide ainsi d’organiser une nouvelle élection sans les deux protagonistes. Décision remise en cause par une circulaire du ministère autorisant les deux candidats à se présenter. Or, l’élection du 23 septembre 2023 n’a pas pu évacuer la crise. Un état deS choses qui perdure à cause de plusieurs facteurs dont la corruption évoquée par des cyclistes. « Regardez par exemple le l’élection qu’on vient d’annuler. Il y a des gens qui avaient mobilisé des personnes étrangères à la Fédération. On leur a remis des billets de banque. Juste parce qu’on voulait coûte que coûte se faire élire », déplore un cycliste qui a requis l’anonymat.
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Ce qui n’est pas sans conséquences graves. « En novembre 2020, nous avons élu Bakouetana sur la base d’un programme (« stratégie nationale de développement du cyclisme à l’horizon 2022 », visant à éradiquer la corruption, NDLR). Malheureusement, ces querelles incessantes ne lui ont pas permis de l’exécuter. Le Congo est souvent absent des grands rendez-vous internationaux tels que tour du Faso et la Tropicale Anissa Bongo », regrette Seznec Monguiti.
Mais à quand la fin de ce duel Bakouetana-Tchikaya ? En tout cas, l’épilogue ne semble pas proche. Et les deux bâtons restent dans les roues du cyclisme congolais.
John Ndinga Ngoma