La Côte d’Ivoire a vibré au rythme du football depuis près d'un mois, avec une troisième étoile accrochée à la vareuse orange, mais le football féminin continue de souffrir.
De notre correspondant en Côte d’Ivoire,
La Côte d’Ivoire a organisé la CAN 2023 du 13 janvier au 11 février 2024. A deux jours de l'apothéose, le président de la CAF avait alors fait une conférence de presse pour louer les mérites du pays hôte concernant la compétition. Paradoxalement, tout n'est pas rose concernant le football féminin au pays de Drogba. En marge d'une rencontre de l'ONU basée sur les violences faites aux femmes et le sexisme, le 8 février 2024 à Abidjan, la gardienne de l'équipe nationale ivoirienne de football féminin est ainsi montée au créneau. Elle a saisi cette tribune pour crier son ras-le-bol. Et ainsi dénoncer le traitement inhumain dont sont victimes les filles. Certaines l'ont suivies à la télévision.
«Les matches se jouent à 10h GMT, c'est à dire que nous ne sommes pas considérées. Nous sommes fatiguées de tout ça. Nous allons jouer pour le pays, nous revenons, c'est zéro. Tu vas jouer un match de 90 minutes, tu finis, tu as 3 ou 4 euros . (...) Après un tournoi de UFOA-B auquel nous avons participé avec la Côte d'Ivoire, nous sommes arrivées en finale et nous avons perdu. Quand nous avons fini, on nous a remis 15 euros comme prime de matches», s'étrangle Cynthia Djohoré.
La gardienne de l'Atletico d'Abidjan et de la Côte d'Ivoire ne s'arrête toutefois pas en si bon chemin dans ses complaintes. Pourtant, dit-elle, nous avons joué 5 matches. Nous sommes allées jouer la Coupe du monde, on nous compte dans l'avion, on nous donne 15 euros. Et on nous dit, rentrez chez vous. Le programme des matches du championnat n'est pas respecté. (...) Tout le monde dit que j'ai grossi oui ! Si je suis bien payée, je vais surveiller mon alimentation. Pour le moment, je mange ce que j'ai. (...) nous avons été deux fois championnes successives, nous n'avons pas eu de trophées, de médailles et d'enveloppe. Nous sommes championnes dans la bouche», a encore craché Cynthia Djohoré.
Comme elle, Thiamalé Dominique, ancienne capitaine de la sélection de la Côte d'Ivoire, n'a pas aussi mâché ses mots. «Nous avons des licences mais dessus, il est écrit amateur. Nous souffrons. Tu finis une compétition comme le Mondial 2015 et tu rentres à la maison avec 7 ou 15 euros comme prime de transport. Nous avons vécu et nous vivons des choses inhumaines», dénonce celle qui évolue aujourd'hui au Stella Club d’Adjamé.
Des avancées mais pas grandes
Depuis l'arrivée du nouveau Comité exécutif dirigée par Idriss Diallo, la Fédération ivoirienne de football a amélioré des choses concernant le football féminin. La subvention est passée de 3810 euros à 15243 euros. Mieux, alors qu'il n'y a pas de salaire pour les joueuses, la FIF a imposé une prime journalière de 3 euros, ce qui revient à 91,5 euros mensuels. Mais cette avancée est jugée insignifiante par les footballeuses. «Est-ce qu'on peut s'en sortir avec ça ? Même les petites choses qu'on nous demande, comme les maquillages, les rallonges, les robes, pour être plus coquettes, ont un prix qui va au-delà de cette somme», fustige Tia Inès, ex-pensionnaire de la D1 féminine ivoirienne et récente championne d'Asie des Clubs avec Hyundai Angels en Corée du Sud.
L'espoir pour toutes ces joueuses semble peut-être désormais se trouver dans les propos du président de la CAF. «Nous avons doublé la somme allouée aux fédérations, cet argent doit aller au développement du football…», a promis Patrice Motsepe, en marge de la Conférence de Presse-bilan de la CAN 2023 le 9 février 2024 à Abidjan.
Sanh SEVERIN