Joueur au physique atypique, Youssef En-Nesyri est souvent moqué pour son manque d’aisance technique et ses ratés. Le svelte et longiligne attaquant des Lions de l’Atlas (1,89 m) a profité de la Coupe du monde pour remettre le public dans sa poche. Le meilleur buteur du Maroc en Coupe du monde peut constituer un grand danger pour les Bleus.
Les moqueries et autres quolibets, Youssef En-Nesyri en a reçus. L’attaquant du FC Séville a souvent été pris pour cible par le public marocain pour son manque d’aisance technique. Souvent bien placé, le longiligne buteur avait tendance à agacer par ses incroyables ratés lors des matchs avec la sélection. Malgré des statistiques assez respectables (17 buts en 53 sélections), l’attaquant n’a jamais pu faire oublier les buteurs de la trempe d’Abdeljalil Hadda (Camacho) ou Salaheddine Bassir. Il a été une sorte de géant aux pieds pas agiles pour ses détracteurs. Pourtant, la carrière de ce joueur, passé par le centre de formation du Moghreb de Fès et pur produit de l’Académie Mohammed VI de football où il faisait partie de la toute première promotion, reste une belle réussite. C’est dans cette fabrique de talents qu’il se forge pour devenir un joueur d’avenir, à l’instar de ses coéquipiers en sélection Nayef Aguerd et Azzeddine Ounahi.
«C’est un joueur qui a intégré l’Académie dès ses 13 ans pour poursuivre sa formation. On avait remarqué très tôt ses qualités de footballeur. Ici à qualités égales, on prend celui qui est capable d’avoir une endurance psychologique et un mental fort, car c’est cela qui l’emmènera au très haut niveau», explique Abdellatif Belmahdi, entraineur à l’Académie Mohammed VI de football. «On se demande si le joueur qu’on forme a cette capacité de résister aux exigences du haut niveau. Et Youssef a toujours bien travaillé et a progressé. Il a ainsi pu obtenir un joli transfert à Malaga. Youssef est un travailleur qui n’économise pas ses efforts et qui ne rechigne pas à la tâche», se souvient Belmahdi.
Parti très tôt de l’Académie, le buteur rejoint l’Espagne. A Malaga, il évolue avec la deuxième formation du club avant d’être promu en équipe première. Mais le club descend en D2. Intéressant en fin de saison, il est repéré par le CD de Leganès qui lui offre l’opportunité de rester en Liga. Chez les Madrilènes, il inscrit quelques buts et tape dans l’œil du FC Séville en fin de saison. Arrivé en 2020 chez les Andalous, En-Nesyri franchit un nouveau cap, alors qu’il a, entre temps, acquis de l’expérience, avec la Coupe du Monde 2018 (1er tour) et la CAN 2019 (éliminé en 8e de finale). Il remporte ainsi la Ligue Europa en 2020 et figure dans l’équipe type des joueurs africains en 2021 grâce à ses performances avec le FC Séville. Durant la saison 2020-2021, il inscrit 26 buts toutes compétitions confondues, dont 18 en Liga.
Mais le joueur, qui avait aussi effectué des tests à Chelsea à 17 ans, retombe dans ses travers l’année suivante. Une blessure l’éloigne des pelouses et il n’arrive plus à enfiler les buts. Il n’inscrit que 8 buts (2 passes décisives) en 38 rencontres. Ses trois réalisations en sélection arrivent au bon moment et permettent de calmer le public assez critique sur les performances du joueur.
«Certes, il a été parfois critiqué par le public, mais ce sont aussi des moments où Youssef a été freiné par les blessures. Donc la méforme a fait que les choses ne sont pas passées comme prévu. Aujourd’hui, grâce à son caractère qu’il a toujours eu, son travail et sa pugnacité, il a pu répondre présent et faire une bonne Coupe du monde», tient à souligner Belmahdi. Pour le formateur, En-Nesyri a toujours eu ce caractère, même à l’Académie. «Youssef est quelqu’un qui ne recule pas devant les challenges», ajoute-t-il.
Cette saison, En-Nesyri a ainsi été décisif avec 3 réalisations chez les Lions de l’Atlas en 9 rencontres. Au-delà de ses statistiques, c’est surtout son abattage sur le front de l’attaque qui lui a fait passer un cap. Difficile dans ces conditions de ne pas lui garantir une place de titulaire. Le coach Walid Regragui a toujours défendu le joueur dès sa prise de fonction. Pour lui, pas question de se passer de celui qu’il appelle «l’enfant du pays» qui «représente l’avenir». Le coach était alors attendu au tournant après avoir placé sa confiance en En-Nesyri. « Je ne m’intéresse pas au nombre de buts qu’il a marqués, car il y a des choses plus importantes que les buts et En-Nesyri remplit cette condition », avait-il dit lors de la publication de la liste pour les matchs amicaux servant de préparation au Mondial. Comme Oliver Giroud, En-Nesyri est un travailleur de l'ombre qui ne baisse pas les bras, même en temps de doute.
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— Youssef En-Nesyri (@EnNesyriActu) December 2, 2022
Le joueur commence d'ailleurs à rendre sur le terrain la confiance placée en lui par Walid Regragui. Comme dans l’armée, sa taille fait de lui un véritable homme de base. Il parcourt des kilomètres pour empêcher la relance adverse. Son pressing sur le gardien Milan Borjan a d’ailleurs permis à Hakim Ziyech de marquer son premier but en Coupe du Monde face au Canada. Il inscrit le deuxième but face aux Nord-américains et a failli bénéficier d’un doublé. Contre l’Espagne, En-Nesyri ne s’est jamais économisé sur le terrain.
Le but marqué contre le Portugal vient d’ailleurs récompenser son implication au sein du collectif. Ce troisième but en Coupe du Monde lui permet de battre un record. Il est le meilleur buteur marocain dans cette compétition avec son but inscrit en 2018 face à l’Espagne, quasiment dans le même style que celui marqué contre le Portugal. Il devance Abderrazak Khairi (2 buts en 1986), Salaheddine Bassir et Abdeljalil Hadda (2 buts en 1998). En-Nesyri, tout comme Giroud, profite du Mondial pour enfiler les records. Il devient aussi le premier marocain à marquer lors de deux éditions consécutives du Mondial.
Regragui aime «sa débauche d'énergie», ce qu'il donne sur le terrain pour l'équipe. «C'est pour ça qu'il est à Séville, tous les entraîneurs rêvent d'avoir un Youssef En-Nesyri dans leur équipe, comme Giroud pour la France», explique le sélectionneur des Lions de l’Atlas. A l’instar de Giroud, le buteur a été pendant un moment dans les petits papiers des Blues. A 25 ans, il a encore le temps de franchir le pas pour aller dans d’autres cieux : en Seri A ou en Premier League ?
«A mon avis, Youssef a encore une marge de progression immense. Il l’a déjà prouvé dans le championnat espagnol qui est très relevé. Il est passé de Malaga, à Leganès puis au FC Séville. Maintenant, je pense que c’est un joueur qui peut encore progresser pour jouer en Premier League au vu de ses qualités», conclut Belmahdi.
Si le coach Regragui peut avoir Ziyech et Hakimi comme ses «ferrari», En-Nesyri peut se contenter d'être le «karting». Un rôle qu’il tient à merveille dans ce Mondial.
Mohamed Hadji
