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Pourquoi l’Afrique est-elle en retard dans la course aux médailles olympiques ?

Les Jeux Olympiques, célébrant l'excellence sportive mondiale, dévoilent aussi des disparités notables entre les nations, notamment en termes de performances. L'Afrique, malgré son potentiel athlétique, reste en retrait comparé aux nations occidentales. Ce retard s’explique par une combinaison complexe de facteurs économiques, politiques, infrastructurels et historiques.

Inconsolable, Marie-Josée Ta Lou-Smith a vu une nouvelle chance de médaille s'envoler.

Après Tokyo 2020, Rio 2016, Londres 2012 et encore bien d'autres éditions précédentes, le constat est le même pour Paris 2024 : à chaque Jeux Olympiques, l'Afrique est à la traine au classement des médailles. Alors que des nations comme la Chine, les USA, la France, le Japon ou encore la Grande Bretagne trustent les premières places au classement général des médailles, il faut scruter en bas de la liste pour trouver trace de présence de nations africaines.

Une mauvaise habitude prise par tout un continent, à de rares exceptions comme l'Afrique du Sud (natation, rugby, athlétisme) ou le Kenya (courses de fond) qui s'explique par de nombreux facteurs structurels qui ralentissent le développement des sportifs africains, dont la carrière ressemble plus à une course d'obstacles qu'à un chemin balisé.

Le sport en quête de priorité

Premier d'entre eux, le manque de financement est l'un des principaux obstacles au développement sportif en Afrique. Selon la Banque Mondiale, 41 % de la population en Afrique subsaharienne vit avec moins de 1,90 dollar par jour. Dans ce contexte, les ressources financières sont souvent allouées à des secteurs jugés plus prioritaires comme l'éducation, la santé et l'infrastructure. Par exemple, en 2021, le budget du ministère des Sports au Kenya représentait seulement 0,1 % du budget national. Le constat est sans appel : le sport ne fait pas partie des priorités.

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En comparaison, les nations occidentales consacrent des budgets conséquents à leurs programmes sportifs. Aux États-Unis, le Comité olympique américain a investi près de 800 millions de dollars pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020, soit une somme colossale par rapport aux budgets africains. A titre d'exemple, c'est bien plus que les 527 millions de dollars du PIB national d'un pays comme Sao Tomé et Principe, ou encore l'équivalent du quart du PIB du Lesotho la même année (2,5 milliards).

Les opportunités de sponsoring, essentielles pour soutenir les sportifs, sont également limitées. En Afrique du Sud, pays le plus avancé dans ce domaine sur le continent africain, le marché des sponsors sportifs a généré environ 120 millions de dollars en 2020. Un chiffre bien inférieur aux milliards investis par les sponsors en Europe, en Amérique du Nord et même dans certains pays d'Asie.

De plus, la pauvreté généralisée constitue un frein additionnel. De nombreux sportifs africains doivent jongler entre leur passion et un emploi pour subvenir à leurs besoins quotidiens. Selon une étude du Comité international olympique (CIO), près de 70 % des athlètes africains participants aux Jeux Olympiques n'ont pas de soutien financier suffisant pour se concentrer exclusivement sur leur entraînement.

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Infrastructures sportives : des bases fragiles

Autre obstacle majeur, le manque d'infrastructures sportives adéquates représente un autre défi de taille à l'échelle du continent. Dans de nombreux pays africains, les installations telles que les stades, piscines et pistes d'athlétisme modernes sont souvent inexistantes ou en mauvais état. En 2020n un rapport de l'UNESCO signalait que seuls 10 % des écoles secondaires en Afrique subsaharienne disposent d'installations sportives conformes aux normes internationales.

En contraste, les nations occidentales bénéficient de complexes sportifs ultramodernes qui permettent aux athlètes de s’entraîner dans des conditions optimales. En Australie, le gouvernement investit environ 1 milliard de dollars par an dans les infrastructures sportives, alors qu'en Ouganda, le budget pour le sport n'était que de 5 millions de dollars en 2022.

Et même lorsqu'elles existent, les infrastructures sportives sont souvent difficiles d’accès en raison de coûts élevés ou de pénuries de matériel. En outre, il manque souvent des programmes de développement sportif structurés pour identifier et former les jeunes talents. A la différence des systèmes occidentaux qui offrent des bourses et parcours clairs du niveau amateur au monde professionnel, les jeunes athlètes africains manquent souvent de soutien pour atteindre le plus haut niveau.

L’impact de l’instabilité politique et des enjeux sociaux

Autre facteur aux répercussions lourdes, l’instabilité politique chronique de plusieurs pays africains qui entrave le développement sportif. Selon l'Institut pour l'Économie et la Paix, l'Afrique compte 15 des 20 pays les moins stables du monde, affectant directement la capacité des nations à investir dans le sport.

Les normes culturelles et sociales influencent aussi la participation sportive. Dans certaines régions d'Afrique, le sport n'est pas toujours encouragé, surtout pour les femmes. Par exemple, une enquête de l'Union Africaine en 2021 a révélé que seulement 24 % des athlètes olympiques africains étaient des femmes, contre 49 % au niveau mondial. Les inégalités de genre demeurent un défi majeur, avec moins d'opportunités pour les athlètes féminines en raison de normes sociales qui privilégient souvent les rôles domestiques pour les femmes, là où les hommes sont davantage poussés pour aller tenter d'atteindre un objectif sportif.

Le poids de l'héritage colonial

Autant de facteurs auxquels s'ajoute le poids de l'histoire. Car, l'héritage colonial continue de peser sur le développement sportif africain. Les structures et systèmes sportifs introduits à l'époque par les pays colonisateurs étaient souvent conçus pour une certaine élite et ne se sont pas bien adaptés aux réalités locales après la période des indépendances. Par exemple, dans des pays comme le Nigeria, seulement 20 % des infrastructures sportives héritées de l'époque coloniale sont encore opérationnelles de nos jours.

Ces infrastructures et programmes réservés à une minorité ont mis du temps à se démocratiser, et de nombreux pays africains se sont retrouvés avec des systèmes sportifs sous-développés après la décolonisation. A titre d'exemple, en 2024, la moitié des pays du continent ne dispose pas d'un stade homologué aux normes CAF et FIFA. S'il a fallu des décennies pour réformer ces systèmes afin qu’ils répondent aux besoins de la population locale, force est de constater que le chemin est encore long avant de disposer d'un ensemble infrastructures sportives, dans différentes disciplines, capables de tenir la comparaison avec ce qui se fait ailleurs dans le monde.

Quelques lueurs d'espoir ?

Malgré ces défis, des signes positifs de progrès commencent à émerger. Des programmes de développement sportif voient le jour, soutenus par des initiatives gouvernementales et des partenariats privés. Par exemple, le Sénégal a récemment lancé un programme de développement sportif doté d’un budget de 50 millions de dollars pour construire de nouvelles infrastructures. Le Soudan du Sud, via l'investissement personnel de l'ancien basketteur NBA, Luol Deng, devenu président de la fédération national, a permis à l'équipe nationale de disputer les premiers Jeux Olympiques son histoire et se s'ériger en futur place forte du basket africain.

La diaspora africaine joue également un rôle crucial dans ce processus de soutien au développement sportif du continent. Les athlètes africains vivant à l'étranger contribuent souvent par le biais de programmes de mentorat et de financement. Par exemple, certains athlètes de la diaspora nigériane ont investi dans des écoles de sport au Nigeria, aidant ainsi à former la prochaine génération de champions qui prendra le relais.

A cela viennent s'ajouter les récents succès de certains athlètes africains sur la scène mondiale, qui ont accru la visibilité du sport africain et inspiré la prochaine génération d’athlètes. Dans des disciplines comme le marathon, la boxe, et le football, de nouveaux talents émergent, montrant que le potentiel est bel et bien présent. Lors des Jeux Olympiques de Tokyo 2020, l'Ouganda a remporté quatre médailles, un record pour le pays, illustrant les progrès réalisés.

Un potentiel à libérer... à condition d'investir et d'avoir une stratégie

Preuve que même si l'’écart de performance olympique entre l’Afrique et les nations occidentales est le résultat d’un enchevêtrement de nombreux facteurs, des investissements croissants, des initiatives privées, et un soutien renforcé à la formation peuvent porter leurs fruits sur la durée. Mais pour que le continent réalise pleinement son potentiel athlétique, il est essentiel que les gouvernements, les partenaires privés et les associations et académies travaillent de concert afin de mettre en place les bases d'un environnement propice au développement et à la prospérité du sport et des sportifs.

Le tout en ayant une réelle stratégie sur le long terme et en axant une partie des investissements sur les disciplines clairement définies avec le plus fort potentiel, à l'instar de la Jamaïque et de son école de sprint ou de l'Australie avec la natation. Deux pays qui s'illustrent dans ces disciplines respectives à chaque JO.

Les athlètes africains possèdent un potentiel immense, et avec un soutien approprié, l'Afrique pourrait se positionner comme un véritable concurrent sur la scène olympique mondiale. C’est un défi, certes, mais aussi une opportunité inédite pour faire briller le continent sur la scène sportive internationale, sans quoi, les nations africaines continueront d'être spectatrices lors des grands rendez-vous, regardant les autres recevoir les distinctions les plus prestigieuses.

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