À l’instar de plusieurs disciplines, le rugby sénégalais souffre de manques de moyens. Une situation bien pire pour le rugby féminin qui, lui, est confronté à une rareté de joueuses pour dynamiser le championnat de rugby à VII et surtout lancer celui à XV. C’est dans cette optique que les joueuses internationales sénégalaises autour de la commission féminine de la Fédération sénégalaise de rugby (FSR), ont mis en place « Beach Attitude ». Un concept pour la découverte et l’initiation de leur sport aux sénégalaises à travers plusieurs étapes de Dakar à Cap-Skirring dans le sud du pays.
Puisque la montagne ne vient pas à nous, allons à la montagne. Ce célèbre proverbe du prophète Mahomet (Paix et salut sur lui) est l’illustration parfaite des internationales sénégalaises de rugby. Puisque la FSR semble incapable d’aider au développement du rugby féminin en l’absence de moyens et par priorisation budgétaire, les joueuses de l’équipe féminine du Sénégal ont décidé de prendre le problème à bras le corps. Via l’association PRFS (Promotion du rugby féminin au Sénégal), la commission féminine de la FSR et les internationales en personnes lancent le Beach rugby à travers le concept Beach Attitude.
L’équipe du Sénégal féminine de rugby à VII échoue au pied du podium lors du tournoi de pré qualification olympique tenu les 1er et 2 juillet 2023 à Lusaka (Zambie). Les trois premiers se sont qualifiés au prochain TQO. Un énième échec qui invite les actrices à la recherche de solutions. « Ça nous a fait tellement mal de rater le podium. C’est le manque de compétition qui nous coûte la qualification au TQO », constate Anna Preira, présidente de la commission du rugby féminin à la FSR. « Au retour de ce tournoi on a réfléchi et décidé de lancer le beach rugby tour pour permettre aux filles d’avoir plus de compétitions dans les jambes
Pour un impact plus durable, l’association pour la promotion du rugby féminin au Sénégal oriente sa politique vers la détection des tout-petits. « Cette initiative vient des joueuses de l’équipe nationale elles-mêmes et vise à attirer plus de femmes vers le rugby. Notre sport est ouvert à tout le monde surtout les enfants. Pour cette étape de Dakar, on a pu réunir plus de 200 enfants à travers des matchs d’initiation pour leur apprendre le béaba et leur inculquer les valeurs vertueuses du rugby », explique Anna Preira.
Le choix de la plage n’est pas fortuit. En cette période d’été et de fortes chaleurs, les plages sénégalaises sont bondées de monde. Un véritable essaim d’enfants à attirer vers la balle ovale. L’initiative a une portée citoyenne et de civisme. « À chacune de nos étapes, nous procédons au nettoyage des plages. Les rendre plus propres et plus accueillantes qu’elles n’étaient avant notre arrivée, informe Anna Preira. Nous faisons également de la sensibilisation sur les risques de noyade parce que l’on sait combien d’enfants nos plages emportent chaque grandes vacances ».
Si le championnat de rugby féminin peine autant à se tenir, c’est en grande partie pour des difficultés logistiques. « L’objectif de ces tournées est de créer un fond permettant au rugby féminin d’exister et de mieux vivre, renseigne Anna Preira. Il y a plusieurs équipes féminines à Thiès, en Casamance, dans plusieurs localités au Sénégal. Mais faute de moyens pour se déplacer, le championnat féminin ne peut se tenir. Elles s’entraînent mais au bout elles n’ont pas de compétition. On sait que la Fédération manque de moyens. Alors par le biais de cette initiative, on collecte des fonds pour assurer leur transport », a souligné la responsable du rugby féminin à la FSF.
Grâce à leur initiative innovante, les joueuses de l’équipe du Sénégal féminine espèrent la pérennité du championnat national à VII et le lancement de celui à XV. « Nous n’avons pas de championnat de rugby à XV. On cherche à avoir à travers le Beach rugby tour encore plus de licenciés. Attirer les anciennes internationales qui avaient abandonné trop tôt à cause du mariage, des grossesses… Leur redonner l’espoir de rejouer en sélection avec plus de compétitivité », espère Anna Preira. Actuelle capitaine des Lionnes du XV, Eve Nasala abonde dans le même sens. « Il faut que chaque équipe du championnat masculin ouvre une section féminine. Actuellement il n’y a que 4 équipes féminines fonctionnelles de rugby à VII », s’est elle alarmée.
Après une première étape réussie à Dakar, Beach rugby Tour a fait escale le 27 août à Somone, une station balnéaire située dans la région de Thiès. Une localité où le rugby féminin est en plein essor grâce aux initiatives de la commission du rugby féminin de la FSR. Malgré les appréhensions, l’étape 2 de cette tournée nationale de promotion du rugby fut un véritable plébiscite. Plusieurs équipes féminines se sont inscrites durant cette journée à laquelle les autorités locales ont apporté leur modeste contribution.
Pour rappel, cette petite association PRFS fonctionne sur fonds propres avec beaucoup d’ingéniosité. Pour participer au Beach rugby tour, chaque équipe de 10 personnes s’inscrit moyennant la somme de 8 euros (5000 FCFA). Les filles préparent également des mets, des boissons locales, du thé à vendre aux spectateurs. Elles mettent également en vente des gadgets, t-shirts à l’effigie du Beach Attitude. Entre autres moyens pour collecter des fonds et financer la suite de la tournée.
Une tournée qui va commencer à coûter encore plus cher avec trois autres étapes de plus en plus éloignées de la capitale. La 3ème est prévue le 10 septembre à Toubab Dialao, à 75 KM de Dakar. La 4ème et avant dernière étape les emmène sur la petite côte, au village de Nianing situé à 8 KM de Mbour. Ce sera le 24 septembre prochain. Enfin, c’est à Cap-Skirring, à 500 KM au sud du pays que prend fin ce Beach rugby tour. La station balnéaire nichée au cœur de la région naturelle de Casamance accueille l’ovalie féminin au mois de décembre.
Moustapha M. SADIO