![[Série] Fécafoot : scandales, démissions, échecs sportifs… les points sombres du bilan de Samuel Eto'o](https://sportnewsafrica.com/storage/post-covers/01KB5M7AQ7W2YNP1NYTMXNHX4J.jpg)
A quelques heures de l’élection programmée ce samedi à Mbankomo, près de Yaoundé, la Fédération Camerounaise de Football (Fécafoot) s’apprête à vivre un scrutin sous haute tension. Quatre ans après son arrivée à la tête de l’instance, Samuel Eto’o, seul candidat à sa succession, aborde ce moment décisif avec un bilan entaché par une succession de scandales judiciaires, de crises internes et de résultats sportifs en chute libre. Lui qui promettait une « révolution » dans la gouvernance du football camerounais calqué sous le modèle « allemand ».
Les affaires judiciaires s’enchainent
L’un des premiers éléments sombres de son mandat remonte à 2022, lorsque la justice espagnole le condamne pour fraude fiscale, lui infligeant une peine de prison avec sursis. Cette affaire, bien qu’antérieure à sa prise de fonction à la Fécafoot, a pesé sur sa crédibilité et nourri les critiques sur son exemplarité. Mais c’est surtout l’affaire dite des 600 000 dollars qui place Samuel Eto’o au cœur d’une tourmente d’une ampleur inhabituelle.
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Après la rencontre internationale Mexique – Cameroun jouée en juin 2023 à San Diego, un cachet contractuel dû à la Fécafoot n’aurait jamais transité par les comptes de l’institution. Ces allégations ont entraîné l’ouverture d’investigations par le Département de la Justice des États-Unis et le FBI, faisant entrer l’affaire dans une dimension internationale qui dépasse largement le cadre du football camerounais.
À cette controverse s’ajoute l’un des épisodes les plus retentissants du mandat : l’affaire des matchs truqués. En juillet 2023, la diffusion d’un enregistrement audio attribué à Samuel Eto’o plonge la Fécafoot dans l’embarras. On y entend la voix du président promettre au patron de Victoria United que son club accéderait à la première division. Quelques mois plus tard, la montée du club devient effective, dans des circonstances contestées après le forfait général du Stade de Bertoua. La suspension concomitante de plusieurs arbitres renforce les soupçons de manipulation.
Une crise interne ponctuée par des démissions en série
Parallèlement, un malaise interne s’installe progressivement au sein de la Fécafoot. Plusieurs cadres de premier plan ont quitté leurs fonctions. Parfait Siki, journaliste et ancien secrétaire général par intérim, est le premier à quitter le navire en février 2022, renonçant à son poste de responsable de la communication. Sa démission précoce ouvre une brèche qui s’élargit rapidement, confirmant un malaise interne que la direction peine à dissimuler.
Benjamin Banlog, alors secrétaire général va briser le silence quelques mois seulement après sa nomination. Dans une lettre à Eto’o, il décrit un environnement de travail incompatible avec un fonctionnement institutionnel normal. « Une administration de progrès à la Fécafoot ne peut se réduire à la “danseuse du président” qui semble être votre seule volonté », écrit-il le 18 mai 2022.
L’année 2025 marque l’apogée de cette instabilité, avec une série de départs en cascade au cœur même du premier cercle d’Eto’o. Si des compagnons de longues date d’Eto’o comme Ernest Obama (porte-parole), Benjamin Pondy (directeur marketing) et Camille Loe (directeur du Cabinet du président) vont claquer la porte sans faire de bruit, telle ne sera pas le cas de Benoît Angbwa. Coordonnateur général des sélections nationales et de secrétaire général adjoint, cet ancien coéquipier de Samuel Eto’o va dénoncer des « conditions de travail devenues exécrables ».
La colère des arbitres
La crise s’étend aussi au corps arbitral, qui annonce une grève générale en avril 2025. Les arbitres affirment n’avoir jamais perçu leurs indemnités depuis l’élection de Samuel Eto’o à la tête de l’instance et réclament le versement de quelque 300 millions de francs CFA. La Fédération ne s’est jamais exprimée publiquement sur cette crise, qui s’est finalement apaisée sans qu’il soit possible de confirmer si les arbitres ont effectivement reçu les paiements réclamés.
Quand la FIFA suspend Eto’o pour six mois
À ces difficultés s’ajoute la sanction imposée par la FIFA le 30 septembre 2024. Ce soir-là, l’instance mondiale a infligé à l’ancien international camerounais, une suspension de six mois l’interdisant d’assister aux matchs des équipes représentatives du Cameroun, toutes catégories confondues, aussi bien masculines que féminines. « Pour avoir enfreint les articles 13 (Comportement offensant et violation des principes du fair-play) et 14 (Incorrection de joueurs et officiels) du Code disciplinaire de la FIFA ».
Un bilan sportif nettement inférieur aux attentes
Au-delà des scandales et des controverses, c’est sur le terrain sportif que le mandat de Samuel Eto’o révèle ses faiblesses les plus inquiétantes. Presque toutes les sélections nationales ont enregistré des reculs significatifs. La sélection A masculine, après avoir décroché la médaille de bronze à la CAN 2021, est éliminée dès le premier tour du Mondial 2022 et quitte la CAN 2023 en huitièmes de finale. Bien qu’elle se qualifie sans difficulté pour la CAN 2025, elle échoue à obtenir son ticket pour le Mondial 2026, interrompant une série de participations régulières sur la scène mondiale.
Les Lions A’ connaissent un parcours similaire, sortant dès le premier tour du CHAN 2023 et ne parvenant pas à se qualifier pour l’édition suivante. Les U23 manquent à la fois la CAN et les Jeux olympiques. Les U20 enchaînent les non-qualifications en compétitions continentales et mondiales, après une courte embellie ponctuée par une médaille d’or aux Jeux de la Francophonie en 2023. Les U17 échouent aux CAN 2023 et 2025 et ne disputent pas le Mondial, tandis que les U15 sont éliminés dès le premier tour du tournoi de Montaigu.
Chez les féminines, le bilan est tout aussi sombre. Les Lionnes seniors ne se qualifient ni pour le Mondial 2023, ni pour les Jeux olympiques, ni pour la CAN 2024, ni pour le Mondial 2027. Leur unique repêchage à la CAN 2024, après une élimination initiale, ne parvient pas à masquer un parcours globalement décevant, et leur meilleur résultat sous ce mandat reste le quart de finale perdu lors de l’édition 2022 au Maroc. Les U20 sont éliminées en huitièmes de finale du Mondial 2024, tandis que les U17 quittent les Mondiaux 2022 et 2025 dès le premier tour. La seule exception reste la médaille de bronze des Lionnes de futsal à la CAN 2025, petite lueur dans un tableau largement défavorable.
Jamais le Cameroun n’avait connu un recul aussi généralisé de ses performances internationales, toutes catégories confondues, masculines et féminines, seniors et jeunes. Ce déclin sportif, aggravé par les scandales judiciaires et les tensions internes, pèse lourdement sur la perception du mandat de Samuel Eto’o et nourrit l’incertitude à la veille d’un scrutin dont l’organisation elle-même est contestée par plusieurs acteurs du football national.
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À propos de l'auteur
Arthur WANDJI
Rédacteur sportif
Correspondant SNA au Cameroun et Gabon. Spécialiste des Lions Indomptables.
