Sept fois championne de l’Ascension du Mont Cameroun, le marathon le plus pénible d’Afrique centrale,Sarah Liengu Etonge (56 ans), à la retraite, court désormais pour l’éducation, la santé, les droits des enfants, entre autres.
De notre correspondant au Cameroun,
La voix enrouée, Sarah Liengu Etonge lutte pour retenir ses larmes, lorsqu’elle se remémore ses moments de gloire sur le Mont Cameroun dont le sommet culmine à 4100 m. Il s’agit en effet de l’ascension la plus pénible de la sous-région Afrique centrale. Elle s'étend sur 42 km de pentes escarpées, avec des températures pouvant atteindre 0° au sommet. Ce marathon, dénommé la «Course de l’espoir», organisée chaque année à Buea, dans le sud-ouest du Cameroun, l’ancienne athlète de 56 ans l’a remportée sept fois. Un record instauré par celle qui a été baptisée la «Reine de la montagne».
«Quand je pense à toutes ces années durant lesquelles j’ai participé à la Course de l’espoir, beaucoup de sentiments s’entremêlent. Je me sens heureuse et chanceuse du parcours réalisé. Heureuse parce que mes sept victoires sont la récompense d’un travail acharné. Chanceuse, parce que cette course m’a permis non seulement d’être connue au-delà de mon pays, mais aussi en raison du fait qu’en tant que pionnière. Je suis celle qui a ouvert la porte et donné le courage à plusieurs femmes d’affronter leurs rêves», a confié Sarah à SNA. C’était le 25 février 2023, lors de la dernière édition de ce marathon.
Cette année, Sarah était à la tribune d’honneur du Molyko Stadium. Immense vedette dans son pays et sa ville natale, elle fait désormais partie de la légende. «J’ai passé le flambeau, dit-elle en souriant. J’ai la course dans le sang, mais aujourd’hui, je ne suis plus en mesure de dompter la montagne». Sa dernière victoire remonte en effet à 2005. Elle a ensuite pris sa retraite en 2008. Mais cinq ans plus tard (2013), elle décidait de chausser de nouveau les pointes pour courir l’épreuve. Malgré une préparation au rabais, elle termine au second rang.
A l’heure du bilan, celle qui a commencé à courir dans les hautes collines dès sa petite enfance, ne garde que du positif : «La Course de l’espoir m’a donné tout ce que j’ai. Je ne peux pas dire que j’ai des regrets. J’ai toujours été bien entourée par ma famille et mes équipes. Nous avons travaillé dur pour atteindre ce niveau. Alors oui, je ne garde que du positif».
Mère de six enfants et figure de légende du marathon au Cameroun, Sarah n’a pas seulement remporté des médailles et de l’argent durant sa carrière. Une stèle a été érigée en son honneur dans la ville de Buea en 2006. Le gouvernement lui a ensuite offert une maison en 2014. Construite sur une superficie de près de 1 000 m2, son architecture, semblable à celle de ces petites villas que l’on rencontre dans les grandes métropoles du Cameroun, donne à rêver. Seulement, aux dernières nouvelles, Sarah en a fait le siège de sa Fondation.
La "Sarah Etonge Foundation" a en effet vu le jour en 2017. Il s’agit d'une organisation à but non lucratif qui s'occupe de l'éducation, le sport, la santé. Mais aussi, les droits de l'enfant, la conservation, l'autonomisation économique et l'écotourisme durable sur le Mont Cameroun. Il s’agit là de ses nouveaux combats. Car dit-elle, pour ce qui est du marathon, l’on ne peut pas refaire son histoire. «Personne ne peut prendre mon trône, a-t-elle conclu. Il n’y a qu’une seule reine de la montagne : c’est moi ! Peut-être qu’avec le temps, mon record sera battu. Mais l’histoire se souviendra à jamais de moi».
Arthur WANDJI