Le Sénégal a obtenu sa première et seule médaille olympique en 1988 à Séoul, 24 ans après avoir découvert les Jeux olympiques, en 1964. Pour sa rubrique Rétro, SNA ouvre la boîte à souvenirs.
De notre correspondant au Sénégal,
Nous sommes le 25 septembre 1988 à Séoul, capitale de la Corée du Sud. Le stade olympique est bien garni et voit s’établir cinq records du monde durant les épreuves d’athlétisme. Sur la ligne de départ du 400 m haies, à jamais dans les annales, une belle brochette. Huit athlètes pour trois médailles : Harald Schmid et Edgard Itt de la République fédérale d’Allemagne, Kriss Uche Akabusi de Grande-Bretagne, Winthrop Graham de Jamaïque, Kevin Young, Andre Philipps et Edwin Moses pour l’armada des Etats-Unis, et El Hadj Amadou Dia du Sénégal, unique athlète africain en lice.
Le duel tant attendu entre Moses et Philipps occulte le danger potentiel que pouvait représenter Dia Ba, pourtant en constante progression entre 1984 et 1988. Cinquième en finale des précédents Jeux à Los Angeles (États-Unis), le Sénégalais réduit peu à peu le fossé qui le sépare des meilleurs mondiaux. Spécialiste de l’athlétisme au journal Le Soleil à l’époque, Mamadou Koumé se souvient d’une course légendaire.
«J’étais en France ce 25 septembre 1988, confie-t-il à SNA. J’ai suivi tout seul cette course à Paris, la nuit, du fait du décalage horaire avec l’Asie. J’ai véritablement aimé. Comme je connaissais Dia Ba, c’est quelqu’un que je suivais. J’ai longtemps couvert l’athlétisme. C’était un exploit une fois encore d’une très grande dimension. Il avait contribué à faire rayonner l’athlétisme sénégalais avec cette médaille-là.»
Sauteur en hauteur à ses débuts, Dia Ba était l’un des grands espoirs de l’athlétisme sénégalais. En 1983, il est médaillé lors des Jeux universitaires mondiaux à Edmonton. «J’étais envoyé spécial à l’époque pour le quotidien national pour cette compétition au Canada, se souvient l’ancien Rédacteur en chef du journal Le Soleil. C’était une médaille d’argent au saut en hauteur. C’est quelque mois après qu’il s’est blessé et a complètement changé de spécialité pour passer aux 400 m haies.»
Une grave blessure au genou qui aurait pu le pousser à une retraite prématurée et qui au final change la vie de l’athlète alors âgée de 25 ans. Un an après cette blessure et la reconversion sur le tour de piste, Dia Ba décroche le titre avec le relais sénégalais aux championnats d’Afrique en 1984 au Maroc. «Dia Ba fait partie d’une génération d’athlètes qui nous ont valu beaucoup de satisfaction, s’incline Mamadou Koumé. J’ai couvert ces championnats d’Afrique en 1984. C’était à quelques semaines des Jeux olympiques de Los Angeles. L’équipe du Sénégal de relais 4x400m avait battu en finale celle du Nigéria qui était une très grande équipe à l’époque.»
Une période faste pour l’athlétisme sénégalais qui aurait pu espérer plus qu’une seule médaille olympique. «Le Sénégal avait une pléiade d’athlètes d’un très bon niveau africain, se souvient l’ancien président de l’Association nationale de la presse sportive (ANPS) du Sénégal. Je pense à Boubacar Diallo, à Cheikh Tidiane Boye, à Moussa Fal (demi-fond) et Moussa Fall (saut en hauteur), à Mbaye Niang... Le Sénégal disposait de très bons athlètes et au niveau des féminines aussi. Et Dia Ba faisait partie de cette génération. C’est vrai qu’il en était le chef de fil mais c’était une bonne crue avec du talent et un énorme potentiel.»
Construite sur plusieurs années avec notamment une 5ème place aux JO de Los Angeles en 1984 et une finale aux Mondiaux à Helsinki en 1983, la médaille olympique de Dia Ba reste une sacrée performance à l’époque même si le principal concerné n’a jamais douté de ses capacités. «Pour trois centièmes j’ai raté la médaille d’or. Mais cette médaille d’argent est une médaille qui vaut de l’or pour moi parce que c’était une première pour moi, une première pour mon pays, confiait-il en 2021 dans un entretien à SNA. Fallait imaginer toute la délégation sénégalaise avec le ministre des Sports, le président Lamine Diack, le président de la Fédération sénégalaise d’athlétisme, Papa Gallo Thiam, les membres du Comité olympique, mes amis qui, le 22 septembre ont fêté mon anniversaire et tout le monde m’avait souhaité une médaille.»
«Amadou Dia Ba faisait partie depuis quelques années des meilleurs sur cette spécialité, insiste Mamadou Koumé. Mais on ne peut pas dire pour autant qu’il pouvait être sur le podium. Le fait d’avoir gagné la médaille d’argent à Séoul était un véritable exploit. Je me souviens à l’époque que ç’a été très apprécié dans le monde de l’athlétisme et même au-delà parce que ç’a été une sacrée performance.»
Soutenu par les plus hautes autorités du pays durant sa préparation, avec le président de la République de l’époque, Abdou Diouf, l’ancien président de l’IAAF, Lamine Diack, Amadou Dia était un véritable ambassadeur pour la diplomatie sénégalaise. «C’est un excellent souvenir pour lui, pour ceux qui dirigeaient l’athlétisme sénégalais à l’époque et pour le Sénégal sur le plan politique, raconte l’ancien journaliste du Soleil. À l'époque, il avait été fêté à son retour comme un héros. Un peu à la façon des Lions du football après leur récent sacre à la CAN. Même si ce n’était pas de la même dimension. Mais Dia Ba a fait des tournées un peu partout dans la ville.»
Cette médaille d’argent d’El Hadj Amadou Dia Ba devait être l’acte fondateur de l’histoire olympique du Sénégal. Elle est malheureusement restée figée depuis. Et les JO de Paris en 2024 sont un nouveau rendez-vous pour poursuivre ce chapitre. Une nouvelle occasion de ravivez la flamme.
Moustapha M. SADIO