Désigné meilleur gardien de la CAN de handball qui vient de se disputer en Egypte, le Marocain Yassine Idrissi revient sur les performances du Maroc, médaillé de bronze pour la première fois depuis 2006 au détriment de la Tunisie. Le portier évoque notamment l’écart qui existe encore avec les meilleures sélectons du continent.
De notre correspondant au Maroc,
SNA: Le Maroc a réalisé une belle CAN de handball conclue par une 3e place, quels ont été les ingrédients de cette performance en Egypte ?
Y.I : Ce qui a fait la réussite du Maroc lors de cette Coupe d’Afrique en Egypte c’est que c’est une équipe qui s’est construite depuis un petit moment. Donc on commence à se connaître un peu plus, on s’habitue davantage à notre défense à 5, à 3-3, à 1-2-3... Cela nous permet de dissuader les tireurs et les joueurs de un contre un de venir entrer dans les neuf mètres. Je pense que cela a perturbé les équipes adverses qui n’ont pas l’habitude de faire face à ce type de défense, d’autant plus que la Coupe d’Afrique s’est tenue en juillet, ce qui est très rare. Tous les joueurs adverses ont fait une saison complète et sont arrivés très fatigués, donc nous avons réussi à les piéger dans ce sens-là.
Vous décrochez une médaille de bronze en Egypte devant la Tunisie, ce qui est une première depuis 2006, quels sentiments vous animent ?
Si j’en crois aux archives, c’est la première fois que le Maroc l’emporte contre la Tunisie en compétition officielle. C’est quelque chose d’extraordinaire. Il faut aussi savoir que la Tunisie avait disputé les Jeux méditerranéens à Oran et est arrivée fatiguée. Elle a aussi été diminuée par les blessures, mais cela n’enlève en rien notre victoire face à elle. On a piégé cette équipe très forte dans les duels. Il valait mieux perdre un duel à 12-10 mètres plutôt qu’à 7-8 mètres où on aurait été pénalisés par les penaltys. Après on a été vraiment très costauds en défense et Jamal, le gardien, a fait une partie remarquable. J’espère qu’il sera l’avenir du handball marocain, car il le mérite.
Qu’est-ce qui manque encore au handball marocain pour enfin obtenir un titre en CAN ?
C’est une question piège. A mon avis il manque beaucoup de choses, c’est le cas pour de nombreuses équipes nationales. Ce qui manque ce sont les structures je pense. Il faut avoir une équipe qui bouge assez régulièrement, notamment à l’étranger. C’est très difficile. Mais il faut commencer à restructurer la base, trouver les bonnes personnes pour former les futures générations, faire une meilleure détection en Europe pour trouver par exemple des Marocco-Suédois, Maroco-Tchèques pour renforcer l’équipe… C’est donc tout un travail à faire en amont.
Que dites-vous du niveau du handball marocain, et qu’est-ce qui lui manque encore pour être au niveau de l’Egypte par exemple ?
Il manque tellement de choses pour être au niveau de l’Egypte. La réussite égyptienne est vraiment calquée sur le modèle européen avec une formation à la base, un recrutement dans les écoles, dans les centres de formation… C’est ce qui nous manque. L’Egypte a toujours un vivier de jeunes qui sont performants dans les championnats du monde. La dernière performance en date est le titre des moins de 20 ans au championnat du monde. Ce qui nous manque, c’est d’essayer de faire évoluer très souvent les jeunes hors d’Afrique, faire des stages en Europe pour qu’ils se développent. C’est vraiment beaucoup de choses qui font défaut au Maroc pour être à leur niveau.
Ce n’est en aucun cas une critique négative, au contraire. Je veux que le handball se développe et puisse rivaliser avec les meilleurs (Egypte, Tunisie) beaucoup plus régulièrement. Malheureusement on n’a pas ces structures à la base qui font que de petits jeunes arrivent et nous mettent un peu à la porte... Pourtant c’est cela qui emmène un peu l’émulation pour pouvoir développer le handball marocain.
Vous avez fait comprendre que c’était votre dernière CAN, ne comptez-vous pas disputer d’autres compétitions avec l’équipe nationale ?
Oui j’ai annoncé que c’était ma dernière Coupe d’Afrique et c’est ma dernière. Je pense avoir tout donné à l’équipe nationale. Cela fait 16 ans maintenant. Comme je l’ai toujours dit, les choses n’ont pas vraiment évolué. C’est toutefois mieux qu’au début, mais cela reste encore très loin du niveau de l’Egypte ou de la Tunisie. C'est encore pire comparé aux sélections européennes. Je commence aussi un peu à être un peu lassé de partir à chaque fois tout un mois de janvier, de ne pas voir mes enfants… Ils arrivent à un âge où ils ont besoin de leur père. Donc partir comme ça à chaque fois n’est pas facile. J’aimerai me poser un petit peu et profiter de mes enfants. Mais je reste toujours disponible pour rendre service à mon pays.
SNA: Seriez-vous partant pour la Coupe du monde à laquelle le Maroc est qualifié ?
Oui, j’ai dit que c’était ma dernière CAN, mais pour la prochaine Coupe du Monde je ne sais pas encore. Je préfère profiter au maximum de mes enfants pendant les vacances de Noël et après on verra. Je n’ai pas forcément besoin de faire une préparation comme un jeune de 25 ans. Mais on va voir avec la Fédération comment cela va se passer et dans quelle mesure je pourrai venir avec l’équipe nationale.
Un dernier mot après une si longue et belle carrière...
Al Hamdoulillah, j’ai une longue carrière et elle n’est toujours pas finie. Mais d’un point de vue international je pense que je vais un peu lever le pied. Car, commencer mi-juillet et terminer fin juin sans vacances va être très compliqué. Ce n’est pas forcément par rapport au physique que j’arrive à gérer, mais surtout par rapport à la vie de famille. Je vais prendre un peu de recul par rapport à tout cela. J’espère que d’autres suivront mon chemin. Je ne veux pas être le seul, ce serait complètement ridicule... Je veux que d’autres Marocains soient meilleur que moi, que le handball national soit encore plus fort et qu’à l’avenir les joueurs qui viendront soit encore plus meilleurs que nous.
Propos recueillis par Mohamed Hadji