Le Ballon d'Or 2024 est-il le symbole d'une distinction en plein naufrage ? En attribuant le trophée à Rodri, milieu espagnol pourtant irréprochable, les organisateurs ont déclenché un tollé. Le Real Madrid, dans un geste aussi rare que symbolique, a boycotté la cérémonie, scandalisé par l'absence de Vinicius parmi les lauréats. Ce geste de défi, s'il en fallait encore un, met en lumière le malaise de plus en plus palpable autour de cette distinction censée incarner le « meilleur joueur de l'année ». Mais derrière le rideau de strass et de paillettes, le Ballon d'Or semble perdre de son sens, brouillé par des critères mouvants, partiaux, voire absurdes.
Une cérémonie déconnectée de la réalité
Les choix de certains votants apparaissent de plus en plus déconnectés des réalités du terrain. En récompensant Rodri, les jurés affirment valoriser un « football collectif » qui laisse en marge les individualités brillantes, comme celle de Vinicius, qui se voit être estampillé « individualiste ». Si l’intention est louable sur le papier, elle paraît malhonnête dans les faits : comment expliquer alors qu’un joueur comme Carvajal, vainqueur de l’Euro et de la Ligue des champions, n’ait pas été considéré comme Rodri pour ce même esprit d’équipe ?
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Ce double standard confond et agace ; il donne l’impression d’un trophée distribué au gré des modes, des envies du moment, plutôt que sur des bases tangibles. Pour revenir sur la déconnection des votants : que penser du représentant du Salvador qui ne classe pas le Brésilien dans son Top 10 ? Objectivité vous avez dit ? Mais ne nous trompons pas de combat, il ne s'agit pas ici d'un plaidoyer pour un joueur ou un autre. Cela va au-delà.
Système opaque, critères confus, absence d'universalité
Le problème du Ballon d'Or, ce n’est pas seulement le choix final ; c'est l'opacité qui l'entoure. Les critères de sélection changent d'année en année, comme s'il suffisait d'un vent favorable pour orienter les décisions. Combien de joueurs ont été « volés » par cette mécanique capricieuse ? Franck Ribéry en 2013, ignoré au profit de Ronaldo, Luka Modric qui dépasse les champions du monde français en 2018, ou encore Lewandowski, laissé sur le carreau en 2020 sans même une cérémonie… La liste des injustices s'allonge, au point de questionner la légitimité même de ce trophée.
Et que dire de la dernière restriction, réduisant le nombre de pays votants aux seuls 100 premiers du classement FIFA ? En clair, seuls les pays « bien classés » - ceux bénéficiant souvent de moyens conséquents et surtout en large majorité « développés » - ont droit de vote. Ce resserrement de l’audience n'est rien d'autre qu'un mépris des nations moins médiatisées et plus modestes, comme si le football ne se jouait qu’en Europe et en Amérique du Sud. En ôtant une partie du globe du processus décisionnel, le Ballon d'Or se coupe de l’universalité qu’il prétend représenter.
L'heure d'une réforme radicalement nécessaire
Le Ballon d'Or, tel qu’il est aujourd’hui, est devenu une mascarade, un trophée de prestige pour les uns, un trophée de pacotille pour les autres. Si cette distinction veut retrouver un semblant de crédibilité, il est urgent d'en repenser le format. L’idée d’un prix unique n’est plus adaptée à la diversité du football moderne. Pourquoi ne pas envisager des distinctions par poste, récompensant le meilleur gardien, le meilleur défenseur, le meilleur milieu, et le meilleur attaquant ? Cette approche permettrait de célébrer chaque type de talent, sans chercher à opposer constamment des joueurs aux registres différents, ni artificiellement à mettre en avant un joueur « parfait », un concept qui n’a tout simplement pas (plus ?) lieu d’être.
Allons plus loin : pourquoi ne pas introduire des critères chiffrés et transparents ? Définissons ce qu'est un « meilleur joueur » avec des statistiques vérifiables : buts marqués, passes décisives, interventions décisives, titres majeurs remportés… Cessons d’enfermer ce trophée dans des critères de subjectivité pure. Si le Ballon d'Or ne s'adapte pas, il continuera à alimenter frustration et désintérêt. Au lieu de rassembler les amateurs de football, il les divise, les fait râler et perd tout le sens qu’il avait jadis.
Le Ballon d'Or a perdu sa boussole, et cette édition 2024 ne fait que le prouver. Tant qu’il ne sera pas question de clarté, de cohérence et de respect pour le football mondial dans son ensemble, ce trophée continuera de faire du surplace, coincé dans des logiques archaïques et partisanes. Il est temps de tourner la page. Si le football est universel, le Ballon d'Or doit cesser d’être un club privé pour redevenir une distinction honnête, transparente et fédératrice. Et, ironie du sort, au milieu de toute cette polémique, Rodri fait un très beau lauréat. Là est tout le paradoxe.