La sélection des écureuils junior 2005 a marqué l'histoire du football béninois. Alors que le pays abritait la CAN de la catégorie cette année, l'équipe s'est qualifiée pour la Coupe du Monde Pays-Bas. Mais derrière cette performance, le groupe aura traversé une tragédie avec l'assassinat en pleine compétition du gardien de but Yessoufou Samiou. 18 ans après, ses anciens coéquipiers se remémorent le drame et sa gestion.
De notre correspondant au Bénin,
Plus belles épopées de l'histoire des sélections nationales du Bénin, c'est la période de la génération junior 2005 puis après la performance à la CAN Égypte 2019. En 2005, le Bénin a accueilli la Coupe d'Afrique des Nations de la catégorie junior. À domicile, les ex-écureuils se sont surpassés pour terminer sur le podium. Romuald Boco, ancien joueur de l'équipe raconte leur préparation. «C'est une très belle génération. On a eu une longue préparation avec plusieurs déplacements en France à Rouen, à Sochaux et au Ghana. Le groupe était soudé. On a vécu ensemble pendant plusieurs mois. Il y avait une volonté de bien faire. Car, on jouait à domicile, devant nos fans. Beaucoup de jeunes ont vécu une expérience unique.»
Razack Omotoyossi ancien attaquant de cette équipe a aussi gardé de bons souvenirs de cette épopée. «Je suis tellement heureux d'appartenir à cette génération. Encore plus content de figurer parmi les meilleurs joueurs de la compétition. Le Bénin a pris la troisième place dans le tournoi. Cela a permis au pays de se qualifier pour la première et seule Coupe du monde de son histoire toutes catégories confondues.»
En ouverture de la CAN, le Bénin pays hôte a perdu son premier match à Cotonou contre le Nigeria de Taye Tawo et John Obi Mikel (0-3). Au lendemain de la défaite, un terrible événement s'est produit. Le gardien de but Yessoufou Semiou a été retrouvé poignardé et agonisant sur une plage dans les encablures de l'hôtel des joueurs. Celui qu'on surnommait Campos a succombé aux coups de couteau qu'il aura reçu.
«Le groupe l'a très mal vécu. On a souffert et beaucoup pleuré. Non seulement, c'était un leader dans notre groupe. C'était vraiment un choc, ça a vraiment traumatisé le groupe.C'est arrivé, on a dû faire face.Il aurait été bon d'avoir fait une cellule de crise pour pouvoir discuter avec les joueurs parce qu'on a vraiment souffert. 18 ans déjà qu'il est parti mais on ne va jamais l'oublier. Notre succès, c'est aussi son succès» confie Romuald Boco.
Yoann Djidonou ancien dernier rempart et l'ensemble de l'équipe ont traversé une période difficile. «L'assassinat de Campos a été le fait marquant de cette CAN. Moi je débarquais de l'Europe. La compétition ne s'était pas arrêtée et il fallait que je sois préparé pour remplacer Campos dans les buts. Ça a été compliqué à gérer.»
Si l'assassinat de Campos n'a jamais été élucidé malgré les enquêtes ouvertes à l'époque, ses coéquipiers lui ont rendu hommage à leur façon. Pour sa deuxième sortie à cette CAN, l'équipe a étrillé la Côte d'Ivoire (4-1) puis réalisé un grand match contre le Mali (3-3) avec des réalisations de Omotoyossi et Boco. Le Bénin hérite de l'Egypte en demi-finale mais tombe à la série des tirs au but (1-1, 3TAB1). Mais déterminé à aller chercher la médaille de bronze, le Bénin dompte les Lions de l'Atalas du Maroc aux pénalties (1-1, 5TAB3). «Je n'avais encore ressenti une douleur jusqu'à ce qu'on monte sur la pelouse et observé la foule au stade avec ses photos, j'ai coulé les larmes. Mais, j'ai joué ce match pour son âme. Que son âme repose en parfaite paix», livre l'ancien joueur du Sheriff Tiraspol et de Metz.
Pour Romuald Boco, la sélection junior 2005 a bien honoré la mémoire du défunt. «Il y a une phrase légendaire qui dit que quel que soit ce qui se passe, la vie continue. Mais ça a été très dur à vivre, se dire qu'on doit continuer à vivre et faire ce qu'on a à faire, représenter la nation. Il fallait psychologiquement et moralement se mettre dans cet état d'esprit. On voulait lui rendre hommage de la meilleure manière. Et je pense que ça a galvanisé la troupe. On a tout donné pour Campos. Et puis, on a réussi à décrocher cette qualification pour la Coupe du monde. C'était incroyable.»
Aux Pays-Bas pour le Mondial 2005, le Bénin réalise deux nuls contre l'Australie et le Japon (1-1) mais perd face au pays hôte 1-0. Bien qu'éliminé en phase de groupe, les joueurs sont fiers du parcours. «Le Mondial 2005 ? Je n'ai jamais cru que je pourrais être de l'équipe. Je fus le premier buteur du tournoi. Cela signifiait beaucoup pour moi, il fallait continuer à bouger et ne pas s'arrêter»; dixit Omotoyossi. Yoann Djidonou aujourd'hui gardien du Sologne olympique Romorantin en national 2 français célèbre encore cette performance. «On sait qu'on a fait quelque chose de grand. Le staff, les joueurs, on peut être fier. Au-delà des résultats, on a véhiculé les valeurs du pays, la combativité et on a jamais lâché. Et c'est ainsi qu'au pays les gens parlent encore de nous».
A jamais les premiers dans l'histoire du football béninois à disputer une Coupe du monde toutes catégories confondues, la Génération junior 2005 et Romuald Boco ont écrit une partie de l'aventure des jaunes. «La moitié des joueurs de cette génération a joué en équipe senior. Elle a pu qualifier le Bénin pour deux CAN seniors 2008 et 2010. Ce n'est pas un miracle. C'est un groupe qui a performé sur toute une période.»
Rachidi DOSSA