Le football camerounais est secoué par une crise ouverte entre Samuel Eto’o, président de la Fécafoot, et Geremi Njitap, leader du Synafoc. Le retrait de l’agrément du syndicat par la Fédération a mis en lumière un conflit aux enjeux profonds, où luttes de pouvoir, défense des droits des footballeurs et rivalités personnelles se mêlent dans un climat de tensions exacerbées.
Une petite phrase symbolise parfaitement le conflit qui oppose actuellement Samuel Eto’o, président de la Fédération Camerounaise de Football (Fécafoot), et Geremi Njitap, président du Syndicat National des Footballeurs Camerounais (Synafoc). Une petite phrase contenue dans un communiqué publié le 18 novembre par le Syndicat, réagissant au retrait de son agrément par la Fédération deux jours plus tôt. « Cette décision qui était attendue est le dernier acte d'une longue série d'actions malveillantes visant à museler tous les acteurs de notre football qui osent exprimer une opinion différente de celle du désormais potentat de Tsinga [nom du quartier qui abrite les locaux de la Fécafoot, Ndlr.] », a réagi le Comité directeur dudit syndicat.
Entre Eto’o et Njitap, la discorde ne date pas d’hier. Si les deux hommes ont partagé des succès glorieux sous le maillot des Lions Indomptables, leurs relations se sont considérablement détériorées depuis l’élection d’Eto’o à la tête de la Fécafoot. L’escalade des tensions a atteint un point de rupture après une rumeur, en juillet 2023, affirmant que Njitap serait le choix du gouvernement, pour prendre les rênes d’un éventuel Comité de normalisation à la tête de la Fécafoot. Cette hypothèse a suffi à en faire une cible dans l’entourage d’Eto’o.
Njitap, perçu comme un leader intègre et expérimenté, incarne une alternative crédible au leadership de l’ancien buteur du FC Barcelone, marqué par des controverses. Cette perspective serait jugée inacceptable par le clan Eto’o, qui y voit une menace à la stabilité de son règne à la Fécafoot. « Njitap jouit d'une belle image parmi les anciens footballeurs et n'a jamais été associé à des scandales. Il possède aussi une expérience managériale que Samuel Eto'o n'avait pas lorsqu'il était candidat à la Fécafoot. De plus, il entretient d'excellentes relations avec les présidents de la FIFA et de la CAF », confiait à SNA, Jean-Bruno Tagne, ancien directeur de campagne de Samuel Eto’o et auteur de plusieurs ouvrages à succès sur l’ancien capitaine des Lions Indomptables.
Pourtant, du côté de la Fécafoot, le retrait de l’agrément du Synafoc est justifié par des considérations institutionnelles. Selon des membres de son Assemblée générale, la FIFA interdirait aux fédérations d’intégrer des syndicats dans leur fonctionnement. Toutefois, des observateurs y voient une manœuvre pour écarter un acteur influent. En préparant l’intégration de Lucien Mettomo, un proche d’Eto’o, à la tête de l’Association Nationale des Footballeurs Camerounais (ANFC), la Fécafoot consoliderait son contrôle sur les instances représentatives des joueurs, tout en limitant les contestations internes dans un contexte où les clubs revendiquent toujours la subvention des sponsors pour la saison qui s’est achevée il y a sept mois.
Face à cette offensive, le Synafoc n’entend pas rester passif. Soutenu par la Fifpro, l’organisation dénonce une tentative délibérée d’éliminer la défense des droits des footballeurs camerounais. Njitap et son équipe ont promis de porter l’affaire devant les juridictions compétentes, comme ce fut le cas en 2013, où une décision similaire avait été annulée. Dans un ton ferme, le Comité directeur du Synafoc a exhorté les footballeurs à garder leur calme, tout en affirmant sa détermination à ne rien céder face à ceux qu’il qualifie de « prédateurs désormais installés au cœur même de l'Exécutif de la Fécafoot ». Le climat tendu entre Samuel Eto’o et Geremi Njitap dépasse donc désormais les murs de la Fécafoot.